La première soirée de projection des films de la compétition du 27e Fifak (Festival international du film amateur de Kélibia) s'est déroulée, avant-hier, devant un public très nombreux. L'affluence était telle au théâtre de plein air de la Maison du peuple de Kélibia qu'une bonne partie des spectateurs restés dehors ont usé de force et de bombes à gaz voulant coûte que coûte pénétrer dans les lieux. Ce qui a causé une brève interruption de la projection et une courte panique rapidement contenue par les organisateurs qui, perspicaces, ont aussitôt calmé les esprits en ouvrant les portes du théâtre à tous. Mais il faut le dire, il est inadmissible que des jeunes soient en possession de bombes à gaz et en usent pour pénétrer de force dans un espace culturel. Parlons maintenant cinéma. La première partie de la soirée, fort mitigée, a été consacrée à la compétition internationale où 6 films sur les 31 prévus dans cette section ont été projetés. Hélas, un seul film sort du lot et il s'agit encore et toujours du cinéma iranien : Oyan de Esmaël Monsef. L'espoir que suscitent les lettres que distribue Oyan, le facteur, dans le cœur des habitants d'un village est l'enjeu de cet opus : vrai ou faux espoir ? Car, au fait, qui expédie les lettres que reçoit une jeune femme dans l'attente de son mari présent-absent, parti on ne sait où ? Ruisselant d'humanité, Oyan vaut par la qualité de l'écriture cinématographique, sa sobriété, la force du filmage, la beauté des plans et des images et la justesse du jeu. Le film est porteur d'une sage philosophie, si l'on puit dire, face à la dureté et aux souffrances de la vie, seul l'espoir fait vivre, alors transmettons-le tant qu'on peut. Pour le reste du lot : La cave, film d'école tunisien (Esac) de Khaled Hafi, se distingue par l'idée assez originale et intéressante qui le sous-tend : un jeune homme sombre dans le sommeil au début de la révolution après avoir reçu un coup de bâton. Un an après, voilà qu'il se réveille, mais la Tunisie a drôlement changé. Mais l'idée est-elle suffisante pour aboutir à un résultat probant et convaincant ? Visiblement non. Cela tant le film se décline à l'écran tel un «Draft» ou un brouillon à tous les niveaux : écriture cinématographique, traitement filmique, décors, jeu et nous en passons. Et l'on reste d'autant plus coi que le générique-fin révèle la liste des encadreurs, Abdellatif Ben Ammar, Ibrahim Letaïef, Dorra Bouchoucha qui sont des professionnels, confirmés chacun dans son domaine. Etonnant qu'ils aient laissé passer tout ça. Non? Le cinéma de quartier de Dakar à l'affiche Cold Jan de Mohamed Ramadan est le type même du film égyptien bavard et grandiloquent qui remet encore une fois la révolution sur le tapis. Ouaga-mélodie d'Uriel Jaouen Zarehe, une production burkinabée-française, met en scène la relation entre un musicien noir et handicapé et une voleuse européenne blanche dans les marchés de Ouagadougou. Un film gentil sans plus. Enfin, Ceci n'est pas l'histoire de Zahra de la Libanaise Hiba Attalla se veut décalé, loufoque et diverstissant en se focalisant sur quatre femmes d'une même famille qui participent à un concours de «la meilleure fleur». Mais la fleur a disparu, qui l'a volé ? On peut se passer de savoir qui est le voleur car il s'agit d'un exercice de style où la réalisatrice semble s'amuser plus que les spectateurs. La deuxième partie de la soirée a été meublée par un spécial «cinéma de quartier de Dakar» où 4 courts métrages sénégalais, sélectionnés pour le 1er Festival du film de banlieue, ont été projetés : Seni, Bijou, Molly et Le 10.000. Une sélection qui consacre une passion militante pour le cinéma dans la banlieue de Dakar et à travers l'initiation de jeunes à l'art cinématographique. Des films qui racontent les difficultés que vivent les jeunes Sénégalais en banlieue : la misère, le chômage, la délinquance, la drogue, etc. Ces opus réalisés par des jeunes qui n'ont jamais touché une caméra auparavant représentent un vrai cri du cœur. Plutôt qu'un souci de maîtrise de l'art cinématographique, un premier essai à encourager. Baba Diop, journaliste et critique de cinéma, a évoqué cette expérience des plus judicieuses et profitables à ces jeunes qui auront, ainsi, réalisé leur rêve : faire du cinéma.