Etant le lieu d'une première expérience sociale hors de la bulle familiale, les jardins d'enfants jouent un rôle crucial dans la construction de la personnalité de l'enfant. Toutefois, l'éducation préscolaire fait face aujourd'hui à de nombreux problèmes. L'éducation de la petite enfance est quasi nécessaire. Non seulement, elle permet à l'enfant de découvrir la vie sociale, mais elle l'aide, aussi, à développer ses capacités ainsi que ses facultés de création et d'apprentissage. Cependant, l'éducation préscolaire est confrontée à d'énormes difficultés, notamment la profusion des jardins d'enfants clandestins, la disparité dans l'éducation, la distorsion des prix d'inscription dans les institutions éducatives... et la liste est longue. La tranche d'âge visée par ce type d'éducation est comprise entre 3 et 5 ans. Durant cette période, l'éducation préscolaire contribue à l'épanouissement et au développement psychomoteur de l'enfant en bas âge et à l'enracinement des valeurs telles que : l'amour de la patrie, la fraternité, le sentiment d'appartenance, etc. En Tunisie, les principales institutions éducatives de la petite enfance sont l'école dite coranique (kouttab) et les jardins d'enfants. A vrai dire, les efforts déployés pour lutter contre le déferlement du phénomène des jardins d'enfants clandestins sont encore timides. Certes, le ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance publie à chaque rentrée scolaire une liste des jardins d'enfants autorisés. Néanmoins, certains parents continuent à opter pour des garderies et des jardins d'enfants clandestins. En effet, faute de campagnes de sensibilisation et attirés par la quête des prix modiques, plusieurs parents n'hésitent pas à s'adresser à des institutions illégales pour y confier leurs enfants, inconscients du danger encouru. Une disparité à tous les niveaux Selon un rapport publié par le ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, portant sur l'évaluation des jardins d'enfants, durant l'année scolaire 2013-2014, 56% des enfants âgés de 3 à 5 ans n'ont pas intégré un jardin d'enfants. Ce taux s'élève à 83% dans le milieu rural. Cette disparité à multiples dimensions affecte les régions, creusant davantage le fossé entre les régions de l'intérieur et celles sur la côte. En effet, le taux de couverture des jardins d'enfants sur le littoral tunisien est le double de celui à l'intérieur du pays. En 2014, le ministère de tutelle a identifié au moins 600 zones habitées qui ne disposent d'aucun jardin d'enfants. D'autant plus, 9% des enfants de cette même tranche d'âge fréquentent une école coranique. Cette dernière ne relève pas de la responsabilité du ministère de la Femme. Elle est sous la supervision du ministère des Affaires religieuses. Cette incohérence et hétérogénéité dans les programmes et pédagogies dans les différentes institutions éducatives dédiées à la petite enfance se traduit, par la suite, par une fracture entre les élèves qui ont un bon niveau scolaire et ceux qui ne sont pas suffisamment outillés pour réussir un bon cursus scolaire dès la première année primaire. Cependant, la dimension sociale de cette disparité est la plus inquiétante. 13% seulement des enfants issus de familles pauvres fréquentent des jardins d'enfants, contre 81% de ceux qui sont issus de familles aisées. Cette iniquité sociale de l'éducation préscolaire a éclaté, suite à la baisse du nombre de jardins d'enfants municipaux au profit de ceux privés, dans un cadre d'orientation nationale encourageant l'investissement et l'esprit d'initiative, engagée depuis les années 90. En effet, le nombre de jardins d'enfants municipaux est passé de 250 en 1990 à 57 en 2017. Soit une baisse de 77%. 50% de ces derniers sont répartis actuellement entre les deux gouvernorats de Tunis et Sousse. Un service très coûteux Cette orientation vers la privatisation de l'éducation de la petite enfance a engendré une grande rivalité entre les prestataires de ce service. Ils sont constamment en concurrence pour attirer davantage de clients. Toutefois, la gamme offerte est très variée. Les prix d'inscription et d'abonnement à un jardin d'enfants n'ont pas de plafond. Les prix exorbitants inhérents à la qualité du service offert ne cessent d'alourdir les dépenses des ménages. Sana, 35 ans, mère d'un seul enfant, nous parle, non sans amertume, de sa première expérience pour dénicher un jardin d'enfants pour y intégrer son fils. «Il m'a fallu tout l'été pour trouver la bonne adresse. Au début, j'ai cherché à proximité de mon domicile. C'était horrible. Dans certains d'entre eux, les animatrices n'étaient pas bienveillantes. Dans d'autres, les conditions sanitaires sont à déplorer. Alors, j'ai commencé à chercher ailleurs. Finalement, j'ai décidé d'intégrer mon fils dans un jardin d'enfants un peu loin de mon quartier. Mais ce n'est pas grave, ils ont un minibus pour accompagner les enfants chez eux. En contrepartie,il m'a fallu ajouter les frais de déplacement. Donc, au total, cela fait 100 dt pour l'inscription, 50 pour les frais de déplacement et 50 pour les frais de cantine. Soit 200 dt par mois». Pour Sana, les dépenses engagées pour l'éducation de son petit enfant sont très élevées. «Je n'arrive plus à boucler mon budget mensuel, mais je suis obligée de sacrifier mon salaire pour être sûre que mon fils est entre de bonnes mains». A vrai dire, les prix varient selon les zones d'habitation. Dans les quartiers huppés, les frais d'abonnement mensuel qui s'élèvent à 320 dt n'incluent pas les frais de déplacement ni ceux de la cantine. Dans des zones plus modestes, les frais d'inscription atteignent les 180 dt par mois, alors que dans les quartiers populaires, les frais mensuels avoisinent les 100 dt. Ce qui constitue une sacrée somme, qui alourdit les dépenses de la classe moyenne.