Souvenirs d'enfants, cahiers de classe d'un enseignement supposé leur ouvrir l'univers, la tendre image d'une mère qui les a laissé partir. Cela aurait pu être obsessionnel, virer au pathos, ou, pire encore, surfer sur une mode misérabiliste. Cela ne l'est pas, et bien qu'évoluant sur un thème quelque peu éculé et épuisé ces temps-ci, celui de la migration, Walid Ardhaoui s'en tire avec brio. Cela grâce à une superbe maîtrise du dessin au service d'une poésie toujours latente. Ce que peint l'artiste, remarquablement, il faut le signaler, dans une facture hyperréaliste, ce sont les rêves de ces migrants, leurs souvenirs d'enfants, les cahiers de classe d'un enseignement supposé leur ouvrir l'univers, la tendre image d'une mère qui les a laissé partir. Ce qu'il raconte, c'est aussi la beauté d'un décor même quand on est derrière des barreaux placés pour les empêcher de se perdre, c'est aussi la boîte de tomate érigée en madeleine de Proust, et les poubelles de l'Histoire où ils finissent par sombrer. Walid Ardhaoui a fait les Beaux-Arts, section dessin, ce qui explique sa remarquable maîtrise du trait, et la liberté de sa technique. Ici, tout est précis, ciselé, abouti, dans la suggestion peut-être, mais jamais dans le flou. On traverse le miroir, mais on rêve en couleurs et en relief. La galerie Gorgi a invité ce jeune artiste à exposer dans le cadre de la saison Jaou dédiée au thème de la migration inversée. Toutes les galeries ont fait de même, chacune offrant une facette particulière, une appréhension différente. Celle de Walid Ardhaoui est émouvante.