Par Jawhar CHATTY Sans doute, la question est à forte connotation économique mais elle est éminemment politique. Dans le brouhaha des agoras et des surenchères politiques préélectorales, une idée paraît émerger de tout ce tumulte et faire son bonhomme de chemin au nom du développement régional équitable. Cette idée ne se réclame, comme on pouvait légitimement le croire, d'aucun parti politique. Il s'agit, en l'occurrence, de s'entendre sur ce qu'on appelle une «région», de fonder notre nouvelle définition sur des critères objectifs et non plus exclusivement géographiques. En clair, il s'agit de procéder non plus à un découpage administratif qui, comme c'est le cas actuellement, donne des gouvernorats, mais à un découpage économique qui dégagerait cinq ou six pôles régionaux indépendants et compétitifs, plutôt que vingt-quatre régions qui cultivent une certaine autarcie économique. Ce nouveau découpage territorial doit, pour être viable et porteur en termes d'investissement, d'exportation et de création d'emplois, s'adosser à une réelle politique de décentralisation couplée à une véritable politique de déconcentration. C'est aussi primordial que le Code électoral, sachant qu'il n'est point de démocratie viable sans développement et sachant qu'une réelle décentralisation est l'expression de la démocratie à l'échelle régionale. Transfert de pouvoir de l'Etat vers les collectivités territoriales, une décentralisation effective et opérante pose d'emblée la question de la composition du conseil régional qui doit impérativement être représentatif de la région concernée. Il est à cet égard primordial que, à côté des représentants de l'Etat — agents administratifs de la déconcentration —, le conseil régional compte en son sein des représentants de la société civile et des représentants de la sphère de l'investissement privé, comme il est primordial de doter les régions d'une autonomie financière et de gestion. Les fonctionnaires territoriaux auront, dans le cadre d'une politique de déconcentration appropriée qui reste à définir, tout au plus une mission de contrôle de «conformité» du schéma de développement propre à la région au plan global de développement économique et social du pays. Il y a sans doute à cet égard toute une nouvelle culture à développer au sein de ce qui restera comme directions régionales de développement. Une nouvelle culture qui favoriserait la fusion et le travail en réseau des différentes directions régionales. C'est seulement à ce prix que l'on pourra traiter la diversité des situations locales afin d'y apporter des solutions adaptées. C'est également à ce prix que l'on donnera plus de sens et de profondeur à l'idée de création de régions économiques. Eminemment politique, l'idée d'un nouveau découpage territorial devra, si elle est retenue, faire bien évidemment l'objet de concertations politiques, voire être soumise à un référendum populaire. A effet décisif en termes de développement économique, social et démographique, ce découpage, dont le résultat escompté est une affectation rationnelle des ressources, une répartition équitable des richesses et une exploitation optimale des potentialités propres à chaque pôle économique régional, bref dont le résultat attendu est une plus grande vitesse de convergence entre les différentes régions du pays, doit s'opérer en fonction de critères objectifs, scientifiquement établis et neutres politiquement. L'ultime objectif reste un développement harmonieux entre toutes les régions et un meilleur équilibre de développement à l'intérieur même de chaque région qui rayonneraient sur toute l'économie nationale.