L'histoire des nations, des pays, des institutions et des partis ne se fait jamais sur la base d'un planning préétabli, que cela soit spontanément ou par des ententes contractuelles qu'elles qu'en soient les motivations. Cela fait plus de cinq ans que l'organigramme de Nida Tounès est théoriquement en négociation entre les différentes sources d'inspiration qui, autour de Béji Caïd Essebsi, ont négocié puis fondé puis fait triompher cette exceptionnelle force électorale qui a réussi à couper l'herbe sous les pieds de l'islamisme radical et ramener le pays à la raison. Cependant, cette victoire au nom du retour à l'équilibre de l'échiquier politique et au modèle moderniste tunisien a coïncidé avec l'expression de légitimes ambitions internes, aussi bien à l'initiative du leader du mouvement que des personnalités d'horizons divers qui ont participé, sans calculs, a la reprise en main du pays. Dès son accession à la magistrature suprême, à Carthage, Béji Caïd Essebsi s'est retrouvé au centre d'une mouvance composite atypique au sein de laquelle autant les ambitions que les réflexes des sensibilités diverses avaient des allures très diversifiées. Ce qui ramenait chacun à ressentir un hiatus entre l'ambition générale du mouvement, que portait le leader, et les ambitions spécifiques des différentes sensibilités qu'inspiraient approximativement les nouvelles figures qui se sont associées à BCE et qui portaient autant de légitimités sous-jacentes décidées à servir à la fois les deux causes. L'absence d'une émergence destourienne conséquente De par son expérience et son envergure d'homme d'Etat, le président de la République se savait piégé par la clause constitutionnelle qui l'obligeait à quitter le parti dès qu'il était élu. Mais il était, de ce fait, dans l'obligation d'assumer la double casquette qui s'imposait à lui: celle d'un président de la République élu démocratiquement, au suffrage universel, dans la perspective d'une remise sur les rails moderniste d'un pays qu'il fallait sauver de «l'islam politique», et celle du leader d'un mouvement de synthèse portant l'ambition d'un dépassement révolutionnaire des aires destouriennes. Et, en l'absence d'une émergence destourienne conséquente, disposée à prendre en charge les exigences historiques qui s'imposaient, BCE se devait d'agir à façonner le personnel politique qu'exigeait l'étape à partir des profils disponibles. D'où les frictions et désaccords qui allaient s'amplifier, et les feux verts dont allait bénéficier Hafedh Caïd Essebsi dans la «reconquête» qu'il allait mener au sein de Nida Tounès à l'encontre de différentes sensibilités de gauche, syndicalistes, nationalistes arabes, libérales, centristes... Le but étant de consolider et de raffermir la ligne et le projet que portait BCE. HCE face à son manque d'expérience Cependant, d'erreur en erreur, d'excès en excès, HCE allait se retrouver face à ses propres insuffisances en matière d'expérience politique. Ce qui allait accélérer et rendre unanime le rejet par les multiples groupes nidaïstes de cette «reconquête» truffée de décisions arbitraires prises sur la base d'un fonctionnement non démocratique. Et l'on ira d'une déconvenue à l'autre lors de rassemblements sélectifs commandités par HCE d'une ville à l'autre du pays jusqu'au fameux congrès non électif de Sousse où Youssef Chahed devait, à la tête du Comité des 13, passer un compromis historique de sauvetage du parti en vue d'un «congrès électif démocratique». Mais HCE, Sofiène Toubel et leurs adeptes allaient se défaire de leur engagement et se comporter en «majoritaire», allant jusqu'à rompre avec Youssef Chahed et désigner un nouveau «Comité politique» supplantant l'instance fondatrice de Nidaa Tounès. L'échec de toutes les initiatives L'après pseudo-congrès de Sousse allait être caractérisé par de multiples départs, réintégrations et ruptures, ponctués par la formation de plusieurs partis plus ou moins consistants issus de Nidaa Tounès dont le plus important a été Machroû Tounès, à l'initiative de Mohsen Marzouk. Mais tous ces «partants» sont restés obsédés par un retour à la maison mère ou par un arbitrage mené par BCE en vue de rassembler de nouveau tous les «Nidaïstes historiques». Mais aucune initiative n'a eu de suite favorable. Et même le projet de Youssef Chahed de fonder son propre parti autour du groupe parlementaire de la Coalition nationale est resté à ce jour un parti en construction, dont on connaît le nom, «Tahya Tounès», mais pas encore les structures. De sorte que ce matin du 6 avril il n'y a de Nidaa Tounès que Nidaa Tounès. Et que des milliers de cadres et militants du Nidaa Tounès historique vont devoir se déterminer «par défaut», c'est-à-dire prendre connaissance du Nida Tounès que va confirmer le congrès de Monastir avant de se déclarer comme les adeptes de telle ou telle initiative issue du parti présidentiel.