La nouvelle est tombée l'autre jour, et a circulé comme une mauvaise blague dans les réseaux sociaux : le Canada n'était pas disposé à laisser s'organiser sur son sol l'opération éléctorale du 23 octobre. Les Tunisiens établis dans ce pays pourraient donc être empêchés de s'exprimer à l'occasion des premières éléctions libres de notre histoire moderne. A l'exclusion de tous leurs concitoyens, qu'ils soient sur le sol de la patrie ou résidents dans d'autres pays. Comme la nouvelle n'a pas manqué de faire grand bruit, et qu'elle menaçait de jeter le trouble dans l'opinion canadienne elle-même, laquelle pourrait bien s'interroger sur la façon singulière dont leur pays accueille une date capitale dans le déploiement du printemps démocratique arabe, la réponse officielle des autorités canadiennes est arrivée. Il s'agit d'une déclaration officielle du ministre des Affaires étrangères, datée du 22 septembre. En voici les passages les plus significatifs : « Le Canada espère que les ressortissants tunisiens au Canada auront la possibilité de voter à ces élections même s'ils sont hors du pays. Nous avons accordé ce droit à 12 autres pays cette année. « Nous avons par contre mentionné à la Tunisie que nous désirons qu'elle évite de créer une circonscription électorale qui inclurait le Canada. Personne ne devrait représenter le Canada —ou une partie du Canada— dans une assemblée étrangère élue. «Cette politique ne s'applique pas seulement à la Tunisie. C'est une question de souveraineté canadienne». Il semble donc assez clair que le point d'achoppement réside dans la position de principe du Canada qui consiste à ne pas permettre que le territoire canadien puisse servir de circonscription dans le cadre d'une élection organisée dans un pays étranger. Il s'agit manifestement d'une affaire de souveraineté et on peut bien comprendre cette position, même si elle donne un peu l'impression que le Canada se comporte comme ces gens qui ont peur qu'on leur vole leur ombre. Car, en effet, une circonscription canadienne dans le cadre des élections tunisiennes de l'Assemblée constituante ou de toute autre élection que nous serions amenés à organiser revêt une dimension essentiellement virtuelle. Peut-être y aurait-il lieu d'ailleurs de lui trouver un autre nom, pour éviter que de tels espaces situés en dehors du territoire puissent être perçus comme une sorte d'extension des circonscriptions situés sur notre sol. Mais enfin, ne soyons pas abusés par les mots : parler d'une circonscription au Canada ou dans quelque pays étranger que ce soit n'a pas d'autre sens que de revendiquer pour nos concitoyens vivant hors du pays la possibilité d'exercer leur droit de participer au choix de leurs représentants, ou de toute façon de ne pas se trouver exclus d'un tel événement. Le découpage de ces “circonscriptions” situées à l'étranger en fonction des frontières entre pays est une question de simple commodité, rien d'autre. Mais on note dans le texte de la déclaration que, malgré cette position de principe, des élections ont pu quand même avoir lieu au Canada : 12 cette année, précise le texte ! Si tel est le cas, et sachant la situation de relative confusion que connaît notre pays pour organiser des élections qui rompent si profondément avec les anciens usages, et à des niveaux si divers, n'aurait-il pas été plus simple d'indiquer tranquillement la marche à suivre, plutôt que de brandir la menace d'une interdiction qui a laissé tout le monde perplexe ?