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On ne peut revendiquer l'interdit avant d'être libre !
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 04 - 2012


Par Kahena ABBES
C'est étrange , mais nous avons commencé par limiter la liberté avant de la définir ou de la vivre pleinement .
Nous avons entamé des discussions, évoqué des controverses, soulevé des polémiques, au point que certains avocats ont saisi la justice, pour revendiquer l'interdit (affaire Nessma suite à la projection du film Persepolis) et ceci avant de déterminer ce qui est permis, admis et accepté socialement.
Pourtant, sur tous les plateaux télé, et dans les médias, deux termes n'ont pas cessé de faire l'objet de toutes les discussions, qui sont : libertés individuelles et publiques, sauf qu'ils ont été vidés de leurs sens idéologiques, sociologiques, philosophiques, et même juridiques, au cours de cette phase de reconstruction.
Force est de constater à quel point la liberté nous fait peur, car depuis longtemps, dans nos rues, comme dans nos quartiers, au sein de nos familles, cette notion ne semble pas intégrer notre échelle des valeurs, et acquiert souvent une connotation péjorative, puisqu'elle renvoie à un comportement marginal, immoral, irresponsable, en menaçant l'autorité et l'ordre établi.
Trés tôt, dans nos écoles et institutions, on marginalise souvent toute aptitude à la créativité et à l'originalité, lorsqu'elle émane d'un élève, étudiant, artiste, artisan, chercheur, intellectuel ou de tout autre acteur osant réfléchir en dehors du cadre socio-politique permis, pour remettre en question les interêts de la classe dominante, en l'occurence le pouvoir, afin de proposer une autre manière de réfléchir, en adoptant d'autres modalités d'être et d'agir.
Nous n'avons aucune reconnaissance de l'intelligentsia, souvent récupérée par le pouvoir en place, afin de l'appuyer.
Car elle était condamnée par la dictature, soit à l'exil soit à la marginalisation ,en refusant une telle alliance.
Et c'est ainsi que nous n'avons pas pu avoir une élite capable d'instituer une école de pensée, des valeurs, une esthétique qui lui est propre , mais plutôt une élite souvent aliénée, soit à la culture occidentale, soit au patrimoine arabo-musulman ( mises à part quelques exceptions ).
Tout converge donc vers le pouvoir politique, vers le sommet, qui a le monopole de décider, diffuser, ou censurer, tout projet entrepris par des acteurs sociaux dans n'importe quel domaine.
La politique n'avait pas pour mission de garantir les libertés, mais d'envahir l'espace public, en usant de la force et de la terreur.
Voilà pourquoi, à notre avis, notre société a dû subir une dictature de plus d'un demi-siècle car toutes les forces sociales ont été confisquées puis canalisées pour réaliser un seul but, soutenir le pouvoir politique en place, chargé de tout faire, tout entreprendre, tout gérer, tout réfléchir, tout assumer.
Aujourdh'ui encore, certains pensent que la liberté est une valeur étrangère à notre culture, nos mœurs, et la perçoivent comme étant le signe d'une acculturation, d' un mimétisme inquiétant.
D'après leur opinion, l'individu n'a pas le droit d'exister en tant que tel, sans se référer à d'autres groupes : familles, villages, quartiers, Etat, communauté etc…
Le discours véhiculé, soit par les médias, soit par les intellectuels bien qu'il revendique la liberté, ne la conçoit pas, pourtant, comme une valeur génératrice d'honnêteté, de créativité, de progrès, d'épanouissement, d'authenticité, ni sur le plan individuel, ni sur le plan collectif.
Plus grave encore, des voix s'élèvent, parmi les avocats et les universitaires pour dire qu'il faut limiter la liberté d'expression en avançant des justifications multiples et souvent très confuses, sans distinction quant à la nature et au domaine de son exercice : artistique, politique, virtuel, scientifique, sociale ou autres.
Car la liberté d'expression n'obéit pas aux mêmes normes, selon son domaine d'intervention.
Dans le domaine artistique par exemple, il serait insensé de limiter la liberté d'expression aux symboles sacrés ou aux valeurs communes d'une société.
Une telle limitation serait contraire à la nature de l'art, qui n'est nullement conformiste et requiert parfois un caractère subversif pour interroger, innover et même trangresser ces valeurs communes ou considérées comme telles.
