• Une usine de bateaux de pêche à Sejnane, un complexe agro-industriel, à Béja, générateur de 300 emplois directs • Il faut rompre avec la culture de la pauvreté. De toute évidence, le taux de chômage élevé et le développement régional disproportionné sont les principales causes qui ont conduit la révolution de la liberté et la dignité. D'où ce besoin alors de repenser profondément cette question tout en lui assurant un traitement à la base. De ce fait, il convient de rappeler que dans toute stratégie de relance économique, l'investissement figure parmi les principaux facteurs susceptibles de combler les écarts. Plusieurs opérateurs publics et privés, nationaux et internationaux, ont déployé de grands efforts pour attirer les investisseurs et les canaliser vers les régions prioritaires. C'est dans ce cadre que s'inscrivent les actions de la délégation des hommes d'affaire tuniso-canadiens en visite en Tunisie. M. Abderrahman Maâlaoui, chef de la délégation a bien voulu répondre aux questions de La Presse. Tout d'abord, quels sont les motifs de cette visité? On est venu pour contribuer au développement de la Tunisie, surtout après cette révolution historique. Nos actions sont axées sur les zones prioritaires. Dimanche dernier on était au gouvernorat de Bizerte, à Sejnane, lundi à Béja, mercredi à Nefza et puis on a visité une école d'ingénieurs pour écouter les attentes et les aspirations des jeunes étudiants, les compétences de demain. Nos visites se poursuivront à d'autres régions pour rencontrer des promoteurs et identifier les projets porteurs. Les régions de Tunisie sont-elles assez outillées pour pouvoir attirer des investisseurs étrangers et accélérer le rythme de création d'entreprises ? Les régions visitées sont très riches . Elles disposent de larges ressources naturelles, notamment la forêt, la terre, la mer, l'eau, ainsi que les mines. Déjà avec ces ressources, il y a de quoi faire beaucoup de projets. L'autre grande richesse est la matière grise. Rien qu'à Sejnane, on compte 700 chômeurs diplômés, 5.000 à Béja et 1.200 chômeurs universitaires à Nefza. C'est un énorme capital, surtout que ces jeunes diplômés sont spécialisés dans différentes disciplines techniques. Pour ce qui est des ressources financières, il y a à travers le monde 3.500 milliards de dollars de fonds souverains qui circulent en quête de bons projets, et qui pourraient concerner même les grands projets, à savoir les mines, les chantiers navals, les cimenteries… Mieux encore, ces régions disposent d'une infrastructure appréciable. Ce qui fait qu'elles n'ont pas besoin de beaucoup de fonds pour démarrer. Par contre, on a remarqué de réels besoins d'encadrement, d'animation et de soutien. On a entendu parler d'études de projets préétablies pour des zones bien déterminées. Qu'en est-il réellement ? Dans cette première phase, on a visé des zones prioritaires, à savoir Nefza, Sejnane, Béja, Kairouan, Mahdia et Kerkenah. Nous avons nous-mêmes des projets et des usines qu'on va installer dans plusieurs régions. A ce titre, on peut citer l'usine de bateaux de pêche à Sejnane, un complexe agro-industriel à Béjà, générateur de 300 emplois directs et un projet de montage d'unité de froid dont on n'a pas encore fixé le lieu d'implantation. De même, plusieurs projets dans l'environnement, l'industrie pharmaceutique… sont programmés. Sans parler du financement des petites unités d'élevage de volaille ou de fromagerie, déjà en marche, à Sejnane et à Nefza. D'ailleurs à partir de Ramadan, les populations de ces villes pourront profiter de leurs productions. Quelle méthodologie avez-vous adoptée pour rechercher et identifier les investisseurs potentiels? C'est simple. Pour créer de l'emploi et lutter contre la pauvreté, il faut implanter des usines dans les zones industrielles. Pour ce faire, on a rencontré des responsables d'entreprises canadiennes pour leur présenter la révolution tunisienne et les opportunités qu'elle offre désormais. De même on n'a pas cessé de rappeler le bon positionnement géographique de la Tunisie. En effet, une entreprise canadienne installée en Tunisie peut rayonner sur le marché maghrébin, arabe, européen et africain. D'où d'énormes potentialités de développement. Pour notre part on doit veiller à bien accueillir ces investisseurs potentiels et accélérer leurs implantations. Et pour identifier les promoteurs tunisiens ? Pour la recherche de promoteurs tunisiens, on compte beaucoup plus sur les associations gouvernementales et les jeunes des régions. Maintenant on a créé des bureaux et des organisations dans plusieurs localités. Par exemple, à Sejnane on a mis en place un centre de développement local dont le conseil d'administration est formé par des Tunisiens et des Canadiens. Cette structure apportera le soutien nécessaire aux jeunes promoteurs, de la sélection du projet à sa mise en place en passant par la formation. C'est un dispositif très comparable aux pépinières d'entreprises. En d'autres termes, en quoi consiste concrètement votre apport ? Notre apport au promoteur tunisien se situe essentiellement au niveau de la fiabilité de nos programmes. De par notre mentalité entrepreneuriale, on a appris à aider les gens à s'implanter à leur propre compte. Notre vision positive est de nature à valoriser tous les profils. Car, chacun est capable de développer un projet, sans discrimination aucune. Techniquement, une fois le projet est sélectionné, notre équipe est capable de négocier avec les autorités tunisiennes et les bailleurs de fonds nationaux et internationaux. Etant pluridisciplinaire et bien expérimentée, notre équipe est bien placée pour assister les promoteurs. Lors de votre visite, quels sont les principaux handicaps à la création d'entreprises? Après plusieurs rencontres avec des promoteurs dans diverses régions, je peux affirmer que le premier handicap est le manque d'information et de communication. On a toujours menti aux jeunes. On leur a toujours fait des promesses pour les calmer. Avec l'accumulation de ces promesses non tenues, les jeunes ont plongé dans le désespoir et le désintéressement. De plus, il faut arrêter d'attendre que l'Etat apporte toutes les solutions. C'est impossible ! Il faut savoir rompre avec la culture de pauvreté. Et le rôle du gouvernement provisoire? Jusqu'à aujourd'hui, on a eu beaucoup d'aide des différentes institutions. Avec l'appui des responsables régionaux, gouverneurs, délégués, on a, très rapidement, bénéficié de locaux, créé des associations. Au Canada on ne fait pas autant . On ne peut pas demander plus . En contrepartie, c'est à nous de déployer nos efforts et nos ressources. Néanmoins, en tant que Tunisien qui a vécu la dictature et cette belle révolution des pauvres, je conseille au gouvernement de ne pas négliger ces classes défavorisées. Les jeunes chômeurs sont des êtres intelligents, capables de comprendre les enjeux politiques. Il est temps d'arrêter de leur donner des promesses et de maquiller les bilans. Dans cette phase critique, on n'a pas besoin d'une politique politicienne, mais, plutôt de programmes concrets. Il faut aller dans les régions, rencontrer les jeunes chômeurs pour bien évaluer la situation afin de la corriger.