Le Tribunal administratif vient de rendre enfin un jugement positif, annulant la décision du ministre de l'Intérieur du 2 mars 1999 qui s'opposait à la constitution du Conseil national des libertés en Tunisie. Retour en arrière : le 10 décembre 1998, le Cnlt dépose une demande auprès du ministère de l'Intérieur pour créer une association dont la mission serait de veiller au respect des droits de l'Homme en Tunisie. Un récépissé est délivré, mais trois mois plus tard, le ministre s'oppose catégoriquement à l'activité légale exercée par le conseil. Ce dernier porte plainte auprès du tribunal administratif pour excès de pouvoir. L'affaire ne sera examinée que le 20 janvier 2011 soit douze ans après. Les membres dudit conseil refusent cependant de se laisser faire et décident de passer outre cette interdiction, poursuivant leur travail d'observatoire de l'état des libertés et publient des rapports sur les violations des droits humains et dressent pour la première fois une liste des tortionnaires dès l'année 2000. Le conseil va traverser une période sombre : menaces, intimidations, agressions, privation de travail, interdiction de voyager, emprisonnement, représailles familiales, campagnes de diffamation… s'ensuivent. Hier, le Cnlt a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a annoncé que l'interdit a été levé et que rétroactivement, toutes ses activités sont considérées comme légales. Par ailleurs, le conseil a présenté sa feuille de route s'articulant autour de quatre points. Le premier met l'accent sur l'impératif de convoquer une Assemblée constituante. Le second s'articule autour de l'urgence de réformer l'institution judiciaire en vue de la rendre réellement indépendante, le troisième prévoit la réhabilitation de l'appareil policier qui doit devenir un appareil républicain avec la dissolution du corps de la police politique. Le dernier prône l'urgence d'avoir des médias pluriels et indépendants, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Le Cnlt est en train de consulter ses partenaires traditionnels dans la société civile (Ltdh, Association des femmes démocrates, syndicat des journalistes…) afin de définir une feuille de route commune «pour réussir la transition démocratique et permettre à la société civile de jouer pleinement son rôle dans cette période». Pour un système judiciaire indépendant S'exprimant sur l'importance de réformer le système judiciaire, le conseil a mis l'accent sur le fait que l'actuel ministère de la Justice doit cesser d'interférer dans les affaires de la magistrature. Le staff actuel du ministre est incompétent pour mener à bien cette réforme, a souligné le conseil, ajoutant que cette tâche doit être confiée à des magistrats et des avocats intègres qui n'ont jamais mené des activités liées au parti de l'ancien régime et qui n'ont pas, non plus, été compromis dans des affaires de corruption et de malversation comme c'est le cas actuellement de certains membres se trouvant dans l'équipe conduite par l'actuel ministre de la Justice . En outre, le conseil appelle à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature et à sa restructuration, afin de le rendre totalement indépendant de toute interférence. «Certains juges véreux doivent être écartés car ils ont acquitté des criminels dangereux. Par ailleurs, de nouveaux jeunes magistrats doivent intégrer ce corps pour faire face à une demande pressante de justice pour tous les justiciables», a souligné Mme Ben Sedrine. Réhabiliter le corps de la police Des mesures doivent être également prises pour réhabiliter le corps de la police qui doit devenir démocratique et républicain. D'ailleurs, le Cnlt, qui a mis l'accent sur la nécessité de dissoudre la police politique, a déjà présenté un modèle de réorganisation de ce corps au ministère de l'Intérieur. Sur la question des troubles et des violences qui ont eu lieu la semaine dernière, le conseil a souligné qu'ils ont été organisés par des nostalgiques de l'ancien régime alliés à la police politique qui ont payé des casseurs pour créer un climat d'insécurité et semer la terreur. L'objectif est d'exercer un chantage, soit «votre liberté ou votre sécurité comme si en démocratie on ne peut avoir les deux». «Il y a une crise de confiance entre la police et les citoyens. La police politique, dont nous avons une liste, y est pour une grande part. Cette même police politique est responsable des agressions des journalistes et des manifestants de la Kasbah. C'est le rôle du ministre de l'Intérieur de réhabiliter cette police est d'en faire une police républicaine qui accompagne la Tunisie démocratique», a ajouté Mme Ben Sedrine. Le gouvernement provisoire doit présenter sa feuille de route S'exprimant sur la mission du gouvernement provisoire, le conseil a mis l'accent sur le fait que ce dernier se doit d'être plus transparent en s'exprimant notamment sur ses programmes, en présentant une feuille de route et en donnant une visibilité à ses engagements. Quant aux prochaines élections qui vont avoir lieu au début du mois de juillet, il faudra auparavant modifier le code électoral, se prononcer sur le mode de scrutin et sur l'organisme indépendant qui supervisera les élections. «Mais tout cela doit faire l'objet d'un débat public. Or c'est ce qui nous manque terriblement, a relevé la porte-parole du Cnlt. Nous osons espérer que la télévision et la radio publiques joueront le véritable rôle de service public durant cette période cruciale».