Par Abdelhamid GMATI Comme à chaque crise qui affecte le tourisme, on se rappelle qu'il y a une clientèle tunisienne qui, elle aussi, a besoin de vacances, de repos, de loisirs, de dépaysement. Jusqu'ici, les crises extérieures au pays avaient un impact négatif sur le flux de nos visiteurs étrangers. Cette fois-ci, la révolution et ses effets collatéraux, ainsi que la guerre en Libye, ont fortement porté préjudice au tourisme. Les responsables parlent d'une chute des activités touristiques de l'ordre de 51%, de manque à gagner atteignant les 554 millions de dinars et d'une baisse importante (près de la moitié) des réservations pour la haute saison (juillet, août et septembre). De plus, plusieurs hôtels ont annoncé leurs fermetures, essentiellement dans les villes côtières. C'est dire que la situation est, pour le moins, inquiétante, voire dramatique. Les campagnes promotionnelles se succèdent, on essaie de sensibiliser nos voisins algériens, on incite nos compatriotes à l'étranger à retourner en masse au pays et… on fait les yeux doux aux résidents tunisiens. Comme d'habitude. En l'absence de rentrées de devises, on vise au moins à relancer l'activité, histoire de sauver des entreprises et des centaines de milliers d'emplois, directs et indirects. Officiellement, on nous dit que «le Tunisien est le troisième client du tourisme après le Français et l'Allemand. En 2009, il y a eu 8,5 millions de nuitées de Français, 5,7 millions de nuitées d'Allemands, 3,1 millions de nuitées de Tunisiens, 2,7 millions de nuitées d'Anglais et 2,4 millions de nuitées d'Italiens. Les Tunisiens représentent 9 à 10 % de l'ensemble des nuitées. En 2010, sur les 34,6 millions de nuitées, 3,1 millions étaient celles des résidents et 31,5 millions des non-résidents». Et on précise que «selon une étude réalisée en 2005, l'hébergement non marchand, c'est-à-dire chez les parents ou les amis, représente 65 %, le 2e mode d'hébergement est celui des hôtels avec 17 %, et le troisième mode est celui de la location des résidences». Mais le touriste résident tunisien doit faire face à un problème de taille : celui des prix qui lui sont proposés. Et ce, depuis des années. On ne comprend pas pourquoi un touriste étranger bénéficie d'un séjour d'une semaine selon la formule «all inclusive» (billet d'avion, transfert à l'hôtel en aller-retour, repas, logement, etc.) pour 200 euros (près de 400 dinars), alors que le Tunisien doit débourser des sommes allant de 100 dinars la nuitée, en demi-pension, dans un hôtel 4 étoiles, à 180 dinars dans un 5 étoiles. Les professionnels expliquent que cela est dû au fait que le visiteur étranger passe par une agence de voyages (tour opérateur) et profite de tarifs de groupes alors que le Tunisien agit personnellement et effectue lui-même ses réservations. De plus, il s'y prend à la dernière minute, ce qui veut dire que le Tunisien ne planifie pas ses vacances à l'avance et ne se décide qu'au dernier moment. Passer par une agence de voyages et prévoir ses vacances lui feraient économiser jusqu'à 30% sur les tarifs habituels. On a aussi essayé, depuis 2 ans, les fameux «chèques tourisme» (ou chèques-voyages), valables pour les individus et les entreprises, qui permettent des prix préférentiels allant de 20 à 40% de réduction, un tarif similaire à celui des T.O. étrangers. Cela a été encourageant. Il faudrait généraliser la formule. De plus, cette année, plusieurs hôteliers, à l'instigation de la FTH (Fédération tunisienne de l'hôtellerie), ont adopté le principe d'une réduction de leurs tarifs de 50%, au profit des touristes tunisiens. Cela suffira-t-il à combler le déficit de la clientèle étrangère? Il y aura aussi le mois de Ramadan qui coïncidera avec le mois d'août. Suffira-t-il de prévoir des programmes d'animation ? En plus de cette question de prix qui rebute nombre de Tunisiens, il est d'autres considérations à prendre en compte. En premier lieu, les services et l'accueil. Les Tunisiens se plaignent d'être mal accueillis et traités en clients de seconde zone. Il est vrai que le Tunisien est exigeant sur la propreté, sur la qualité de la nourriture et de l'hébergement… Les professionnels estiment que les services seront améliorés à la satisfaction de cette clientèle résidente, si délicate. Et il y a aussi le fait que le touriste résident n'est pas sédentaire. Certes, il veut se faire dorer au soleil mais il ne veut pas être «idiot». Il bouge, il veut découvrir, il veut des loisirs. On l'a vu à maintes reprises et à diverses occasions. Le Tunisien se déplace et va à la rencontre de festivals spécifiques, fussent-ils éloignés et à n'importe quelle période de l'année. Il va à Tabarka pour ses festivals de jazz et de musique spécifique ; il va séjourner à Tozeur et à Douz, au cœur du Sahara, pour leurs festivals culturels et traditionnels. On mentionnera, à titre d'exemple, que ces deux régions attirent chaque année plus de 250 000 touristes. Mais il n' y a pas que les festivals, les Tunisiens aiment découvrir et apprécier les spécificités des différentes régions du pays. Chaque année, des milliers de Tunisiens vont passer leurs vacances d'hiver dans le Sud mais aussi au Nord où ils profitent de la verdure et des forêts de Tabarka et de Aïn Draham. Le plus important dans tout cela est que le Tunisien n'est pas, et ne veut pas être, «une bouée de sauvetage». Il veut être touriste dans son pays, tout au long de l'année et toutes les années. Même lorsque les vaches sont grasses, il veut avoir sa place et, si possible, privilégiée. Car il est permanent.