Après les listes élargies et les shorts lists, qui ont donné l'impression que l'équipe nationale est à l'abri des problèmes d'effectif, c'est le branle-bas de combat pour trouver l'attaquant miracle à quelques semaines du rendez-vous moscovite. Il y a quelques temps, on ne jurait que par Khenissi que le sélectionneur a proclamé «meilleur attaquant d'Afrique». A la suite de la blessure de l'avant «sang et or», c'est un petit peu l'affolement, ou ce qui semble être un début de brouillage des radars à partir desquels s'orientait notre onze. Comme quoi l'usage des superlatifs est souvent déplacé, pour ne pas dire nocif, et contre-indiqué, lorsqu'il s'agit d'émettre des appréciations qui engagent l'avenir et de nature à bousculer les susceptibilités des uns et des autres. En tout état de cause, la situation n'est pas aussi catastrophique qu'on veut le faire croire. Nous ne pensons pas que le sélectionneur soit à court d'arguments, surtout qu'il vient de convoquer Akaïchi et Saber Khelifa qui est actuellement en pleine forme et qui possède une solide expérience, du métier et est un véritable leader. Alors où est le problème ? Il est dans une sorte de sortie des nuages qui ont accompagné cette qualification et qui a été présentée comme une prouesse sans équivalent dans l'histoire du football tunisien. C'est certes légitime de considérer cette qualification comme un don du ciel qui récompense bien des efforts, procure fierté et joie à tout un peuple, et surtout représente une plate-forme de lancement idéal, aussi bien pour le personnel d'encadrement que pour les joueurs. De toutes les façons, les Tunisiens n'ont pas volé cette accession en phase finale, mais c'est le stress découlant des nouvelles et inévitables pressions que ressentent les responsables, à différents niveaux, face à ce deuxième tour que l'on exige avec plus ou moins d'insistance, qui semble commencer à brouiller les cartes. Cette perspective à laquelle on revient à chaque discussion, est en passe de devenir une véritable menace pour toutes les parties prenantes de cette aventure. Une aventure qui se présente pourtant sous les meilleurs auspices : des adversaires fiables et de bonne tenue ont été choisis pour tester et jauger des possibilités de notre sélection. En effet, c'est la première fois que notre onze aura affaire à autant d'équipes qui tiennent le haut du pavé. Cela ne fait que confirmer l'excellente réputation qu'est en train d'acquérir la sélection tunisienne, dont un certain nombre de ses joueurs animent le championnat français et dont la cote commence à grimper. Et la coïncidence veut que ceux qui s'imposent au sein de leurs équipes soient des attaquants dont les sorties sont de plus en plus concluantes. Nous souhaitons certes avoir le maximum d'atouts en main, mais l'équipe de Tunisie a quand même fière allure, surtout que les possibilités de reconversion avec des joueurs capables d'évoluer à plusieurs postes demeure une alternative plus que possible. Le football moderne, nous en vivons les péripéties tous les jours, et sous nos yeux, a énormément évolué. Les «postes» deviennent de plus en plus des positions de départ qui ressemblent à la mise en place des pièces que le joueur d'échecs dispose sur son échiquier. Tout est ensuite remis en question en fonction de l'action et des situations qui se présentent sur le terrain. Les joueurs ont été préparés à répondre au quart de tour aux changements de positionnements des adversaires et les réponses ne tardent jamais, surtout lorsque la formation théorique et collective des joueurs est complète. Ceux qui marquent, ce ne sont plus ceux qui portent l'estampille d'attaquants, mais ceux qui possèdent le don de jeter le trouble dans la zone de vérité adverse. Le «passeur» est, de nos jours, l'élément clé qui sert de plaque tournante pour ses camarades. Avec des défenses de plus en plus regroupées et des défenseurs de plus en plus athlétiques et particulièrement attentifs et concentrés, les véritables buteurs sont ceux qui «inventent» une situation de but ou qui, de par leurs extraordinaires qualités, des qualités magiques, font le spectacle et marquent. La «bicyclette» de Ronaldo en a été un exemple il y a quelque temps. Nous découvrons presque à chaque rencontre de nouveaux joueurs qui, sans crier gare, viennent bousculer les hiérarchies établies. Des jeunes ou des éléments qui ont souvent fait banquette mais qui, à la première occasion, jettent plein la vue à un public ébahi et à un entraîneur charmé d'avoir mis la main sur un nouveau joueur, frais, ambitieux et qui donnera le tournis à bien des défenses. Nous en avons connu, ces dernières semaines, et ce qui le prouve, ces contacts déjà établis par les grandes équipes qui cherchent à se renforcer. Prenons un exemple que nous connaissons tous : celui de Wahbi Khazri (a-t-il récupéré de sa blessure ?). Son entraîneur lui a demandé d'évoluer dans un poste où il n'avait pas l'habitude de jouer mais il y a réussi, au point de figurer parmi les meilleurs. Le cas de Selliti qui marque et qui fait marquer. Ce sont des joueurs qui savent prendre leurs responsabilités et qui ont, chose très importante, se sont adaptés, possèdent les qualités techniques et morales, et qui ont acquis la confiance de leurs entraîneurs. C'est la raison pour laquelle il faudrait éviter de dramatiser et de présenter l'absence d'un joueur, quel qu'il soit, comme une catastrophe nationale. Cela discrédite celui qui s'y adonne et jette le trouble au sein du groupe. Nous avons eu l'occasion de voir des Ronaldo, Messi et Neymar complètement transparents. Cela pourrait se passer pour n'importe quel joueur et de notre temps, il vaut mieux forcer sur la collectivité du groupe que sur les exploits individuels qui exigent des conditions bien particulières. L'équipe nationale doit certes s'entourer de toutes les conditions de réussite, mais pas au point de commencer à douter, dès qu'un des siens est indisposé pour une raison ou pour une autre. De toutes les façons, son personnel d'encadrement ne doit en aucun cas laisser percer ce doute qui naît parfois d'un secret besoin de s'épancher par crainte d'un éventuel mauvais résultat. Le sélectionneur, dans quelques jours, prendra toutes ses responsabilités et ceux qu'il retiendra seront ses atouts. S'il a omis de convoquer un joueur, c'est son affaire. Si, par contre, il a offert un voyage et un séjour aux frais de la princesse, c'est son choix. De toutes les manières, la liste capable de satisfaire les douze millions d'entraîneurs tunisiens, n'est pas encore élaborée. Il y aura toujours des oublis, feints ou intentionnels. Cela est égal, mais lorsque le nombre est limité, il y a toujours des problèmes de choix. Et il y a aussi un problème de conscience. Mais là, c'est toute une autre affaire dont nous reparlerons bien un jour. Pour le moment, le football moderne a facilité la compréhension de ce genre de responsabilité : il n'y a plus de postes. Il y a des joueurs polyvalents et des artisans qui maîtrisent parfaitement leur art. Lorsqu'on veut prétendre jouer dans la cour des grands, il faut en avoir les moyens et surtout mettre tous les atouts(les bons) de son côté.