Par Taha BELKHOUDJA* Le fardeau que nous avons supporté pendant plus de deux décennies, l'obstacle principal à notre développement est tombé depuis le 14 janvier et un véritable chantier d'assainissement et de reconstruction a commencé avec beaucoup de difficulté. Il est de notre devoir à tous en tant que citoyens responsables de commencer à balayer devant nos portes. Nous assistons depuis le soulèvement à un festival de dépassement et de dérapage. Plus aucun respect, c'est l'anarchie totale et toutes les occasions de malfaisance sont offertes. On a écarté quelques uns, maintenant on a des milliers de hors-la-loi ! A quoi aurait servi alors cette révolution ? «Le silence est le complice de tous les abus». Ça me rend vraiment malade de voir les symboles mêmes de notre structure judiciaire se manifester, quelle vitrine offrirons-nous aux médias étrangers ? Le monde entier a envié notre révolution propre qui est en train de sombrer dans l'obstruction. Préservons Messieurs cette bonne image de notre pays. J'appelle solennellement tout Tunisien qui se dit citoyen responsable d'oublier ses tendances politique, sociale et régionale, de ne pas être un «courtermiste» et de voir loin, de voir comment remettre sur pied notre chère Patrie, celle qui constituera la fierté de nos enfants. Nous sommes tous impliqués dans la relance économique et la création d'emplois, chacun à son niveau. Ce n'est pas l'affaire du gouvernement provisoire seul qui a une mission colossale de maintenir l'ordre et assurer la sécurité en vue de la stabilité du pays. J'invite le gouvernement, en cette occasion, à réserver une bonne partie des fonds provenant des aides apportées par les organisations internationales au renforcement de la sécurité, il faut multiplier par 3 voire 4 notre effectif militaire pendant les deux années à venir puisque à part la sécurité à l'intérieur du pays, des risques sur nos frontières ne sont pas moindres et ils vont en s‘augmentant. L'Etat doit investir aussi à moyen terme dans l'infrastructure et l'ouverture de certains axes routiers en direction des régions est impérative. Les investisseurs locaux et étrangers sont là, ils n'attendent que la sécurité pour se manifester comme ça a été toujours le cas. Il y a des initiatives privées potentielles qui ne peuvent se concrétiser que par vous et moi, Messieurs, en s'abstenant de toute forme de perturbation : sit-in, grèves et manifestations, ce sont des indices redoutables en matière d'investissement, il n'est pas possible de lancer un chantier s'il n'y a pas de ciment ou de brique. Il est vrai que nous jouissons d'une liberté totale aujourd'hui, mais si on consomme mal cette liberté, il y a un retour de manivelle et on risque de le regretter pendant des années. Il est de notre intérêt à tous d'oublier pendant les quelques mois à venir toute forme de manifestation qui offre un terrain propice aux malfaiteurs. Il faut être patient. Nous avons des droits mais nous avons aussi des devoirs. Il est inconcevable que certains d'entre nous, silencieux pendant des années, viennent nous exposer leurs biceps aujourd'hui, tels que le catering (Tunisair), Tunisie Télécom ou les avocats qui veulent faire adopter maintenant un projet de décret -loi qui traine depuis 1989 ! Soyons sérieux Messieurs, il n'y a aucune urgence à ce que vous réclamez. Le gouvernement provisoire n'a pas à résoudre ces problèmes à caractère non urgent, il faut que tout le monde le sache. Comme il faut que les partis lâchent un peu le gouvernement et s'occupent de leur agenda politique auprès des futurs électeurs. Evitez l'opportunisme et la pression et comportez-vous comme des gens civilisés. Il existe aujourd'hui une liberté de presse et un recours en justice (indépendante). Il nous est demandé de favoriser la réconciliation, c'est la solution à tous les problèmes. Le droit de grève est très discutable et le recrutement de travailleurs pour remplacer des grévistes jusqu'auboutistes est admissible en cas de situation de crise nationale aiguë dans un pays, selon les conventions ratifiées par l'Ugtt, membre à part entière de l'Organisation internationale du travail «OIT». Quant aux sit-in, tout groupement de personne est interdit en situation d'état d'urgence, il faut alors appliquer la loi. Tout le monde doit se mobiliser aujourd'hui plus que jamais et mettre les bouchées doubles au labeur en se sacrifiant au travail et rien qu'au travail comme les Allemands et les Japonais d'après-guerre. Nous sommes en mesure de réaliser une croissance économique à deux chiffres si on s'y met. Il est très déplacé de parler d'augmentation de salaire, alors que le pays va vers la récession. Tous les organes syndicaux doivent s'abstenir de toute négociation salariale à l'heure actuelle, c'est l'affaire du gouvernement qui sera élu. «En cas de crise, augmenter les salaires serait la dernière bêtise à faire, cela nuirait à la réduction du chômage» a dit le président de la Banque centrale européenne, M. Trichet. Les salaires ne peuvent évoluer qu'en fonction des gains de productivité, ce qui n'est pas notre cas aujourd'hui. L'augmentation des prix réduit à néant les gains de pouvoir d'achat et affaiblit davantage les chômeurs, c'est un acte irresponsable qui ne fait qu'aggraver une situation déjà précaire. La stabilité des prix est une condition nécessaire à une croissance durable.