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Cinq hypothèses
Autour des déclarations de M. Rajhi
Publié dans La Presse de Tunisie le 09 - 05 - 2011

M. Farhat Rajhi a donc parlé: il a « vidé son sac ». Face à la caméra, ou plutôt de profil, comme il a tenu à « préciser ». Avec les suites que l'on voit. Mais enfin, est-on tenté de dire : il a osé. Il a brisé le tabou qui prévalait au sein de la communauté des hauts fonctionnaires de l'Etat, qui consiste à garder le silence sur ce qu'ils savent et sur ce qui se mijote dans leur tête en termes de lectures des événements.
Nous ne sommes pas, quant à nous, un haut fonctionnaire de l'Etat, mais qu'il nous soit quand même permis d'énoncer nos libres hypothèses, même si nous n'avons pas, loin s'en faut, le grand capital de sympathie dont bénéficie le personnage évoqué auprès du peuple tunisien, ou du moins de cette portion de la population qui se reconnaît volontiers dans son style spontané. Et même si, contrairement à lui, nous n'avons pas eu accès aux dossiers.
Voici donc quelques considérations, au nombre de cinq, dont le choix n'est certes pas le fait du hasard.
1 - Oui, il doit y avoir des choses qui se règlent dans l'ombre par l'entremise de personnes qui ont de l'influence, qu'il s'agisse de tel ou de tel autre, peu importe en fin de compte l'identité. L'importance de ces choses ? Il n'est pas sûr qu'elle soit toujours aussi grande qu'on veut bien le dire. Et peut-on affirmer que ces gens « tirent les ficelles », comme on dit ? On peut certes le dire. Mais il arrive souvent que leur influence relève de l'effet d'optique, du simulacre : on les écoute, leur avis compte parce qu'il s'agit de gens introduits et bien informés, on les ménage parce qu'on peut avoir besoin d'eux, mais dans le processus d'élaboration de la décision finale ils n'ont que leur place, c'est-à-dire une place plus ou moins modeste. En outre, dans ce monde complexe de la politique, il arrive que ces gens, et pour autant qu'ils adoptent le rôle de celui qui « tire les ficelles » dans l'ombre, soient eux-mêmes manœuvrés par ceux qu'ils croient manœuvrer ou, pour utiliser un langage familier des joueurs de cartes, que ceux qui bluffent soient bluffés… Bref, le bout de la ficelle est mouvant. Qui tire et qui est tiré : ce n'est pas si simple à savoir ! On est dans le règne du trompe-l'œil et du faux-semblant ! Celui qui est manœuvré peut donner seulement l'illusion de l'être pour mieux attirer dans son jeu celui qui croit le manœuvrer, de telle sorte que ce dernier, en tirant la ficelle, ne fait précisément qu'être tiré par elle. C'est le pain quotidien de la politique. Et, pour conclure sur ce thème, celui qui dénonce au grand jour l'existence de manœuvres peut être lui-même en train de manœuvrer… A moins d'être manœuvré dans l'ombre par d'autres. Pour semer la zizanie, par exemple. Ou pour mettre en difficulté un processus de transition démocratique dont on voit d'un mauvais œil la réussite : tout est possible !
2 - Non, les puissances étrangères ne se désintéressent pas de notre révolution, et les raisons ne manquent pas de ce point de vue qui les y poussent. Qui peut croire que l'issue de cette révolution tunisienne n'a pas d'incidences sur notre environnement régional et même mondial. N'a-t-on pas vu quel impact elle a eue et continue d'avoir ? Pourquoi, dès lors, ces puissances ne chercheraient-elles pas à l'orienter en usant de leur pouvoir d'influence, dans un sens qui s'accorderait avec leurs intérêts stratégiques ? Mais qui a dit, maintenant, que nous ne sommes pas capables, en ayant conscience de ces intérêts, de les faire fructifier à notre propre profit et que nous ne sommes pas en mesure d'y travailler ? C'est en tout cas le principe qui gouverne les relations internationales depuis la nuit des temps, et s'il est un legs précieux que nous avons reçu du premier président de la Tunisie moderne, c'est bien celui-là : quand un intérêt étranger ne nous est pas directement contraire, il s'agit de le tirer vers nous, de l'exploiter dans le sens du renforcement de notre propre puissance ! La solution qui consiste à s'opposer à l'autre au lieu de composer est rarement la bonne. A terme, elle entraîne l'affaiblissement et la perte de souveraineté.
