Par Fethi FRINI Depuis plus de deux décennies déjà, l'on avait beaucoup malmené le verbe dans des discours politiques galvaudés, obséquieux, qui y avaient beaucoup perdu, au fil du temps, de leur puissance et de leur verve; des discours politiques empreints, certes, de solennité mais qui seraient plutôt d'une sécheresse et d'une abstraction à toute épreuve, rendant ardue toute compréhension encore plus toute assimilation de la chose publique. Avec notre actuel Premier ministre «tout court», tout au contraire, à travers ses prestations oratoires, la parole politique, franche et directe, semble avoir retrouvé son aura d'antan. Elle renouerait déjà un chouia avec la noblesse et la finesse, et aurait même fini par s'imposer au-devant de la scène politique, encore à ses premiers balbutiements. Certainement par captation d'héritage avec une époque prestigieuse, tout de même, celle des grands ténors de la politique, aux grands effets, souvent désastreux, d'ailleurs. Sans parler de ce que la machine gouvernementale produit, désormais, de petites phrases, de belles paroles sinon de belles perles, en relation avec les faits et les méfaits, toutes hautes en couleur, qui émaillent désormais notre vie politique actuelle, que nous continuerons, d'ailleurs, d'apprécier à leur juste valeur et dont, à la fois, nous nous délecterons. Une tartufferie politique Nous voilà bercés, parfois charmés, noyés, peut-être même anesthésiés, sous un flot de discours, de propos, de prises de position censés nous rappeler les valeurs fondamentales qui devraient présider à une saine gestion des affaires publiques. Pourtant, ce qui est dit n'est pas nécessairement ce qui est fait, ni ce qui est promis ne serait pas certainement tenu et il ne suffit pas de les proclamer pour que les intentions s'incarnent. Il s'est passé quoi, en dehors des mots, vous vous dites, justement ? Des mots, toujours des mots, rien que des mots… Du baume au cœur , quoique, très souvent, cela nous va tout droit, au fond du cœur ? Qu'est-ce qu'il y a eu de réalisé et, surtout, de changé ? Qu'est-ce qu'il en resterait surtout de concret et de palpable, quand tout passera, quand on aura tout oublié ? Et, dites-vous bien, pouvait- il se passer quelque chose d'autre, de bien mieux encore, après tout ce que nous avons subi, tout ce que nous avons enduré, tout ce qui nous est tombé sur la tête pendant plus de deux décennies ? Vous vous souvenez, jadis, de ces mots justes, précis et actuels, déjà révolus sinon bel et bien disparus ? De ces mots, devant justement servir à masquer ce manque de clarté, à combler ce vide juridique, ou, du moins, en partie ? Plus intéressant encore, d'autres rengaines, d'autres leitmotive plus anciens encore, seraient réapparus, comme dictés par une conjoncture économique, ressuscités par un climat social, dans une approche politique toute particulière : l'égalité des chances, l'équilibre régional, la transparence, certes mais aussi la dignité, l'intégrité, l'honorabilité et bien d'autres encore… Cette tartufferie politique aurait sans doute empêché de regarder les choses en face, de les analyser en profondeur pour pouvoir y opérer les ajustements nécessaires De ce point de vue, l'hyperactivisme de notre Premier ministre «tout court», faisant fi du poids des années, confronté à la complexité de la tâche et à l'énormité de la charge, à travers, non seulement sa taille et ses moyens, mais aussi ses enjeux et ses risques, devrait mériter toute notre considération. Dans tous les cas de figure, ce serait aux alentours du 23 octobre, date à laquelle notre chef du gouvernement rendrait le tablier. Et ce serait certainement dans la dignité, avec le sentiment du devoir accompli, qu'il aura à céder les pleins pouvoirs, jusqu'alors détenus, à ses successeurs dûment élus. De même, chacun peut avoir son appréciation sur la conduite des affaires par nos ministres sous la houlette de notre Premier ministre «tout court», une conduite, pour laquelle d'ailleurs nous leur en savons gré de toute l'attention et de toute l'abnégation. En revanche, il n'est pas possible,d'abord, de ne pas s'entendre sur la disparition de la «haïba» de l'Etat, de l'autorité suprême; il n'est pas possible,ensuite, de ne pas s'entendre sur le déficit de crédit, sur la crise de confiance du fait d'une démarche à la fois hésitante et maladroite, au niveau de l'action gouvernementale; il n'est pas possible enfin de ne pas s'entendre d'un manque sinon de l' absence de toute légitimité qu'un large consensus, qui s'est pourtant instauré entre les parties prenantes, sur une saine gestion des affaires publiques, n'aurait pas été en mesure de s'y substituer. Parer au plus pressé Il nous faudrait certainement beaucoup de courage à admettre que la société tunisienne, malgré les acquis et les avancées, est aujourd'hui une des plus inégalitaires qui soit. Ne nous faudrait-il pas nous rendre à l'évidence : la dignité du citoyen passerait inéluctablement par l'égalité ? Valeurs, pour les quelles et pour bien d'autres encore, notre brave et valeureux peuple se serait soulevé, tout au long des grands jours qui l'auraient conduit au jour de la libération, celui du 14 janvier 2011 ? Quoiqu'il en soit, et même, dans l'ordre du discours politique ambiant, dans les professions de foi des uns ou dans les programmes électoraux des autres, les appels, Ô combien ! pressants, pourtant compréhensibles, d'un peu partout de notre Tunisie profonde, à une juste répartition de la richesse, vraisemblablement, ne seraient pas bien entendus, plutôt méconnus sinon délibérément occultés. Pareil que sur un terrain de football, pour un politicien, qui ne se prêterait pas au jeu, qui ne respecterait pas la règle du jeu … politique, à savoir parer au plus pressé, il écoperait aussitôt d'un carton jaune, pouvant bien présager d' un second carton, rouge cette fois, qui l'exclurait de la partie . En toute légitimité et à bon entendeur, salut.