On connaît mal, ou peu le Centre des arts vivants de Radès qu'anime avec constance, patience, et débauche d'idées Aïcha Filali. Avec fidélité aussi à la mémoire de sa fondatrice Safia Farhat à laquelle elle souhaite rendre hommage par une grande exposition. Dès qu'elle en aura les moyens, car ici, les idées sont profuses, l'imagination au pouvoir, la créativité féconde. On ne pèche que par le manque de moyens. Encore que l'on garde espoir, que le soutien du ministère de tutelle soit très présent et que le système D fonctionne à plein rendement. Le lieu est plaisant, vert, aéré, propice à la création que Aïcha Filali stimule par les défis qu'elle lance aux jeunes créateurs, novices ou confirmés, par les gageures qu'elle leur propose, et dont les réponses méritent quelques fois une analyse sociologique. Mais ceci, n'est-ce pas, est une autre histoire. Revenons donc au propos de notre promenade bucolique dans ce Radès en fleurs‑: un workshop lancé sur le thème «De Melassine à Ennasr» Pour ce workshop, le centre accueille tout artiste résident en Tunisie, quelle que soit sa nationalité. Ces artistes — ils ne peuvent être plus de douze par workshop, et il y a deux sessions par an — ont à leur disposition les ateliers polyvalents du centre, et peuvent utiliser les équipements du centre — four à céramique, presse de gravure, labo photo, métier à tisser — ainsi qu'on met à leur disposition les matériaux nécessaires. Le workshop est sanctionné par des prix remis par un jury indépendant et les œuvres sont exposées. Il était étonnant de voir ce que ce raccourci proposé, de Melassine à Ennasser, pouvait suggérer de fantasmes, de clins d'œil, de contastes, d'humour et de grincements de dents. Souad Chehidi décline sa «Nouvelle Collection», du voile intégral à la mini-jupe, en une variation de croquis de mode. Houda Lamine déploie ses paysages-découpages. Haythem Jemaïel parle quant à lui le langage des chaussures comme autant de «Masques Citadins». Et le plus inattendu, le plus surprenant peut-être, «Le lit sans frontières» de Houda Ghorbal. «Sur le chemin d'Ennasser vers Mellassine, y a-t-il une rue sans foyer ? Et à l'intérieur de chaque domicile, n'y a-t-il pas un lit ? Imaginons que ce lit retrouvé à Radès raconte son histoire, ses aventures, sa vie… Que pourrait-il nous dire ?» Et Houda Ghorbal imagine une multitude d'histoires dont témoignent autant de pièces à conviction accrochées au lit témoin de ce voyage entre deux quartiers, deux mondes, deux peuples peut-être. Je vous le disais bien, il se passe quelque chose au Centre des arts vivants de Radès.