Par Khaled TEBOURBI Lassés, en fin de compte, de ces attaques montées de toutes pièces contre nos confrères de la télévision et de la radio nationales. On sait maintenant qui les mène et d'où elles proviennent. Secret de polichinelle. On sait de quoi elles retournent. On sait, surtout, qu'elles ne riment à rien. La profession passe outre. Quant aux sondages d'opinion, ils disent bien que plus des deux tiers de nos compatriotes sont satisfaits de la prestation de leur audiovisuel public. Alors pourquoi? Pourquoi ces attaques reprennent-elles, avec la même insistance, la même arrogance? Une seule explication, on n'en voit pas d'autres : tout ce beau monde de «sit ineurs» et de «commanditaires» n'a plus conscience de ce qu'il fait. Il n'a plus conscience, en agissant de la sorte, ni du dommage qu'il cause au pays ni des risques qu'il encourt lui-même. Où avaient-ils la tête? Trois choses : A-t-on, d'abord, idée de ce que cette «campagne» nous coûte aux yeux de nos amis et de nos partenaires? Au regard de pays qui ont applaudi à notre révolution démocratique, qui nous ont promis aide et soutien, et qui nous surprennent, aujourd'hui, en train de dénoncer l'indépendance et la liberté de la presse? Ce discrédit se paye «cash». On en subit déjà les contre-coups. A-t-on idée, ensuite, de l'absurdité, on allait dire du ridicule, des slogans brandis? «Alignement des médias publics sur la politique du gouvernement», «au nom du peuple» et des «droits du contribuable», etc... Mais soumettre les médias publics au bon désir du gouvernement, n'est-ce pas, précisément, ce qui était reproché aux médias de Bourguiba et de Ben Ali? Où avaient-ils la tête, ces manifestants, quand ils ont investi les locaux de la télévision et de la radio nationales, injuriant et agressant des journalistes qui ne faisaient, à vrai dire, qu'obtempérer à leurs anciennes et chères revendication? Avaient-ils la nostalgie de leurs anciens bourreaux? Rêvaient-ils de prendre la place? Et ces politiciens qui «tirent les ficelles», qui «attisent le feu», qui «fomentent la discorde», ont-ils, pour leur part, idée des conséquences de leurs «subtiles combines? On va leur rappeler le schéma : ce serait la confiscation du pouvoir, l'Etat autoritaire, ce serait le parti unique, ce serait la présidence à vie, puis l'oligarchie, puis le soulèvement, la répression, l'autre révolution. Ce serait, enfin, la fuite (exactement comme pour Ben Ali) en ayant laissé derrière soi pauvreté, misère et dénuement. Voilà ce que seraient les conséquences de s'être attaqué à l'indépendance et à la liberté de la presse. D'avoir voulu casser l'un des piliers de la démocratie. «Le tapis de sous les pieds» Lassés, avons-nous dit, de ces attaques contre nos confrères de l'audio-visuel public. Décontenancés, plutôt, par la courte vue de ceux qui nous gouvernent, par la crédulité, de ceux parmi nos concitoyens qui les suivent sans se poser de questions. On s'interrogeait l'autre jour, entre collègues, sur les raisons qui font que l'on parle beaucoup plus de la chute des dictatures que de ce qui y a conduit. Réponse unanime: nos peuples, autant que nos élites, ne savent pas leçon tirer des erreurs passées. Naïveté chronique, historique. Les Tunisiens ont marché les yeux fermés dans le Jihad el akbar de Bourguiba. Ils ont plongé tête baissée dans le «Tahaoual el moubarek» de Ben Ali. On en voit, là, et de bien nombreux, qui montrent une égale candeur (énième naïveté) à défendre «l'Etat censeur» contre la parole libre. Qui s'ôtent, à nouveau, «le tapis de sous les pieds». Adieu l'ami ! C'était, dans sa jeunesse, un très grand sportif ; s'il n'avait choisi (et il eut raison) de se consacrer à ses études, puis à sa brillante carrière d'interprète international, il aurait été sûrement le gardien le plus capé de l'histoire du handball tunisien. Les spécialistes le reconnaissent encore, quarante ans après . C'était, aussi, un fin mélomane, passionné de musique arabe, féru de toutes les musiques du monde, à la fois poète et érudit. Ce fut, surtout, pour nous, ses compagnons de la génération des années 60-70, un ami fidèle, un allié sûr dans toutes les épreuves, et il y en eut bien à cette époque où s'engageaient déjà les luttes pour les libertés et les droits citoyens. Un homme d'une loyauté et d'une droiture, d'un rapport franc, toujours souriant, et d'une ouverture d'esprit dont nous mesurons l'énorme perte maintenant qu'il nous a quittés. Mourad Boularès a tiré sa révérence lundi dernier à Paris, après avoir livré un long combat au mal fatal qu'il se faisait un devoir de nous dissimuler. Nous le saluons. Nous ne nous en consolerons guère.