La révolution du 14 janvier doit tout balayer, y compris dans les sphères du sport, où la corruption et la mainmise du RCD ont également fait des ravages. Le sport a été marqué par la dictature du système Ben Ali. L'ancien président parti, son système doit disparaître. Le sport n'a pas échappé aux manigances qui ont vicié ses instances. Ali Boumnijel, l'ancien gardien de l'équipe de Tunisie, a fustigé la mainmise du régime dictatorial sur le football tunisien. Comme Tarak Dhiab et d'autres acteurs de la scène sportive, l'ancien gardien de but international a pointé du doigt les dysfonctionnements d'une fédération sous influence. " Slim Chiboub, régnait sans partage sur le foot». Qui ne connaît Slim Chiboub? Neveu d'un homme d'affaires auprès de qui il a fait ses classes d'apprenti businessman, il doit son ascension à son mariage avec Dorsaf, la fille aînée de Ben Ali. Résultat, alors qu'il n'était que le caissier d'une caféteria dans une station à essence face au stade d'El Menzah, Chiboub s'est construit une fortune en s'associant à des hommes d'affaires au carnet d'adresses aussi rempli que leurs portefeuilles. Il est à l'image des Ben Ali et Trabelsi : un affamé, pas cultivé pour deux sous, même s'il s'efforce de faire illusion en citant quelques poètes arabes. Sa spécialité c'est de jouer les intermédiaires entre les pouvoirs publics et les entreprises étrangères qui veulent décrocher un contrat en Tunisie et en Libye. Comme son mentor Chiboub a fini par devenir l'homme incontournable du sport tunisien. Du moins, c'est ce qu'il pensait. Ainsi, il n'y avait plus de ministre, de président de fédération et de club qui était nommé sans son aval. Il a été emporté par sa mégalomanie qui lui faisait croire qu'il était le grand génie du foot tunisien. Le plus ridicule, c'est que ses sbires dans les médias vantaient son «art de gouverner», ni plus ni moins. Cet ancien volleyeur sans envergure entreprend systématiquement de déstabiliser tout ministre ou tout dirigeant de fédération qui ne sert pas ses intérêts. Il «dégageait» les présidents fédéraux, changeait des règlements, critiquait les choix des sélectionneurs, alors qu'il ignore tout du sport… La sélection était son «domaine préféré». Henri Kasperczak, sélectionneur de l'équipe de Tunisie de 1994 à 1998, avait tenté de "casser" son interventionnisme. Il devait s'allier au camp sahélien. En vain. En 1998, en France, Chiboub fomente un véritable putsch à l'encontre de ce sélectionneur et l'oblige, avec la complicité de certains joueurs de l'EST, à démissionner en pleine Coupe du monde. Du jamais vu ! Propriété privée Ce n'est pas par hasard si la violence dans les stades s'est multipliée pendant la période Chiboub, du fait de son arrogance à l'égard des instances. C'était l'époque où aucun autre club n'avait une chance de gagner le championnat, et avec la complicité de la FTF, il avait un droit de regard sur la commission des arbitres. Le plus ridicule : Chiboub tenait l'EST pour une propriété privée. Pendant son règne, il n'y avait aucun comité directeur, il n'écoutait personne. Comme si le club était la propriété de son père. Il fallait que Leïla trouve ses marques à Carthage pour qu'elle et son frère Belhassen bottent le gendre envahissant. Les frères Trabelsi, Belhassen au CA et Imed à l'EOGoulette Kram, avaient eux aussi concrétisé la dictature. En 2008, Belhassen avait carrément offert le titre de champion au CA. Imed, lui, présidait le club banlieusard qu'il mena directement de la 3e à la 1ère division, moyennant, bien entendu, des complicités avérées à la FTF et des coups de pouce des arbitres. Le RCD fait tout La dictature du RCD est également évidente dans le sport. Un des anciens joueurs de l'équipe de Tunisie, Ziad Tlemçani, a raconté comment l'ancien parti l'a empêché de présenter sa candidature à la présidence de la Fédération tunisienne de football. «J'ai constitué une liste de personnalités connues, à l'instar de Zoubeïr Baya, Ridha Attia, Maher Snoussi, Fathi Jemaâ. A ma grande surprise, Abdelhamid Slama, alors conseiller de l'ex-président, m'a téléphoné pour me sommer de retirer ma candidature sans aucune justification valable. J'ai appris un peu plus tard que Ali Hafsi était le candidat du RCD et que rien ne devrait l'empêcher de présider la Fédération tunisienne de football. Au cours d'un ‘‘Dimanche Sport'' auquel participait ce même Ali Hafsi, l'animateur lui a demandé de se présenter aux téléspectateurs, Ali Hafsi a répondu : je suis membre du comité central du RCD, dont je suis le candidat au Bureau fédéral». Les instances sportives sont verrouillées : seuls les hommes ( ou femmes) proches du RCD y ont accès. Les membres cautionnés par l'appareil peuvent siéger aux fédérations sportives. Les dossiers de candidature aux bureaux fédéraux doivent être adressés au ministère pour un premier tri avant d'être remis au ministère de l'Intérieur pour une "sérieuse vérification". Ils ne sentent pas le jasmin Dans les régions, et à l'image des autres secteurs, comme l'éducation, l'administration régionale, le sport est l'apanage du RCD qui plaçait ses hommes à la tête des clubs. Gare à celui qui, sans être cautionné par le tout puissant appareil, arrive à prendre un club en main. Les subventions sont bloquées, les grabuges sont fomentés dimanche au stade et les joueurs remontés pour déstabiliser le dirigeant "insoumis" ! Le sport tunisien a-t-il été touché par la révolution? Rien n'est moins sûr. Depuis la promotion, le 31 janvier, à la présidence du Comité national olympique de Younès Chetali en remplacement de Slim Chiboub, le tableau demeure tout à fait inchangé. Comme lui, il y en a encore plusieurs dans les structures sportives qui ne sentent pas le jasmin du 14 janvier. Le RCD est mort, mais ses "serviteurs" continuent d'exister dans le milieu sportif comme dans d'autres circuits. Les structures créées par l'ancien appareil sont encore là et on ne le comprend pas. Le problème n'est pas secondaire; c'est une priorité car on ne peut pas bâtir avec des personnes qui n'ont aucune idée de ce que sera la prochaine étape. Comme quoi, nettoyer les écuries d'Augias du sport tunisien est plus que jamais un impératif.