Selon une récente enquête, 34,4% des jeunes ont déjà fumé du narguilé et 17,3% ont consommé au moins une fois dans leur vie de l'alcool. Ce sont les amis qui viennent en première position au niveau des fournisseurs de drogue avec 55,8%. A l'initiative de l'Association de sauvegarde de la Médina de Tunis, une enquête a été réalisée sur la consommation de psychotropes chez les élèves de 15 ans et plus dans les lycées de la Médina. Appuyée par l'Association internationale des maires francophones à Paris (Aimf) et la Ville de Luxembourg, l'enquête s'est intéressée à un échantillon de 400 jeunes parmi 4036 jeunes âgés de 15 ans et plus qui fréquentent actuellement certains lycées publics et privés de la Médina de Tunis. Cette enquête, dont les résultats ont été publiés avant-hier, jeudi, à Dar Lasram, forme la première phase d'un projet pilote qui s'instaure dans un cadre de prévention et de réinsertion sociale. Des jeunes en perte de repères ? D'après lesdits résultats, les enquêtés préfèrent passer la plupart de leur temps à naviguer sur internet (92,4%), écouter de la musique (85,3%), fréquenter les cafés (57,5%), regarder la télé (75,5%) et se détendre (75,3%).Mais quand il s'agit de lecture de journaux ou de magazines, le pourcentage chute à 15,1%. Les maisons de la culture sont boudées (9%) et les actions de bénévolat n'exercent que peu d'attrait sur ces jeunes (8.4%). Le sociologue Senim Ben Abdallah qui a présenté les résultats de l'enquête, s'attaque frontalement à certaines défaillances et pointe du doigt les trois principaux acteurs que sont la famille, l'établissement scolaire et, bien sûr, l'Etat. Les parents ne sont pas à l'écoute de leurs enfants, et cela fait des années que l'école n'assume plus son rôle dans notre pays, constate-t-il amèrement. Et d'ajouter qu'il n'y a pas beaucoup de programmes répondant aux attentes des jeunes qui ont joué un rôle très important dans la chute du régime autoritaire. «Ces derniers sont, aujourd'hui, les "oubliés des politiques", ils sont très peu présents dans la prise des décisions. Leurs attentes sont nombreuses sans que les décideurs n'en tiennent compte, d'où les mouvements de protestation dans les différentes régions du pays menés par les jeunes. Ces facteurs expliquent d'ailleurs le taux élevé de ceux qui veulent immigrer légalement (48%). C'est d'ailleurs presque le même taux du temps du président déchu». Consommation de drogue : inquiétant Zoubeïr Mouhli, directeur général de l'ASM, a expliqué que le grand objectif de ce projet est de mettre en garde les jeunes de la Médina de Tunis contre les dangers liés à la consommation de substances psychotropes. Mais les résultats de l'enquête sont graves. Il s'avère que 13.1% ont consommé de la drogue pendant une période allant de quatre à huit ans, 43.8% pendant une période comprise entre un et trois ans et 38% pendant une période ne dépassant pas une année. Ils sont 4.8% à avoir consommé de la cocaïne une fois dans leur vie, et 22.9% ont essayé l'ecstasy. Pour les cigarettes, les résultats montent en flèche .Ils sont plus de 50% à avoir fumé leur première cigarette à un âge compris entre 13 et 16 ans. Mais là aussi les campagnes de sensibilisation contre le danger du tabac ne parlent pas des incidences négatives du narguilé (chicha) sur la santé, fait remarquer Senim Ben Abdallah. Le taux des jeunes qui ont fumé le narguilé une fois dans leur vie est élevé, il atteint les 34.4%.Pour la consommation quotidienne de boissons alcoolisées, le taux est de 1,7% , mais ce taux s'élève à 17,3% pour ceux qui ont, une fois dans leur vie, bu de l'alcool. Pour ce qui est de l'initiation à la première consommation de drogue, le danger provient malheureusement des amis en premier lieu .Ces derniers sont pointés du doigt et le taux s'élève à 65.8%.Les amis viennent en première position au niveau des fournisseurs de drogue avec 55.8%, ce qui confirme bien la fameuse citation de Voltaire : «Dieu gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m'en charge». La drogue est consommée surtout dans la rue et à la maison ou dans une voiture et bien sur chez un ami, selon l'enquête. Les raisons de la consommation Il est très difficile, surtout pour les parents, d'admettre que leur enfant, ou leur fille, puisse tomber dans le piège de la consommation de drogue. Et pourtant, les raisons qui poussent les jeunes à franchir les lignes de l'interdit sont bien simples, comme «l'envie de vivre une nouvelle expérience». C'est, d'ailleurs, l'une des premières raisons qui poussent à la consommation de drogue (61,2%) alors que d'autres jeunes (31,9%) le font pour «fuir la réalité». 19,4% se droguent «par plaisir», 14,5% «pour imiter les pairs» et 6,3% «en raison de l'ennui». Selon Senim Ben Abdallah, le nombre de jeunes qui s'adonnent à la drogue est plus élevé chez les orientés vers les sections Economie et Lettres que ceux des sections scientifiques. Les recommandations Pour se prémunir contre les effets dévastateurs de la toxicomanie, du tabagisme ou de l'alcoolisme, le rapport de l'enquête présente une panoplie de recommandations, comme renforcer les capacités des parents dans l'éducation de leurs enfants et dans la protection des comportements à risque, améliorer la relation entre les élèves et le cadre éducatif, et inculquer l'esprit de citoyenneté chez les élèves. Il faut aussi lutter contre le tabagisme, développer des programmes de sensibilisation contre l'usage des drogues, améliorer l'accès des jeunes aux informations relatives à la santé sexuelle, créer un numéro vert pour l'écoute des adolescents et les jeunes lycéens, insiste le sociologue Senim Ben Abdallah. D'autres mesures sont préconisées dans le domaine des institutions concernées par l'accompagnement des jeunes, l'autonomisation et la participation, l'information et la communication. A la lumière de ces résultats, les initiateurs du projet vont se pencher sur l'élaboration du programme de sensibilisation qui sera axé sur des approches et des idées nouvelles ainsi que sur le partenariat avec la société civile.