Le golfe de Gabès a connu, durant les deux derniers mois de novembre et décembre 2017, des épisodes de mortalité d'éponges et de poissons Bordé au nord par la zone de La Chebba et s'étendant le long du littoral sud de la Tunisie, le golfe de Gabès se distingue par la présence de grandes îles et d'une multitude d'ilots inhabités. La mer se caractérise par un plateau continental particulièrement large, la plus importante marée en Méditerranée, une activité de pêche très intense utilisant des techniques et des engins assez variés, ainsi qu'une grande richesse faunistique et floristique au niveau de ses fonds. Toutefois, des études scientifiques menées depuis les deux dernières décennies par des chercheurs de l'Institut national des sciences et technologies de la mer (INSTM) au niveau du golfe ont montré que cette richesse ne cesse de se détériorer avec une désertification du fond marin, un envasement de son herbier et disparition quasi totale de la posidonie sur des surfaces assez importantes, explique Dr Hédia Attia El Hili, chercheur à l' INSTM. Eponges et poissons menacés L'implantation sur les côtes de grands complexes d'industries chimiques liés au traitement du phosphate, l'accroissement du nombre d'entreprises le long du littoral sud, les plateformes pétrolières et l'utilisation anarchique d'engins de pêche interdits pourraient avoir une incidence fatale sur l'équilibre de l'écosystème et la biodiversité marine dans le golfe. Selon le docteur Hédia, le golfe de Gabès a connu, durant les deux mois de novembre et décembre 2017, des épisodes de mortalité d'éponges et de poissons dans plusieurs endroits du gouvernorat de Sfax et de Gabès, en particulier aux îles Kerkennah, à Ellouza et à Jerba. Les résultats des investigations menées par des chercheurs de l'INSTM et du personnel d'autres établissements étatiques comme l'Agence nationale de protection de l'environnement (Anpe) ont montré que les mortalités des poissons ne sont pas associées aux fuites d'hydrocarbure. Cependant, des investigations réalisées par le laboratoire de phytoplanctons toxiques de l'INSTM de Sfax ont montré, au niveau de plusieurs sites du littoral du golfe de Gabès et de l'ouest des îles Kerkennah, la présence et des fois la prolifération très intense d'une microalgue (Karenia selliformis ) toxique pour de nombreux organismes marins durant les derniers mois de novembre et de décembre de l'année écoulée. La présence de cette microalgue était souvent associée à des mortalités de poissons, notamment dans les milieux plus ou moins fermés, à l'instar des milieux lagunaires. Cette prolifération étant favorisée par l'action conjuguée de nombreux facteurs, particulièrement la salinité de l'eau et la température. Quant aux mortalités des éponges observées surtout à Zarzis et aux îles Kerkennah, elles ont débuté depuis le mois d'août 2017. Elles sont favorisées par les fortes températures estivales. Contrôler les activités à risque Le golfe de Gabès est devenu au fil du temps un milieu de plus en plus vulnérable, l'écosystème ne cessant de se détériorer. Pour contrer cette dégradation, Dr Hédia préconise d'arrêter les rejets des eaux industrielles polluées en mer, non seulement des usines de traitement des phosphates, mais aussi celles émanant des petites et moyennes entreprises situées surtout à Sfax et d'introduire un système de gestion intégrée des déchets solides urbains (collecte, tri, traitement, recyclage, valorisation et enfouissement technique approprié). Elle recommande aussi le contrôle de l'ensemble des activités humaines à risques liées à l'industrie des hydrocarbures et au déballastage des navires et l'arrêt de la pêche aux arts traînants comme le chalutage dans les zones peu profondes interdites et la pêche par le «Kiss» de plus en plus utilisée aux îles de Kerkennah malgré les protestations de la société civile.