Les seuls espaces de loisirs dans la cité sont inaccessibles à cause de leurs prix exorbitants Dans le gouvernorat de Kairouan où 50% de la population ont moins de 35 ans, on est souvent obligé de passer les journées de vacances dans un état semi-comateux, faute d'activités ludiques et culturelles ainsi que d'espaces de loisirs bien équipés. En effet, maintenant que les vacances de printemps sont là, les familles cherchent des idées pour distraire leurs enfants. Evidemment, la première chose à faire, si on a épuisé toutes les solutions possibles, est de discuter en famille et demander aux jeunes vacanciers ce qu'ils ont envie de faire... Un programme imposé et choisi, aussi séduisant soit-il à nos yeux, n'a aucune chance d'être une réussite s'il n'y a pas concertations avec les écoliers et les lycéens. Or, dans la cité aghlabide, on n'a pas beaucoup de choix concernant les loisirs d'autant plus que c'est la platitude et le désert culturel pour une jeunesse avide de divertissement. En effet, et à part l'existence d'une vieille piscine municipale manquant de beaucoup de commodités, de trois espaces de loisirs où les prix sont excessifs, de salons de thé submergés par la fumée, une maison des jeunes presque désertée, un complexe culturel souffrant de plusieurs lacunes, fermé samedi et dimanche et ayant les portes en aluminium closes le reste de la semaine, quelques terrains de quartier très modestes, les jeunes ne trouvent pas de lieux pour s'épanouir, décompresser et s'adonner à leurs hobbies préférés. Absence de salle de cinéma C'est pourquoi les citoyens aisés passent avec leurs enfants des séjours plus ou moins longs dans les villes côtières afin de leur procurer un peu de délassement, de divertissement et de distraction. Par contre, les familles de condition modeste sont obligées de passer ces vacances printanières à Kairouan où il n'existe même pas une salle de cinéma (le fameux Casino a été démoli il y a des décennies et n'a jamais été remplacé). En outre, les rares colloques et festivals de théâtre, de poésie ou de créativité littéraire sont éphémères, pas toujours intéressants et n'attirent pas beaucoup de monde. Le jeune Mahdi Fatnassi, 12 ans, nous parle du vide de ses moments de loisir : «Après la grasse matinée, je passe la plupart de mon temps libre avec mes copains à jouer aux billes, à la toupie ou au ballon. En fait, on reste en proie à la routine et on traîne péniblement dans la monotonie des journées. Quelle différence avec nos amis qui sont partis en voyage avec leurs parents !». Son camarade Ridha Rebhi renchérit : «Franchement, c'est le malaise général pendant les vacances scolaires car même les clubs de spécialité existant dans les établissements scolaires, à la maison de la culture et à la maison des jeunes, sont très peu équipés, manquent d'animateurs spécialisés et ne sont pas dotés de parquet, ce qui est dangereux pour les répétitions de danse corporelle ou de théâtre. Ce qui risque de provoquer des blessures»... D'autres élèves, dont les lycéens Ali Farhat et Slim Barhoumi, nous confient dans ce contexte : «Ce qui est regrettable, c'est qu'il n'y a pas beaucoup de façons de passer ses vacances à Kairouan, à part les promenades à pied comme moyen de détente, la lecture de revues et de livres, le bricolage à domicile, les jeux de cartes aux cafés, la drague dans les salons de thé, il n'y a rien d'intéressant; or, à notre âge, on a besoin d'agir, de se dépenser, de se faire plaisir et de laisser de côté les bavardages inutiles. C'est pourquoi on a choisi de passer la plupart de notre temps dans les salles de jeux et dans les publinets pour surfer sur le Net et nous adonner aux jeux vidéo abrutissants avec un grand risque d'addiction. Mais, le soir, quand on rentre chez nous, l'ennui nous saisit et on se met, secrètement, à souhaiter la fin rapide de ces vacances scolaires car, au moins, au lycée, on rencontre les camarades et les enseignants qu'on apprécie...». Nader Ben Slama, 23 ans, étudiant, trouve de son côté que par le passé, la culture et les loisirs étaient accessibles à tous aussi bien en ville qu'en milieu rural, à travers les comités culturels locaux, les bibliothèques itinérantes, les excursions et les activités de la jeunesse scolaire : «Mais, de nos jours, ces pratiques culturelles ont cédé la place à la culture numérique. En outre, les vieilles bibliothèques publiques, dont le contenu laisse à désirer, n'attirent pas beaucoup de jeunes. Si on veut sauver notre jeunesse de la délinquance, du suicide et de l'extrémisme, il faudrait que l'Etat mette le paquet en créant davantage d'espaces de loisirs publics, en équipant les différents clubs de spécialités, et ce, afin de contribuer à l'épanouissement des élèves, à l'éclosion de leurs dons cachés en peinture, en musique, en expression théâtrale, en poésie, en expression corporelle, en arts plastiques, en dramaturgie, en multimédia, en littérature, etc. Cela permettra de donner un nouveau souffle à la vie scolaire...». Fatma ZAGHOUANI