Pour le Tunisien féru de lectures archéologiques, rien de tel à lui conseiller en ce moment que le beau-livre publié récemment sur la cité de Bulla Regia par Moheddine Chaouali, historien et archéologue, chargé de recherches à l'Institut National du Patrimoine de Tunis. Le séduisant ouvrage revisite un des sites archéologiques les moins connus de notre pays et fait la lumière sur ses origines, son évolution à travers les âges, sur les peuples qu'il a accueillis et les civilisations qui s'y sont succédé. L'auteur y effectue une passionnante remontée dans le temps à la découverte d'une résidence royale datant de l'époque numide. Une cité de princes et de chevaliers Située dans la moyenne vallée de la Medjerda (au nord de la ville de Jendouba), Bulla Regia était riche en sources de très bonne qualité et donnait lieu à de nombreux établissements balnéaires. Pour satisfaire la forte demande d'eau de ses habitants, la ville s'est par ailleurs dotée d'innombrables citernes, de puits et d'aqueducs. La zone où fut construite cette cité étant très fertile, on ne manqua pas dès l'antiquité de mettre en valeur le sol généreux de ce terroir. Moheddine Chaouali raconte aussi la vie politique, économique, sociale, juridique, culturelle de Bulla la Royale du temps des Numides, des Romains, des Vandales et des Byzantins et énumère ses multiples monuments dont on conserve en plus ou moins bon état quelques vestiges aujourd'hui. Tel un guide parfaitement renseigné, voire comme l'un de ses premiers occupants, l'auteur nous promène dans les rues de Bulla la Royale, entre ses maisons pour nous expliquer les secrets de leur conception et de leur organisation. La population de cette cité romano-africaine, estimée à quelques milliers d'habitants, était constituée de riches familles dont la fortune colossale fut amassée grâce à l'exploitation des richesses de la plaine. Sous l'empire romain, ces grandes maisons comptaient bien des chevaliers et des sénateurs parmi leurs membres. Mise en valeur et restaurations récentes La sauvegarde et la mise en valeur du site archéologique de Bulla Regia commença véritablement au XIXème siècle, selon l'auteur du livre, et ce grâce à plusieurs voyageurs et chercheurs dont en particulier le Docteur L. Caron, médecin militaire de formation. Longtemps après lui, et plus précisément entre 1958 et 1962, un certain Boulouednine dirigea de gros travaux de dégagement sur le site et déterra de nombreux bâtiments et une grande partie des rues de la ville antique. En 1972, une équipe d'archéologues tunisiens et européens, notamment français, y mena de nouvelles fouilles en vue d'étudier, de sauvegarder et de mettre en relief la cité. Très récemment, ajoute Moheddine Chaouali, on a engagé la restauration prudente de quelques uns de ses monuments. Et c'est tout un chapitre que l'auteur consacre justement aux meilleurs témoins de la grandeur de Bulla la Royale : de magnifiques images défilent alors dans cette partie centrale du livre pour nous faire admirer les thermes Memmiens, le fortin byzantin, les temples géminés, l'édifice de Diane, la maison du Trésor, celle du Paon, celle de la Pêche, la villa des mosaïques, les basiliques chrétiennes, l'Insula de la chasse, les thermes des Venanti, la source de la Nymphée, le forum, le capitole, le Temple d'Apollon, celui d'Isis, le marché, le Théâtre et d'autres endroits de la ville qui introduisent le lecteur-visiteur dans l'histoire et la vie intime de l'ensemble du site. L'impression d'être au centre d'un décor vivant, au cœur d'une cité non seulement familière mais comme contemporaine, c'est ce qu'on retient de mieux en se laissant entraîner dans cette traversée magique en compagnie d'un passionné d'histoire doublé d'un gardien dévoué de notre mémoire archéologique. « Bulla Regia, Bulla la Royale », de Moheddine Chaouali (actuel conservateur des sites archéologiques de Bulla Regia et de Chemtou) est écrit en français et en anglais. La traduction anglaise du texte de l'auteur est l'œuvre de Dalel Bourayou (universitaire).Quant aux photos qui illustrent cet ouvrage édité en mars 2010 chez Simpact, on les doit à Salah Jabeur.