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Est-ce grave, Docteur ?
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 09 - 2011


Par Rafik BEN HASSINE
Coincé entre tradition et modernité, faux-semblants et vrais mensonges, morale simulée et religion instrumentalisée, le Tunisien ne sait plus où donner de la tête. Au point d'en devenir schizo. 
La schizophrénie est un désordre mental caractéristique d'une personnalité divisée. Individuelle, elle peut s'étendre à des groupes, des partis, des gouvernements, des sociétés entières. Ce terme est utilisé dans les sciences sociales pour décrire une société affligée par une "dualité" sévère dans sa conduite (la même chose et son contraire) et dans ses normes morales (exemple: tuer et ne pas tuer, au même niveau moral). Les contradictions s'affichent aujourd'hui au grand jour, rendant sans cesse plus compliqué le fameux grand écart culturel qu'on demande aux Tunisiens de réaliser quotidiennement. Encouragés par la libération de la parole, journalistes, sociologues ou simples blogeurs s'amusent avec plus ou moins d'ironie à pointer les incohérences du système dans lequel nous vivons — et que nous avons bien entendu dans une grande mesure contribué à créer. Alors, au-delà des clichés, la Tunisie est-elle un pays schizophrène‑? Si le grand public considère qu'un schizophrène est un individu chez qui cohabitent plusieurs personnalités, la définition psychiatrique est plus complexe. La schizophrénie, c'est une déstructuration de la personnalité, une maladie douloureuse marquée par de profondes angoisses, des délires et une déconnexion de la réalité. A la base du malaise, il y a bien sûr la question de l'identité. Sans forcément relever de la pathologie médicale, notre société a exactement le même problème.
L'identité. Nous essayons encore et toujours de nier notre véritable identité. Nous connaissons la réponse officielle que proposent les islamistes et la Haute Instance, etc. : le Tunisien est un arabo-musulman. Le Tunisien serait donc un Arabe, ce qui est génétiquement et historiquement faux. Il a été démontré que, génétiquement, tous les Arabes descendent des Yéménites (haplogroupe J1). Les dernières analyses génétiques, effectuées au Maghreb en 2008, 2010 et 2011 montrent que les Maghrébins, qu'ils soient arabophones ou berbérophones, descendent des berbères pour leur grande majorité. En allant de la Tunisie vers le Maroc, on constate que, d'une façon homogène, les taux de «marqueur arabe» et phénicien diminuent, et le taux de «marqueur berbère» augmente. La Tunisie est le pays le plus arabisé, avec environ un taux J1 de 30%. Cela veut dire aussi que 70% de nos gènes ne sont pas arabes. Globalement, les Maghrébins sont à 17% d'origine arabe, et à 83% d'origine non arabe, dont 60% berbère. Pour les Tunisiens, ces origines non arabes sont à 45% berbères, à 8% puniques, à 6% européennes, et à 11% autres. La réalité est têtue, dit l'adage. Les gènes ne mentent pas, les hommes politiques, si. Les Maghrébins se disant «arabes» sont donc, comme l'a affirmé Ibn Khaldoun, des «arabisés», c'est-à-dire des non-Arabes, qui quand ils sont lettrés, parlent la langue arabe. Par ailleurs, à franchement parler, en regardant le Yéménite d'aujourd'hui, je ne vois pas de fierté spéciale à s'en proclamer le descendant. Malheureusement, l'éloignement entre le discours et la réalité qu'il prétend décrire ne s'arrête pas au problème de l'identité.
Dans notre vie quotidienne, nous n'avons aucun mal à repérer des propos complètement en décalage avec la vérité tangible. Il est ainsi possible de croiser chaque jour des gangsters pieux, des prostituées moralisatrices, des chauffeurs de taxi qui refusent la ceinture de sécurité, des magouilleurs qui réclament plus de lois, des bien-pensants qui jettent leurs ordures partout, des salamalecs et des propos orduriers un peu partout.…. En résumé, “le schizophrène, c'est pas moi, c'est l'autre”, comme dirait Gad El Maleh. Il suffit pourtant de lire les propos critiques des internautes, à propos de l'ambivalence des Tunisiens, pour saisir combien le mal est profond et ignoré des principaux intéressés. Ainsi, une jeune fille explique qu'elle adore son pays, ne comprend pas ces harraga qui veulent quitter la Tunisie à tout prix, puis explique son projet d'émigrer au Canada car notre pays ne donne pas leur chance aux jeunes. Comme si les harraga croulaient, eux, sous les offres d'emploi.