Par contre, les libertés individuelles sont appelées à obéir à une éthique, aux valeurs partagées par la société, parce qu'elles s'exercent dans l'espace public.
Quant aux libertés publiques, elles sont soumises à une organisation institutionnelle et juridique, et ceci afin d'éviter qu'elles n'aboutissent au désordre, et à la violence.
La révolution du 14 janvier a-t-elle provoqué une rupture avec cet héritage socio-culturel , pour permettre à la société de progresser et d'intégrer la liberté comme une valeur essentielle ?
Le discours identitaire , et les manifestations qui ont eu lieu suite à la projection du film Persepolis par la chaîne Nessma, témoignent d'une grande résistance à l'achèvement d'une telle rupture et même d'une régression des libertés.
Ils exprimaient la volonté de limiter toute liberté et de la soumettre aux symboles sacrés, aux exigences identitaires et à une certaine lecture religieuse, afin d'instituer une nouvelle censure.
Le problème est donc d'ordre politique, puisque ces revendications émanaient du courant salafiste, et ont eu lieu quelques jours avant les élections de la Constituante et visaient en premier lieu à réduire non seulement la liberté d'expression dans le domaine artistique, mais celle du culte, et d'anéantir tout droit à la difference et tout individualisme.
Selon cette vision, nous devons tous avoir la même identité, la même histoire, les mêmes valeurs et les mêmes croyances, ce qui préparera le terrain à ce que nous soyons gouvernés par un parti unique, selon une seule idéologie, pour adhérer à un seul projet , une seule utopie.
Car la négation de tout droit à la différence aura pour conséquence d'anéantir toute tentative d'opposition, de contestation, tout progrès, ainsi que toute créativité.
Ne l'oublions pas, c'est grâce à la liberté d'expression, que la chute de l'ancien régime a eu lieu, et qu'il y a eu multipartisme, des élections libres et transparentes pour former une Constituante .
Il s'agit donc d'un acquis majeur de la Révolution, qui a libéré le pays de la terreur et de l'injustice, a fait ressurgir, tout d'un coup, ses maux, ses problèmes, ses élites, en bouleversant notre propre perception du réel.
Cette liberté a été arrachée par le sang des martyrs, elle nous a poussé à vouloir reconstruire les institutions de l'Etat et remettre en question certaines valeurs sociales, et a été obtenue au prix de beaucoup de sacrifices , d'ordre économique, sécuritaire, sociale et autres.
La confisquer, au profit d'une minorité ,qui prétend définir l'identité du peuple tunisien ou la limiter pour maintenir une élite au pouvoir, signifie la victoire d'une contre-révolution.
Concernant la question identitaire, faut-il préciser qu'il suffirait de revoir la Moukadima d'Ibn Khaldoun pour constater que l'Islam a pu adopter plusieurs civilisations, plusieurs identités de plusieurs peuples (persans, turcs ou autres) par l'universalité de ses préceptes.
Qu'il fallait concilier aujourdh'ui , plus que jamais,être Tunisien, être moderne, et être musulman, pour ne pas assassiner la liberté.
Et, surtout, prendre conscience que toute négation de l'altérité et de la différence, de la liberté de culte et de la pensée aboutit nécessairement à la violence .
Les derniers événements :l'agression du journaliste Zied Krichen et de l'universitaire Hamadi Rdiss, par les salafistes en date du 23 janvier , suite à l'audience du procès de Nessma, au Tribunal de première instance de Tunis, le confirment.
Des milliers de manifestants se sont regroupés ,samedi 28 janvier, pour dénoncer l'extrémisme religieux et la violence et trancher dénitivement la problématique de la violence politique.
Car, ne l'oublions pas , il y a des mois, suite à la projection du documentaire de Nadia El Feni intitulé Ni Allah ni maître et le film Persepolis, certains hommes politiques, intellectuels, journalistes et artistes ont justifié la violence des salafistes , en soutenant que leurs projections constituent une provocation, que la phase transitoire que connaît le pays ne permet pas de telles dérives.
Serions-nous en train de vivre une rupture progressive avec notre concept de la liberté et de l'interdit ?
Seul l'avenir nous réserve la réponse.
Probablement, à l'occasion des prochaines discussions qui auront lieu au sein de l'Assemblée constituante pour débattre de la question identitaire et des libertés.
(Avocate)


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