Par Sami ABDENNADER Les graves incidents, qui se sont déroulés dans une salle de cinéma de Tunis le 26 juin dernier, n'augurent rien de bon pour l'avenir de la Tunisie sur le plan social. Ils prouvent que la violence est latente et que toute manifestation artistique, ou autre, comporte un risque de représailles de la part de certains fanatiques, dès lors qu'elle heurte leur sensibilité. Ils nous rappellent les tristes moments de notre histoire comme l'attaque au vitriol des estivants dans les années 80. D'autre part, le laxisme des agents de sécurité laisse perplexe. Il s'inscrit dans un contexte social particulier caractérisé par la persistance de l'instabilité. Il est temps que certains citoyens, heureusement minoritaires, cessent de confondre une noble révolution avec le début de l'anarchie. Enfin, ces incidents posent la question des limites qu'imposent notre religion et notre société aux manifestations des libertés d'expression. En effet, à quoi sert-il de heurter toute une frange de la polulatoin en calmant haut et forts son athéisme ? Autant la religion doit rester dans la sphère de la vie privée et ne pas interférer avec la sphère politique, autant les croyances et leurs manifestations doivent rester personnelles. Le respect de notre religion et de nos citoyens doit primer par rapport aux tentatives de porter la liberté d'expression au-delà de ce qui est acceptable. Bien sûr, en tant que musulman, j'ai été choqué par la publication des dessins satiriques danois, portant atteinte à l'image de notre Prophète. De même, je suis choqué par le slogan «Ni Allah, ni maître» affiché sur des tee-shirts. A mon avis, mais le débat reste ouvert, la liberté d'expression devrait s'arrêter aux portes de la «sacralité». Ce n'est pas en provoquant, par des propos ou des actes impies qu'on défend la laïcité. A l'époque, Bourguiba a eu tort de boire en public en plein de mois de Ramadan… pour donner l'exemple. Une même «mouche provocatrice» semble avoir piqué l'illustre historien et authentique démocrate Mohamed Talbi, qui a évoqué lors d'un débat radiophonique un fait inédit concernant la vie privée du Prophète. Comme l'écrit Isabelle Mandraud (Le Monde du 29/06/11) les artistes (et aussi écrivains) seraient-ils en danger ? A cette question je répondrai par l'affirmative. Les agressions du cinéaste Nouri Bouzid il y a quelques semaines et des militant(e)s du collectif Lam Echaml le 26 juin sont là pour en témoigner. Serait-ce un avant goût de ce que nous réserverait l'avenir si les islamistes prenaient le pouvoir en Tunisie ? On pourrait me rétorquer qu'il y a les islamistes qui peuvent être démocrates et pacifistes à l'instar des militants turcs de l'AKP, et que les violences sont l'apanage d'intégristes radicaux. Mais je demande à voir, car les débordements et les excès sont toujours possibles. Il faudrait toujours garder en mémoire le fait que les artistes et les écrivains ont été la première cible lors de la période tragique vécue par nos voisins algériens.