Les partis politiques. Le délire du discours schizophrène est connu, pas de lien entre les phrases, pas de finalité, désordre de la pensée. Les partis politiques en offrent le symptôme. Lorsqu'un de leurs représentants passe à la télé, il nous sert un discours incohérent. Il saute du coq à l'âne, n'a pas de structure, pas de programme cohérent. S'il est islamiste ou pseudo, il noie son discours sous des citations du Coran afin de couper court aux questions et de masquer ainsi son incompétence politique. Si le discours des partis politiques est incohérent, c'est peut-être tout simplement parce que, trop souvent, il ne s'appuie sur aucune conviction forte. La preuve, c'est que pour les élections d'octobre 2011, toutes les alliances politiques sont possibles. Les partis politiques peuvent décider de se faire la guerre ou de collaborer, sans avoir à justifier leurs décisions par des notions de valeurs ou de projets sociétaux. Ils croient que le discours publicitaire se suffit à lui-même. Pourtant nous aurions aimé voir une ligne de démarcation nette entre eux. Par exemple, les démocrates laïques d'un côté et les islamistes anti-démocrates de l'autre; ou bien une gauche progressiste qui défend la masse laborieuse d'un côté et une droite réactionnaire qui défend les riches de l'autre. Point de cela, nous nageons dans un flou artistique, où chacun se proclame du centre, le ventre mou de la politique. Les conséquences en seront désastreuses. En effet, si c'est du «kif kif au même», pourquoi aller voter ?
Tradition et religion. Dans ce grand flou, il reste toutefois une valeur à laquelle tout le monde s'accroche, un pilier à la fois stable et absolu : la tradition, elle-même indissociable de la religion. Le discours traditionnel est omniprésent, même s'il est, encore une fois, battu en brèche par la réalité des comportements quotidiens. Dans notre inconscient collectif, le passé est systématiquement glorifié. Nous avons du mal à nous séparer des choses, nous n'avons pas la culture du deuil. Nous sommes toujours en train d'évoquer l'Andalousie musulmane, 500 ans après sa mort. Il en ressort l'impression étrange que nous n'avons pas le droit de créer en dehors de la tradition. L'important n'est pas ce qu'on fait mais ce qu'on montre. La culture du paraître s'est également infiltrée dans notre pratique religieuse. Les intégristes ont réduit l'Islam à un code vestimentaire et alimentaire, le vidant de ses principes profonds. La période du Ramadan est particulièrement friande de ce genre de schizophrénie collective. La consommation devient frénétique, les comportements irrationnels, les individus irascibles, la conduite automobile kamikaze, etc.
Léthargie et inactivité. Les schizophrènes sombrent aisément dans la torpeur et l'inactivité. Au mois de Ramadan, il est inconcevable de parler à ses subordonnés de rendement, alors que l'Islam n'a jamais incité les gens à la paresse, au contraire. Rappelons que Bourguiba, en son temps, avait justifié le retard des pays musulmans par le fait que, durant le mois saint, les musulmans ne travaillaient point, ce qui totalise plus de 1400 mois de travail perdus, soit plus d'un siècle de retard sur les pays modernes.
Paranoïa. Un individu schizophrène pense que tout le monde complote contre lui, même s'il n'y a aucune preuve tangible. Les Arabes sont devenus les spécialistes des "théories du complot". Après chaque désastre dans le monde arabe, naturel ou non, le responsable est le "Sioniste", "le Croisé" ou l'"Occidental", et des journaux très sérieux colportent ces théories de complot. Aucun effort n'est mené pour présenter des thèses rationnelles ou proches de la réalité. Un individu schizophrène pense que tout le monde dit du mal de lui et il vit dans une tension constante due au doute et à la suspicion, à l'égard même de gens proches. Si on a un problème domestique, c'est la faute à la voisine qui a le mauvais œil; celle-ci est même capable de nous avoir jeté un sort, avec l'aide d'un marabout «marocain», bien entendu.
Les voies de la guérison. Le premier pas vers la guérison, vous dirait n'importe quel médecin, c'est la prise de conscience de la maladie dont on souffre. Le fait que vous soyez en train de lire cet article est déjà un indice positif. La révolution tunisienne, initiée le 14 janvier en est un autre. Les révolutions en cours (Tunisie, Egypte, Libye, Yémen, Syrie) montrent que tout n'est pas perdu et que nous sommes en train de secouer le joug de la décadence et de l'arriération imposées depuis plus de mille ans par des oulémas sclérosés et ignares. Mais attention, leurs disciples sont encore là, aux aguets, prêts à prendre le pouvoir et à nous ramener des siècles en arrière. Ce serait une rechute grave, la schizophrénie 100% halal.


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