L'EST rallie les suffrages par les résultats mais surtout par la séduction et un caractère bien trempé... C'est nantie d'une avance réconfortante que l'Espérance se déplacera à Om Dormane pour «achever» le travail entrepris vendredi. Cette Espérance multi-facette de par son aptitude à débuter en trombe pour ensuite gérer le rythme de la rencontre à sa guise; multi-carte aussi, vu la bonne négociation des échéances avec ce que cela comporte comme remise en question avant réaction. «L'espérance est le songe d'un homme éveillé» dixit Aristote. Elle charme et c'est l'adversaire qui sort en larmes. Unis dans leur détermination d'en découdre dès les premiers échanges, les «Sang et Or» ont fait une entrée fracassante, tout en donnant la priorité au jeu collectif. L'Espérance au révélateur soudanais, nous a paru pimpante, renversante, tout en procurant à ses fans un bonheur intense. Pas de plaisir sans douleur, sommes-nous tentés de dire. Il est vrai que l'adversaire n'est autre que l'un des mastodontes du football continental, réputé intraitable et composé de joueurs rompus au haut niveau, à l'instar de Stephane Worgu, Fayçal Ajab et autre Abdelkrim Nafti. Qu'à cela ne tienne. Au coup de sifflet final, c'est une corde de plus à l'arc de l'Espérance qui est à retenir, alors que cette même équipe frappe désormais aux portes de la phase de groupes. Aisance technique et déferlante offensive La furia «sang et or» monte en puissance. Après s'être donné des sueurs froides face aux East End Lions, la leçon fut retenue au tour suivant, en cartonnant l'ASFA Yennenga, à l'aller comme au retour, pour enfin s'élever au niveau d'un Merrikh du Soudan, submergé et bousculé par la détermination du représentant tunisien en Ligue des champions. Il faut avoir du coffre pour faire trembler les filets adverses à trois reprises, dès la demi-heure de jeu. Dans la ligne de mire d'une Espérance déchaînée, El Merrikh est tombé, ne réagissant qu'après la pause, mais les carottes étaient déjà cuites...Durant plus de 30' de jeu, El Merrikh était quelque peu foudroyé par les enchaînements et l'aisance collective de l'EST. Une Espérance qui a séduit le public tout en proposant un football léché via une formation athlétique, courageuse et rigoureuse. La circulation fluide de la balle, la monopolisation du cuir et autres tours de passe-passe et dribbles chaloupés de Youssef Msakni, c'est comme si ce garçon cherchait à nouer des liens de complicité avec le ballon, dans la pure tradition du football méditerranéen, et au grand bonheur d'une assistance confortée sur le registre de ce diamant brut appelé à vivre de très belles choses durant sa carrière. C'est aussi ça l'Espérance. Elle rallie les suffrages par les résultats mais surtout par la séduction, la passion ravivée grâce en partie à l'étourdissant talent de ces jeunes. Bien avant le début des débats, et à la lecture de la feuille de match, on a remarqué qu'il n'y avait aucun attaquant sur le banc de l'EST. Vu le tout offensif prôné par le staff technique "sang et or" ( cinq joueurs à tempérament offensif alignés d'entrée), on n'est pas étonné outre mesure par la déferlante offensive du début de rencontre. Le staff technique a orienté son équipe « au feeling », et a globalement vu juste. Un dispositif en 4-1-2-3 avec un seul pivot, Korbi, associé à une armada d'assaillants ( au nombre de cinq), en plus de deux latéraux volants qui ne rechignent pas à la tâche, tout en se transformant en finisseur tantôt (à l'instar de Ben Amor). Les combinaisons Darragi-Ayari-Bouazzi, le placement intelligent de Michael, la bonne lecture du jeu de Msakni, les appels et contre-appels incessants dans les intervalles, le jeu en mouvement, l'abattage, les permutations et le pressing de zone adopté, toutes ces variantes ont fait qu'El Merrikh a été tenu en respect. La cerise sur le gâteau n'a été que cette maîtrise technique propre au désormais stratège de l'équipe, en l'occurrence, Youssef Msakni. Temporisateur et régulateur du jeu des siens, le régisseur de l'équipe a donné le tempo, écarté le jeu tantôt, fait prévaloir sa vista, ses coups de reins et son aisance dans le jeu. Sans pour autant être « Msakni-dépendant », l'Espérance carbure au rythme de son jeune playmaker. Gestion du temps et de l'adversaire Avec trois buts d'avance au compteur, le péché mignon a été de mettre la pédale douce, se replier quelque peu. Quoi de plus naturel, quand on sait qu'un but à l'extérieur, aurait remis en selle un adversaire venu avec l'idée de marquer ce fameux but qui compte double, comme nous l'a affirmé Stephane Worgu en fin de rencontre. C'est justement là que les choix tactiques ont été payants. Tout d'abord, incorporer un pivot supplémentaire, Roger, et ce en vue de saper les manœuvres offensives de Nafti et bloquer les «rushs» des médians adverses. L'EST repique vers un 4-4-2 classique alors que la chaude alerte survenue à l'heure de jeu (double tir sur le poteau à l'actif de Worgu et Abdallah) a rendu l'option sécuritaire de fin de match inéluctable pour le représentant tunisien. Un troisième milieu récupérateur est incorporé, soit Souissi, et l'EST, en bon gestionnaire, achève la rencontre avec une avance de trois buts au tableau d'affichage. Souissi l'explique d'ailleurs en ces termes: «On savait que leur défense était prenable et on a agit en conséquence. Vers la fin, on a tout fait pour éviter un retour de manivelle adverse et ç'est d'ailleurs là que pourrait se jouer la qualification au match retour. Ne pas encaisser de buts peut s'avérer payant à terme, sans oublier que le rythme infernal auquel nous sommes soumis depuis quelque temps, a pesé sur les jambes vers la fin ». Des propos empreints de lucidité et confirmés par Syam Ben Youssef: «On a résisté vers la fin bien que l'adversaire s'était porté corps et âme vers l'avant. Les échéances se succèdent à un rythme endiablé et il était primordial pour nous d'assurer l'essentiel ». El Merrikh, un géant aux pieds d'argile ? Un «feed back» est plus que d'actualité pour les Soudanais, suite à ce waterloo face à l'EST. Tétanisés par l'enjeu? Nous en doutons, vu le métier des Soudanais et leur expérience consommée du haut niveau. Ont-ils mésestimé l'EST et tout miser sur le match retour? Là aussi, c'est peu probable mais force est de constater qu'à Om Dormane, les Soudanais évolueront différemment. Pris à la gorge dès le début de la rencontre, El Merrikh a évolué en 4-4-2 pour glisser vers un 4-5-1 en situation de repli. Abdekrim Nafti en tant qu'inter droit, l'attaquant Stephane Worgu, en tant qu'électron libre et Abdallah sur le couloir gauche, ont quelque peu titillé l'Espérance en début de rencontre, sans pour autant trouver la profondeur dans le jeu recherché. A l'exception des trois joueurs précités, le reste de l'équipe était composé de défenseurs et de récupérateurs. Des lignes espacées et un pressing adverse permanent n'ont pas manqué de priver les Soudanais de ballon, alors que le travail de sape de Korbi a rendu, par moments, toute construction adverse aléatoire. Il a fallu que l'EST triple la mise, pour qu'au retour des vestiaires, nous découvrîmes le vrai jeu d'El Merrikh, fait de passes courtes et d'enchaînements collectifs assez huilés. Toutefois, la messe était dite. «First come, first served», l'Espérance a pris option assez tôt, pour ensuite piloter le reste de la rencontre, en bon gestionnaire.