Dans l'état actuel des choses, personne ne réagit lorsque les clubs s'endettent, ne paient pas leurs joueurs, leurs fournisseurs, leurs transporteurs, les installations qui les accueillent pour les entraînements, etc. Il suffit que les équipes jouent. Le métier de footballeur n'est pas un métier comme les autres. Qui pourrait dire le contraire ? Les joueurs de football, de handball, de basketball ou autres, qui font partie d'un club, peuvent être des joueurs professionnels ou amateurs. Ces joueurs ne sont pas forcément payés de la même manière. Ils perçoivent une rémunération conforme au lien de subordination et donc du contrat de travail qui est établi entre les deux parties en présence. Le joueur professionnel, de football ou autre, a la qualité de salarié et dépend du régime général de sécurité sociale. Il perçoit un certain nombre de primes et autres avantages fixés par contrat. Le droit à l'image individuel ou collectif est prévu, mais en principe fait partie d'autres mesures contractuelles. Il faudrait néanmoins signaler que le joueur amateur n'est généralement pas rémunéré. Ce qui lui est servi n'a rien à voir avec celle d'un joueur professionnel. La plupart du temps, seuls ses frais sont remboursés. L'essentiel des revenus d'un joueur professionnel est issu de son activité sportive. C'est un salarié. Le joueur professionnel est recruté par contrat. Il participe à toutes les activités du club, assiste régulièrement aux séances d'entraînement, participe aux différentes compétitions auxquelles s'engage le club, et se soumet au règlement intérieur. Le club a le pouvoir de sanctionner ses joueurs en cas de manquements. Voilà de manière très succincte ce qui caractérise les liens entre un club et son joueur professionnel. Nous avons ainsi bien compris que « l'avenir » de ce joueur est rattaché à son club d'appartenance, tant que le contrat liant les deux parties est en cours. Une situation difficile Les relations, pourtant assez claires reliant les deux parties, club et joueur, ne sont pas toujours au meilleur de ce qu'elles devraient être. Dans certains clubs, bien entendu, étant donné la mauvaise organisation de notre football professionnel (encore !). L'absence de contrôle et de rigueur au niveau de l'administration et des moyens de gestion d'un véritable club professionnel est à la base de ces complications qui surviennent de manière périodique. Les grèves ne sont plus des exceptions. Les joueurs y ont recours de plus en plus, pour exiger le paiement de leurs salaires. Ces joueurs, surtout ceux qui vivent vraiment de ces émoluments, ont des difficultés pour se concentrer uniquement sur le travail dont ils sont chargés. Nous voyons mal comment des joueurs qui se sont abstenus de s'entraîner de manière régulière peuvent prétendre progresser et faire œuvre utile. Du bricolage C'est pourtant ce que nous relevons de manière de plus en plus fréquente du nord au sud du pays. L'intervention des autorités régionales, d'un mécène, et même de la fédération est devenue une nécessité pour que les problèmes soient résolus de manière provisoire, car ce « bricolage » ne saurait être un règlement définitif. Entretemps, le joueur non payé s'endette, se déconcentre, perd une bonne partie de ses illusions. Toutes les parties prenantes de ce professionnalisme reculent face aux complications qui pourraient survenir en cas d'application stricte de la réglementation régissant les clubs professionnels et leur viabilité. Le contrat définit les obligations financières et sociales à l'égard du joueur : le salaire (régulier et mensuel), les autres avantages financiers (primes et bonus), les avantages en nature (voiture, logement, etc.), les assurances maladie et accidents, le droit à la formation et à la reconversion, le paiement des impôts, les congés payés, etc. Un investissement Chaque joueur représente un investissement tout autant sportif que commercial. La productivité d'un joueur de football est mesurée à sa capacité à marquer des buts mais aussi à vendre l'image du club, des maillots et des places au stade. Si les grands clubs sont prêts à payer très cher pour garder leurs meilleurs joueurs, c'est parce que les retombées financières sont importantes. Cependant, le retour sur investissement existe seulement pour une poignée de joueurs, ce qui expliquerait les milliards de dettes que traînent bien des clubs qui ont investi, mais qui se retrouvent sans retour sur investissement. Cette situation est d'ailleurs à la base des problèmes