Aujourd'hui, les protagonistes du conflit ne désarment pas. Le chef du gouvernement a fait une brève allocution télévisée avant-hier au cours de laquelle il a exigé l'arrêt de la suspension des cours et la remise des notes comme préalable à la reprise des pourparlers sociaux demain, lundi Même les réputés supporters ou sympathisants invétérés de la centrale syndicale consentent que les syndicalistes en font trop. On pointe du doigt le corporatisme, maladie infantile du syndicalisme. Une excroissance pervertie qui rejoint la cohorte des régionalisme, clanisme, tribalisme, isolationnisme et bien d'autres tares qui ont repris du poil de la bête depuis la révolution de 2011 Rien ne va plus entre la centrale syndicale, plus particulièrement la Fédération de l'enseignement secondaire, et le gouvernement. Après la grève de la remise des notes, les professeurs ont arrêté tout bonnement les cours. Cela dure depuis bientôt dix jours et aucun signe de décrispation n'est tangible. Entre-temps, les parents d'élèves paniquent. Non seulement ils ne savent rien des performances de leurs enfants durant le premier semestre, il y a de surcroît le spectre d'une année blanche. La grève des cours observée par les professeurs à l'échelle nationale survient à quelques encablures des examens de fin d'année et des concours nationaux. La grogne monte contre les professeurs et les syndicalistes. Des parents d'élèves manifestent devant les locaux de l'Ugtt. Certains se sont même enquis d'intenter des procès contre les syndicats. Les frictions et déclarations à l'emporte-pièce sont légion. Et cela survient alors que Noureddine Taboubi, secrétaire général de l'Ugtt, multiplie les critiques acerbes contre le gouvernement, sa politique sociale, son inaction. Au point de ressasser indéfiniment les mêmes griefs au fil des meetings tenus régulièrement dans les villes phares du pays. Les syndicalistes, à dire vrai, ne sont guère mieux lotis. L'image de l'Ugtt est profondément écornée, sérieusement entamée. Pourtant, sous nos cieux, c'est une image fondatrice, depuis plus de soixante ans. Elle colle autant à la lutte de libération nationale qu'à l'édification du nouvel Etat indépendant. Même les réputés supporters ou sympathisants invétérés de la centrale syndicale consentent que les syndicalistes en font trop. On pointe du doigt le corporatisme, maladie infantile du syndicalisme. Une excroissance pervertie qui rejoint la cohorte des régionalisme, clanisme, tribalisme, isolationnisme et bien d'autres tares qui ont repris du poil de la bête depuis la révolution de 2011. Un phénomène inédit au fur et à mesure de l'affaiblissement de l'Etat et de la déliquescence des institutions. Le gouvernement est sur la sellette. Les syndicalistes, toutes instances confondues, l'accusent de ne pas appliquer des accords signés depuis 2012. Il rétorque que les augmentations, rien que pour les professeurs, dépasseraient les cinq cents milliards, ici et maintenant. Et fait valoir que les caisses sont vides, l'économie est saignée à blanc et la balance des paiements largement déficitaire. La crise endémique aidant, la mise à mal des deniers publics au fil des ans a achevé de faire saigner l'économie et les finances. Des groupes, des partis, des coteries se sont systématiquement enrichis entre-temps, aux dépens de l'Etat, pillé, affaibli et exsangue, systématiquement lui aussi. Aujourd'hui, les protagonistes du conflit ne désarment pas. Le chef du gouvernement a fait une brève allocution télévisée avant-hier au cours de laquelle il a exigé l'arrêt de la suspension des cours et la remise des notes comme préalable à la reprise des pourparlers sociaux demain, lundi. Youssef Chahed se rend compte que l'opinion renvoie dos à dos le gouvernement et les syndicalistes. Et que sa colère embrasse tout le gotha de la place, y compris les hauts responsables qui font montre d'une incapacité à maîtriser les crises, gérer et résoudre les conflits. Et il n'est même pas d'intermédiaire honnête à même de négocier une sortie de crise honorable pour tous. Parce que l'amour-propre est lui aussi, hélas, de la partie. Et que la nature a horreur du vide. Il faut reconnaître que dans son staff, Youssef Chahed ne dispose pas d'un relais crédible parmi les syndicalistes. Le travail en amont et en aval fait défaut. Il se contente de traiter les nombreuses crises au cas par cas. Et depuis que l'Ugtt, qui soutenait le gouvernement à tour de bras, a changé de fusil d'épaule, la donne s'est envenimée davantage. Un homme prévenu en vaut deux, dit-on. Cela se vérifie davantage lorsqu'on est aux affaires et qu'on a en charge le destin de millions d'êtres humains. Et puis, à bien y voir, il n'y a que des perdants dans ce conflit stérile mais extrêmement coûteux. Les Tunisiens, c'est connu, n'acceptent guère que les études et l'avenir de leurs enfants soient hypothéqués, de quelque manière que ce soit. Et ils en veulent à tous, quelle que soit la casquette de chacun.