DELARAM (Reuters) — Le message transmis par les officiers américains lors des rencontres avec les chefs de tribu afghans a subtilement évolué. Les forces alliées sont là pour aider, dit un colonel, "mais l'occasion est à saisir pendant une courte période de temps". L'officier qui s'exprime, George Amland, est le commandant en second de la base des "marines" de Delaram, une petite ville située à quelques kilomètres de la province de Helmand, place forte des talibans et de la culture de l'opium. Devant lui, assis jambes croisées sur le sol, les hommes l'écoutent et lui répondent. La "choura", l'assemblée des sages, a été organisée à l'intérieur du complexe militaire. "Bientôt, les forces internationales, les Américains et l'armée nationale afghane arriveront en plus grand nombre", explique le colonel Amland. "Ils fourniront, une fois de plus, l'occasion de choisir la voie que prendront les habitants de Delaram et votre communauté. Mais je dois aussi vous dire que l'occasion qui se présentera à vous ne sera là que pour une courte période de temps." Oubliées les "nous sommes là pour rester" qu'on entendait par le passé, depuis le début de la guerre engagée par les Etats-Unis en octobre 2001. C'est au printemps dernier que les "marines" ont installé leur base à la périphérie de Delaram, d'où ils lancent leurs opérations sur le nord de la province de Helmand et conduisent leurs patrouilles à l'intérieur de la ville. Le contingent des "marines" en Afghanistan va doubler. Plusieurs milliers sont déjà en train d'arriver dans le sud du pays dans le cadre de l'envoi de 30.000 hommes en renfort décidé par le gouvernement de Barack Obama, en plus des 110.000 soldats étrangers déjà déployés en Afghanistan, dont 70.000 Américains. Mais en annonçant cet effort supplémentaire, le Président américain a bien souligné que Washington commencerait à réduire son engagement dans 18 mois et que ses soldats ne resteraient pas dans le pays huit à neuf années de plus. C'est ce message que transmettent aujourd'hui les officiers américains. Discuter avec les talibans "Je veux juste que tout le monde sache que (...) les Américains finiront par s'en aller et que l'occasion ne se présentera plus. Vous devez choisir et nous sommes là pour vous aider", déclare le colonel Amland. Les Etats-Unis promettent que leur retrait ne se fera qu'"en fonction des circonstances" et s'accompagnera d'un transfert des tâches de sécurité aux forces afghanes. Evoquer un calendrier est une source d'inquiétude pour de nombreux Afghans, qui se félicitent d'une sécurité accrue mais conservent de gros doutes sur l'avenir. "Dans la ville, la sécurité est OK mais à deux kilomètres en dehors, le territoire appartient aux talibans", dit l'un des hommes présents à la choura. "On nous a déjà promis beaucoup de choses mais on n'a rien vu. Pas d'électricité, pas d'eau potable." L'orateur, qui ne souhaite pas dévoiler son identité par crainte de représailles des talibans, ajoute que lui, comme les autres fermiers, se remettront à cultiver l'opium à la prochaine saison parce que le gouvernement n'a pas tenu sa promesse d'offrir des récoltes alternatives. Les "marines" répondent qu'ils ont de l'argent à dépenser pour la région et plusieurs projets de développement dans leurs cartons. Mais Barilay, un commerçant de Delaram, se plaint que l'aide ne parvient pas à ceux qui en ont le plus besoin. "C'est bien que l'aide arrive. Mais elle n'atteint pas des gens comme moi. Elle va à ceux qui ont le pouvoir, ceux qui ont l'argent." Mohammad Khawas, un cambiste de rue âgé de 40 ans, concède que les choses s'améliorent à Delaram mais il juge qu'il n'y aura jamais la paix en Afghanistan sans implication des talibans, quel que soit le nombre de troupes envoyées. "Même avec trente mille hommes, même avec vingt fois plus, même avec l'ensemble des Etats-Unis, les combats ne donneront aucun résultat. La solution est de s'asseoir à la table des négociations avec les talibans."