qui s'accumulent et qui menacent les fondements de bien des associations. Carrière et reconversion En effet, le joueur qui ne peut s'empêcher de penser à son avenir (la carrière est relativement courte), se doit de se montrer ferme pour s'éviter des départs et des mises à l'écart qui s'avèrent souvent catastrophiques. Les contrats sont ainsi rédigés par des agents et des hommes de loi qui « cadenassent » le document, pour préserver les droits de leurs protégés. Mais de toutes les manières, à l'exception des joueurs possédant une aura supérieure à la moyenne, les gains ne sont pas énormes. Seuls ceux qui opèrent au sein des grandes équipes intéressées par les sacres « gagnent de l'argent ». Les primes de matchs, de victoires, coupe ou championnat, coupes africaines ou arabes, rapportent gros et cela n'est pas à la portée de tous les joueurs. Il n'en demeure pas moins que les problèmes se posent aussitôt la carrière terminée. Les uns se convertissent avec bonheur en se rabattant sur le métier d'entraîneur ou de directeur technique, avec les aléas que l'on suppose, d'autres s'orientent vers celui de commentateur ou de consultant. D'autres encore se limitent à gérer le commerce ou l'immobilier acquis. C'est dire que la reconversion est toujours un point d'interrogation pour ceux qui n'auront pas assez engrangé aux temps de leur splendeur. Et ils sont nombreux. De toutes les façons, nous ne connaissons pas de joueurs « retraités » qui vivent de leur retraite. Leurs clubs ne les ont pas encouragés ou ne sont pas en règle avec les caisses sociales. Ils n'y ont peut-être jamais pensé. Uniquement en dinars En 2015, il fut question pour réduire les dépenses en devises; la Banque centrale de Tunisie (BCT) a énuméré une série de mesures d'urgence à prendre face à deux problèmes majeurs qui touchent l'économie du pays, la détérioration du dinar et les transferts en devises. Depuis l'installation du nouveau gouverneur, la question continue d'agiter le monde du sport. Car les clubs, qui s'attendent à recevoir une notification officielle, auraient l'obligation de payer les étrangers uniquement en dinars, ce qui n'est pas systématiquement le cas actuellement. Cette réforme devrait être accompagnée d'une autorisation préalable du ministère de tutelle avant de faire venir de l'extérieur un entraîneur ou un joueur. Nous ne connaissons pas la suite donnée à cette option. On continue à recruter, à limoger, à payer des amendes, des entraîneurs ou des joueurs écartés. « Au noir » Il va se soi que les joueurs étrangers ne sont pas rémunérés totalement en monnaie locale. « Tout le monde le sait. Une partie est payée en dinars, donc déclarée, mais une autre l'est en devises, euros ou dollars, et donc au noir. Des devises qui sont assez souvent trouvées auprès des joueurs lors de leur départ à l'étranger.». Cette situation est dégradante aussi bien pour les clubs que pour leurs joueurs, car cette complicité est mauvaise conseillère et il vaudrait mieux que les choses soient claires. Dos au mur, les clubs doivent d'abord conquérir des titres ou se maintenir parmi l'élite. Il leur faut des moyens financiers de plus en plus importants. Ils s'engagent mais se trouvent vite asphyxiés par les prix qui gonflent artificiellement ou réellement. Avec des retombées provenant des retransmissions télévisées presque insignifiantes, des stades à moitié vides, incidents obligent, un public qui rechigne à payer, et qui, au lieu d'aider, cause des dégâts qu'il faut rembourser, des entreprises qui n'ont plus les coudées franches, entretenir un club est devenu difficile, sinon impossible. La peur d'agir C'est à partir de ces arguments que l'on doit juger de l'importance des émoluments servis aux joueurs, surtout ceux des équipes qui ne disposent pas de beaucoup de moyens et d'assise populaire. La mise en place d'une commission de contrôle des finances (elle existe en fait mais n'a aucune envergure), type DNCG en France, qui est sans scrupules pour juger les dossiers, pour étudier si vraiment un club peut réellement faire face à ses charges, devient de plus en plus urgente. Mais la peur taraude ceux qui devraient agir. Dans l'état actuel des choses, personne ne réagit lorsque les clubs s'endettent, ne paient pas leurs joueurs, leurs fournisseurs, leurs transporteurs, les installations qui les accueillent pour les entraînements etc., Il suffit que les équipes jouent. Le métier de footballeur n'est pas un métier comme les autres. Qui pourrait dire le contraire ?