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Jonas, ou la découverte du pardon
Figures et concepts
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 09 - 2011

Le texte coranique est un corps à corps contre l'incroyance, pour arracher les hommes à leurs anciennes coutumes. Il y a un combat dans lequel le Prophète, à travers la voix mystérieuse de l'Ange, est engagé pour provoquer dans les esprits la conscience d'une urgence, ou d'un péril majeur qui est de vivre sa vie dans la négation, implicite ou explicite, de Dieu, de l'Unique: ce qui est synonyme d'ignominie et de perdition. L'athéisme, qui est autant par les actes que par les idées, autant par le faux culte que par le non-culte, est comme l'aveuglement de celui qui s'avance vers le précipice sans voir ni savoir : il ne faut pas lui expliquer, il faut l'effrayer ! S'il y a malgré tout une dimension humaine de ce texte révélé, c'est qu'il est traversé par un effroi, qui se convertit en une sainte colère chargée de menaces. La science, qui est d'abord éveil à la présence de Dieu dans le monde, est ici affaire de choc !
Le propos n'est pas ici de relayer le choc avec nos propres forces, mais de souligner cette dimension dans le texte qui, pour la raison qu'on vient de dire, ne se prête pas à la tranquillité du récit et à son rythme apaisé. L'élément est bien plutôt celui de la fulgurance et de ses fragments. C'est pourquoi, par exemple, le personnage de Younis, qui a l'honneur d'une sourate à son nom, est évoqué de façon allusive et passagère. De fait, ce n'est pas dans le texte du Coran qu'il est possible de prendre connaissance de son histoire, bien que le Coran nous mette sur la piste. Qui est donc ce «dhou'l noun», cet «homme au poisson» ? Et ce peuple de «100.000 habitants ou plus» (37, 148) vers qui il est envoyé en prophète? Le texte de la Bible offre un complément d'information utile : faisons donc fi de l'interdit intempestif et ouvrons ce livre sans plus de formalités.
«Encore quarante jours et Ninive sera détruite»: telle est la prophétie funeste face à laquelle Younis, ou Jonas, a tenté d'abord de se dérober alors qu'elle faisait l'objet d'une injonction divine. Fuyant son destin, croyant pouvoir y échapper en s'embarquant pour la lointaine Tarsis, de l'autre côté de la mer, il se retrouvera livré aux flots, puis avalé par un gros poisson. Durant trois jours et trois nuits, il demeurera dans les ténèbres du ventre de la créature marine et, du fond du désespoir, il adressera ses prières à Dieu. C'est ce qui le sauvera : il sera déposé sur une plage. Le texte du Coran raconte : «Nous le jetâmes sur la terre nue, épuisé qu'il était. Et Nous fîmes pousser au-dessus de lui un plant de courge (“yaqtin”)» (37/145-146).
La mission de retourner à Ninive et d'adresser la prophétie aux habitants se présente à nouveau à lui mais, cette fois, il ne songe pas à s'y soustraire ? C'est résolument qu'il se dirige vers cette ville dont les gens cultivent des mœurs qui ont suscité la colère de Dieu. Et il leur délivre la prophétie : «Encore quarante jours et Ninive sera détruite»! Il s'acquitte tellement bien de sa mission que tous les habitants, grands et petits, tous renoncent à leur «méchanceté» et à «l'iniquité que commettent leurs mains» et se mettent en pénitence: vêtus de sacs en lieu et place de leurs vêtements, ils entament un long jeûne et «crient vers Dieu avec force». Même le roi répond à cette parole : «Il se leva de son trône, quitta son manteau, se couvrit d'un sac et s'assit sur la cendre».
Tant et si bien que, au bout des quarante jours, la ville resta imperturbablement dressée sur ses fondations : la prophétie, décret divin, ne s'était pas accomplie. Or Jonas en éprouve du dépit : n'a-t-il pas publié la nouvelle à travers les rues, l'annonçant comme quelque chose de sûr ! Le voilà donc désavoué. Mais l'affaire n'est pas seulement celle d'un orgueil blessé: la méchanceté passée du peuple de Ninive était telle que le châtiment ne pouvait pas ne pas s'abattre sur eux. Il y avait un lien étroit entre la nature des agissements et la nécessité de la punition, et ce lien relevait de la justice. Jonas avait donc à cœur que justice s'accomplisse, afin que demeure dans le monde cet équilibre dans la distribution des «salaires»‑: aux  conduites pieuses et vertueuses la récompense et aux conduites impies et méchantes le châtiment. Sa révolte venait du fait qu'à travers le spectacle de Ninive toujours debout et resplendissante, c'était cet équilibre qui se trouvait brisé. Et puis était-ce pour cela qu'il avait connu la détresse au fond de l'abîme, dans le ventre du poisson, quand il s'était avisé de fuir sa mission ? C'est donc sur le ton du reproche qu'il s'adresse ainsi à Dieu : «Je savais en effet que tu es un Dieu de pitié et de tendresse, lent à la colère, riche en grâce et te repentant du mal».
Dieu a pardonné : il a brisé la loi de la justice, celle qui distribue des salaires selon les œuvres. L'attitude de supplication et de repentir des habitants de Ninive n'était pas en elle-même une raison suffisante pour faire pencher la balance de l'autre côté. La vérité était toutefois que de balance il n'était plus question : Dieu a repoussé la balance de devant lui et, ce faisant, il a accompli le geste qui va servir à Jonas d'exemple pour apprendre le pardon.
Cette dimension pédagogique de l'histoire de Jonas n'est présente dans le Coran que sous la forme d'indice : pourquoi en effet est-il dit «Nous fîmes pousser au-dessus de lui un plant de courge»? Quel est l'intérêt de ce détail? La Bible ne parle pas de plant de courge, mais il est bien question d'une plante: une plante qui fait de l'ombre, sous laquelle on s'abrite quand le soleil darde ses rayons et dont on goûte la présence. Dieu la fait pousser afin que Younis vienne se réfugier auprès d'elle. Puis, plus tard, il la fait disparaître. Il fait cela quand Younis se fâche de voir que la prophétie annoncée aux habitants de Ninive de s'est pas accomplie. Younis n'en est-il pas désolé? Cette plante n'était-elle pas devenue sa compagne, pour ainsi dire? Et la voilà détruite ! Il y a entre les êtres, dans leur différence, une loi d'amour: voilà ce que Dieu veut faire savoir à Jonas. Et les exigences de la justice ne font pas taire cette loi… Pardonner, c'est rendre justice à la primauté de l'amour sur la justice.
L'Islam est venu en appelant les hommes au pardon. Il porte en lui cette leçon divine faite à Jonas. La fête qui ponctue le mois du jeûne se place d'ailleurs sous ce signe. Et c'est sans doute parce qu'il voit clairement en Dieu le grand maître du pardon – er-rahmân er-rahîm — qu'il est d'autant plus habité par le scandale qui consiste pour l'homme à ne pas le connaître.


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