Alors que les Tunisiens s'attendaient à des offres alléchantes cet été pour profiter pleinement des infrastructures hôtelières et venir par là même épingler le moral en berne des hôteliers qui connaissent la pire crise du tourisme tunisien, cet espoir s'est rapidement volé en éclats dès les premiers jours de la haute saison où ils sont restés bouche bée face aux tarifs proposés. Pourtant, avec une contre-performance au niveau des entrées, des recettes et du taux d'occupation à la première décade du mois de juin où le nombre d'arrivés a enregistré un écart négatif de 41%, les revenus du secteur ont chuté de 51% et le nombre de nuitées a régressé de 55,3%, l'on s'attendait vraiment à ce que les hôteliers cassent les prix! Ce ne fut guère le cas puisque les prix proposés aux Tunisiens demeurent exorbitants; voire hors de la portée de leurs bourses. Et si cette année la disponibilité ne pose pas problème, il n'empêche, on bute quand même sur la question des prix. D'où l'appel du ministre du Commerce et du Tourisme à faire adhérer le plus grand nombre de Tunisiens aux vacances à travers des tarifs étudiés et à les inciter à bénéficier des mécanismes mis en place pour la promotion du tourisme intérieur. Certes, le président de la Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH), M. Mohamed Belajouza, a annoncé le principe retenu d'une réduction de 50% sur les tarifs au profit des familles tunisiennes, toutefois, ces réductions ne seront pas appliquées par tous les hôteliers. Résultat des courses : les uns sont privés de vacances, les autres perdent davantage de ressources. Car un lit d'hôtel vide est un lit de perdu. Sur un autre plan, la question des vacances des Tunisiens dans les hôtels invite à la réflexion. Une vraie réflexion pour cerner la problématique et proposer les solutions idoines. D'abord, le tourisme intérieur n'a jamais constitué un choix stratégique sur le plan national et n'a jamais été perçu en tant que créneau rentable pour les opérateurs du secteur. Et pour cause, même s'il est sur une voie ascendante, il demeure en deçà des moyennes enregistrées par les grands pays touristiques où il atteint des parts de marché de l'ordre de 30 à 40%. En effet, sous d'autres cieux, le tourisme intérieur constitue un régulateur et un stabilisateur de l'activité touristique. En effet, il n'occupe que la 6e place en Tunisie avec près de 7% de nuitées. En 2001, il ne représentait que 6,6% de parts de marché. En 2003, il a connu un record sans précédent et en 2006, l'année a été terminée avec plus de 2.754.000 nuitées effectuées par des résidents contre 2.722.000 nuitées en 2005, soit une progression de 1,5%. Cependant, l'importance du «touriste tunisien» qui se déplace en couple ou en famille découle du fait qu'il paye cash et consomme beaucoup. Ce n'est que tout récemment qu'on a appréhendé le poids économique du tourisme intérieur, compte tenu de son rôle dans l'impulsion du secteur du tourisme et l'amélioration de sa compétitivité en s'assignant comme objectif national de le hisser au seuil de 15% pendant le XIe Plan. Pour concrétiser cet objectif, le ministère du Tourisme et l'Office national du tourisme tunisien, en partenariat avec la profession, ont opté, depuis quelques années, pour la promotion d'un «marché intérieur» à part entière. Le diagnostic a fait démontrer que les principaux problèmes auxquels sont confrontés les nationaux se rapportent essentiellement aux difficultés de trouver des lits disponibles pendant la haute saison, à la cherté des prix appliqués aux nationaux et au manque d'animation adaptée à cette clientèle. Dès lors, il fallait structurer le marché avec la contribution des agences de voyages spécialisées dans le tourisme intérieur, la diversification de l'offre et la diffusion d'une culture de réservation à l'avance. L'on se rappelle que quelques menus mesures ont été prises, notamment la mise en œuvre d'une centrale de réservation électronique spécialisée dans le tourisme intérieur, la réservation de quotas dans tous les hôtels affectés au tourisme intérieur, l'incitation des agences de voyages à la spécialisation dans le tourisme intérieur‑: réservation, transfert, etc. et la pratique d'une politique promotionnelle de prix dans tous les hôtels (30 à 40% de remise) ainsi que le développement de la construction d'apparts-hôtels et de bungalows touristiques adaptés au mode de vie des Tunisiens. Au grand dam de tous, ces actions n'ont été que des coups d'épée dans l'eau puisqu'elles ont connu un échec cuisant. Au fait, les prix proposés ont toujours présenté un obstacle. L'on admet, certes, que les prix proposés aux nationaux représentent un écueil pour les Tunisiens, mais cette situation, qui résulte du fait que, contrairement aux étrangers qui achètent leurs forfaits en gros, le Tunisien fait un achat en individuel à des tarifs plus élevés, est une difficulté qu'on peut contourner facilement en dynamisant davantage la centrale de réservation qui est censée agir en faveur de cette clientèle non seulement en termes de prix mais aussi en termes de disponibilité. Il est peut-être temps de facturer par chambre aux nationaux et non par lit, et ce, en vue de mieux faciliter les vacances en famille. Pour cela, les hôteliers sont encore une fois sollicités afin de conjuguer leurs efforts à ceux de l'administration, de la FTH et de la Ftav pour atteindre l'objectif assigné de 15% de parts de marché pour les années à venir. Par ailleurs, il serait opportun de rappeler aux banques l'éventualité de la mise en place d'un mécanisme financier sous forme de petits crédits pour couvrir les frais de vacances ou la mise en circulation de chèques vacances, dont une partie sera prise en charge par l'entreprise ainsi que la nécessité de signature de contrats d'allottement au profit des agences de voyages et le lancement de campagnes de promotion auprès des Tunisiens pour promouvoir les régions et les sites culturels. C'est que le tourisme intérieur ne devrait pas se limiter à une simple réservation d'hôtel, mais devrait être une invitation aux Tunisiens pour découvrir les joyaux culturels et les magnifiques sites dont regorge notre pays. Ce qui est contradictoire dans notre pays, c'est qu'alors que la demande soit aujourd'hui entrée dans sa phase ascendante, l'administration et les professionnels peinent encore à structurer davantage le flux de touristes nationaux et sont incapables de hisser le tourisme intérieur à un palier supérieur. Voilà des années qu'on en parle en vain puisque la tutelle et la profession n'arrivent pas encore à accoucher d'un vrai catalogue de réservation à des prix préférentiels pour les Tunisiens.