Par Khaled TEBOURBI Les siestes d'El Watania nous tiennent éveillés ce mois-ci. Motif : la rediffusion des «majaless ettarab» de Néjib Belhédi, série-variété des années 90, consacrée au répertoire classique arabe, confiée, alors, à une pléiade de jeunes talents. Grands moments d'écoute,inutile de le rappeler. Morceaux choisis, d'abord : qassids, dawrs, monologues, taqtouqas, mawels, solos, impros, qui firent la gloire des maîtres compositeurs et chanteurs du vingtième siècle. Alliant difficulté et beauté. Les chanteuses et chanteurs des « majaless » avaient, en plus, ce brio. Exemple des cadences(quafalet) du dawr, prolongées, modulées, techniques, mais dont ils savaient, tous, rendre le juste dosage : sentiment et performance à la fois. La rediffusion des « majaless » nous ramène toutefois à plus sérieux : à la question des « reprises », devenue(hélas) d'actualité. On reprend beaucoup les anciens succès, aujourd'hui. Et l'on crée de moins en moins de nouveaux. Ici, le phénomène se généralise et se banalise au point que tout est contaminé : répertoires, carrières, télés, radios. Festivals mêmes cette année ! « Carthage » a refusé des créations nouvelles, mais a engagé Hela Malki(excellente transfuge de l'émission «The Voice», soit) sur la base, seule, d'un programme « d'emprunt ». Il y a injustice, là : des musiques d'artistes ignorées, négligées, pour somme toute des concerts «d'imitation». Il ya aussi que cela encourage à la paresse musicale. Le répertoire classique est comme à l'arrêt depuis fin 80. Mélomanes et émules du tarab le déplorent, mais le sentiment reste celui d'un « Art passé d'époque ». D'un « âge » révolu. Le rap, la « fusion », le « mixé » occupent,certes, le terrain, mais il y manque toujours l'essentiel,ce qui a fait, des décennies durant, l'attrait et la pérennité de la chanson wataria : le legs, la tradition,l'identité et la continuité. En un mot : le projet. Il y a , enfin, que pratiquer les « reprises » n'est pas donné à tout le monde. Il y faut un don d'invention, plus spécialement d'innovation. Les grands repreneurs de la musique symphonique et lyrique occidentale sont de vrais créateurs. Ils ajoutent à l'œuvre originale. Ils ne la reproduisent pas telle quelle, ils ne la plagient pas. Ils en font «leur propre version». On a des versions contemporaines des opéras du xvie. Autre souffle, autres goûts, même partition. Les dawrs fondateurs de Cheikh Masloub, Mohamed Othman, Salama Hijazi et Sayyed Derwish ont inspiré tant et tant de grands chanteurs mais, à ce jour, on reconnaît à chacun sa « copie ». Sa version. Les reprises de Oum Kalthoum et de Warda ?Rares,très rares, celles qui durent, qui s'imposent vraiment. « El Atlal » de Wadie à Paris ?« Ya manta wahechni » de Bouchnaq et de Sabah Fakhri à Carthage ? « Lissabr hdoud » de Dhikra à Marrakech ? Le reste, tout le reste : « gagne-pain de cabarets », au mieux, mimétismes fats et plats.