3 - Oui, des collaborations plus ou moins secrètes peuvent exister entre la Tunisie et certaines puissances, comme cela a dû exister avec beaucoup d'autres pays qui ont réalisé avant nous leur transition démocratique aux quatre coins du monde, en Europe de l'Est à la fin du siècle dernier, en Amérique du Sud, en Asie du Sud-Est… Cela veut-il dire que nous, Tunisiens, aurions perdu l'initiative de l'action, ou que nous serions des pantins entre leurs mains ? Où est la naïveté, en définitive : ne réside-t-elle pas justement dans cette façon, d'abord, de s'imaginer que, à l'heure de la mondialisation, des processus politiques de grande envergure puissent s'accomplir en dehors de toute interaction avec l'extérieur et, ensuite, de crier à la trahison dès que des échanges se mettent en place avec des parties étrangères… Comme si le seul moyen de se prémunir contre un tel mal était de se couper du monde et du jeu diplomatique… Comme si l'échange avec les acteurs de ce jeu signifiait nécessairement renoncer à la cause de son propre pays et de sa souveraineté. Les Polonais après leur révolution n'ont-ils pas été accompagnés de près par toutes sortes de puissances qui avaient intérêt à ce que leur révolution n'échoue pas : ceux parmi eux qui ont traité avec ces puissances ont-ils œuvré pour autant contre l'intérêt de leur pays, ou pour que leur révolution soit « volée » ? Pas que l'on sache ! Et l'on ne déplore pas aujourd'hui, chez le peuple polonais, le sentiment que leur pays a perdu sa capacité de se déterminer en toute indépendance… Soyons clairs : la Tunisie a intérêt à ce que la liberté triomphe dans le monde arabe et il y a tout lieu de penser qu'elle prêtera son assistance à tous ceux qui, dans le respect de la légalité internationale, agissent dans ce sens et dans la stricte mesure où ils le font. Car il y va désormais de la stabilité durable de la région !
4 - Oui, le gouvernement provisoire ne tient pas à tout divulguer de ce genre de choses. D'abord, parce que gouverner c'est aussi gérer du secret et que toute chose n'est pas à dire. Quitte à se répéter sur ce point, un tel gouvernement provisoire, dont il est loisible de contester la légitimité, a quand même un mandat clair, voulu par la révolution elle-même : assurer la transition dans des conditions normales vers l'élection d'une Assemblée constituante. Dans les limites de ce mandat, il n'y a pas lieu d'en faire un gouvernement qu'on empêche de gouverner, donc de gérer du secret. Mais il est clair aussi que s'il ne divulgue pas certaines informations, c'est aussi parce qu'il est conscient qu'il n'est pas en mesure d'occuper le terrain de l'explication et de l'interprétation des événements sur la scène publique, qu'il souffre d'un déficit de compétence dans ce domaine, reflet à son tour d'un héritage défavorable autant sans doute que d'un manque d'imagination et, enfin, qu'il redoute de s'embourber dans des imbroglios et de prêter le flanc à des interprétations erronées qu'il essaierait en vain de corriger ensuite, y laissant une précieuse énergie qui irait au détriment de la gestion d'autres affaires… Il n'est pas interdit de penser que, par endroits au moins, il s'accommode d'une politique de l'opacité en laquelle il trouve le confort d'anciennes habitudes. Car, il faut le savoir, les raisons dans ce domaine sont souvent multiples, complexes, les unes étant plus excusables que d'autres… N'en déplaise aux amateurs des simplifications outrancières, qui préfèrent les explications prêtes à l'emploi, prêtes à servir de moyen en vue de désigner tel ou tel à la vindicte générale… Mais que l'opacité soit voulue, délibérée, ou qu'elle soit le fait d'une faiblesse de la politique de communication du gouvernement, le fait d'y voir une volonté de cacher quelque chose d'inavouable, d'y déceler par exemple l'indice d'un complot contre la révolution, cela peut être le signe d'une perspicacité louable, mais cela peut tout aussi bien en dire long sur la propension de celui qui affirme cela à voir des fantômes dès qu'il est dans une zone d'obscurité. Cela existe et porte un nom : la scotophobie. Et chacun sait à quel point celui qui dit avoir vu un fantôme ne veut plus en démordre après !
5 - Oui, enfin, l'armée se tient prête à parer à toute éventualité, comme elle l'a fait du reste depuis les tout débuts de la révolution, quand elle a échappé à l'autorité du président déchu. Que cela soit dirigé contre tel parti politique en particulier, ou au profit de telle région particulière du pays, cela ne semble pas correspondre à ce qui a présidé à sa conduite jusqu'à présent. Bien entendu, il y a des scénarios de crise ou de péril pour le processus de transition démocratique qui peuvent être plus ou moins envisagés, et par rapport auxquels l'armée aurait à jouer son rôle, de manière à ce que les intérêts du pays et ses acquis accumulés au fil des ans depuis l'indépendance ne se trouvent pas menacés du jour eu lendemain par le chaos, sous quelque forme que puisse se présenter ce dernier. Là encore, il n'y a rien que de très normal de la part d'une armée qui a amplement apporté la preuve de son soutien à la révolution et à sa transformation positive en démocratie véritable.
Voilà donc ces libres pensées dont nous voulions vous faire part, cher ami lecteur. Elles ne font pas une histoire qui enflamme l'imagination et la pousse sur la voie de fertiles extrapolations : on n'y trouve pas d'un côté des gentils, de l'autre des méchants tapis dans l'ombre, comme dans les contes qu'on racontait autrefois au coin du feu… C'est pourquoi elles n'auront probablement que très peu de retentissement. Mais tel n'est pas notre propos. Il nous suffit d'avoir essayé de prendre quelque hauteur dans la lecture des événements, et de replacer ainsi dans leur contexte global les libres hypothèses qui peuvent s'exprimer dans la bouche d'un haut fonctionnaire, ancien ministre de l'Intérieur, lorsqu'il cesse de se tenir au devoir de réserve, ou plutôt lorsque le devoir de réserve ne le tient plus.


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