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Rompre avec l'économie de rente, de privilèges et de proximité du pouvoir
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 13 - 10 - 2012


Par Ridha MEDDEB*
Dans une réunion récente et informelle avec des journalistes, le Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie dresse un tableau réaliste de la situation de l'économie, de ses déséquilibres actuels et laisse transparaître la nécessité d'un tour de vis sur le plan du crédit, du niveau du taux d'intérêt et des facilités d'importation.
Un tel discours de réalisme et de responsabilité est tout à l'honneur du gouverneur et a le mérite de replacer l'économie au centre de nos débats, ce qui, malheureusement n'a pas été le cas au cours des derniers mois alors même que l'accès au travail et le désenclavement de nos régions étaient au cœur des revendications de ceux qui ont fait la révolution. Ce discours ne devrait pour autant, en aucun cas être perçu de manière fataliste ou défaitiste. Il devrait être l'occasion de mobiliser toutes les énergies positives en s'inscrivant dans une vision de relance et de reconquête. L'entreprise et plus particulièrement celle compétitive, exportatrice, innovante, ouverte et capable d'attirer les capitaux étrangers devrait être au cœur d'une telle vision. Les distorsions qu'un tel tour de vis ne manquera pas de générer, devraient être anticipées et des parades identifiées afin que la rigueur ne soit pas l'occasion, comme par le passé, de création de situations de rente et de leur détournement au profit d'une infime minorité.
Dans ce qui suit, je voudrais retenir quelques extraits de ce qui en a été rapporté, pour les commenter :
1. A la déclaration du Gouverneur : «On nous reproche le manque de réformes bancaires, mais la mission de la BCT, c'est la stabilité des prix et elle est tout au plus un superviseur et régulateur des banques», je suis tenté de poser la question : A qui revient alors le contrôle et le suivi des Banques en Tunisie ? L'organigramme de la BCT, consultable sur son site officiel indique l'existence d'une Direction générale de la supervision bancaire. Le même site donne la structure du secteur bancaire et organismes spécialisés et place le tout sous l'unique responsabilité de la BCT.
Le même site de la Banque centrale rappelle enfin sa mission générale, celle de préserver la stabilité des prix.
A cet effet, elle est chargée notamment :
- de veiller sur la politique monétaire ;
- de contrôler la circulation monétaire et de veiller au bon fonctionnement des systèmes de paiement et garantir sa stabilité, sa solidité, son efficacité ainsi que sa sécurité;
- de superviser les établissements de crédit ;
- de préserver la stabilité et la sécurité du système financier.
L'interrogation du Gouverneur n'en est pas moins pertinente. Elle pose le problème de la nécessaire évolution des structures de contrôle et de supervision du système financier.
Aujourd'hui, pas moins de trois structures exercent, sans concertation institutionnalisée, cette responsabilité : la Banque centrale pour les établissements de crédit et les organismes spécialisés, le Conseil des marchés financiers pour la Bourse des valeurs mobilières et les fonds d'investissement et enfin le Conseil général des assurances pour les compagnies d'assurances. Une quatrième qui aurait la charge de superviser les institutions de micro-finance devrait voir le jour dans les semaines à venir (je rappelle au passage que le calendrier pour le lancement effectif de ces institutions importantes pour la création de microentreprises et donc pour l'emploi a pris beaucoup de retard). A la différence des deux premiers, ce dernier organisme dépendra du ministère des Finances.
Ne serait-il pas temps de soustraire la supervision des établissements de crédit à la Banque centrale et de la confier, ainsi que le contrôle et la supervision de l'ensemble du secteur financier à une même autorité indépendante, à l'image de ce qui se pratique dans les pays développés, d'autant plus que la centrale des risques devra être unique, sinon, elle perdrait sa raison d'être ?
Croissance et inflation
2. Est-il raisonnable de continuer à circonscrire le rôle de la Banque centrale à «la seule mission de la maîtrise de l'inflation» ? Cette conception très limitative, défendue par les institutions de Bretton Woods, traduit en fait la prééminence des monétaristes et de l'Ecole de Chicago. Elle s'applique surtout aux autres mais pas à ceux qui l'ont conçue (Les Etats-Unis). La Réserve fédérale aux Etats –Unis d'Amérique est l'une des rares banques centrales à avoir explicitement dans son mandat le soutien de l'activité économique. Elle n'hésite pas à racheter les créances des banques, mais aussi celles de l'Etat fédéral quand le péril est en la demeure. Le Président Obama n'avait-il pas déclaré à cet effet, fin 2008, que quand la maison brûle, il est essentiel d'éteindre d'abord l'incendie et, très accessoire, de se soucier de l'état des fondations.
Sans prôner un quelconque laxisme monétaire, l'arbitrage devrait-il être fait aujourd'hui, entre croissance et inflation, pire encore, privilégier la lutte contre l'inflation face à la croissance? Contrainte par ses statuts actuels, la Banque centrale pourrait s'y résoudre. La question n'est pas technique. Elle est éminemment politique. Seul l'investissement, et plus particulièrement celui de l'entreprise privée, est de nature à créer de l'emploi, et c'est là l'impératif premier aujourd'hui en Tunisie, tant sur le plan économique, que politique et social. Il ne faudrait donc en aucun cas que l'entreprise privée, les acquéreurs de logements, les professions libérales, les jeunes promoteurs souffrent de l'absence de liquidités. Certes, il faut, en concertation avec le gouvernement, restreindre le crédit à la consommation, rationner les importations inutiles, quitte à revenir aux mesures conservatoires et de sauvegarde prévues par l'OMC, telles que le rétablissement des droits de douane sur certains produits de luxe ou de consommation, ou ceux ayant un équivalent produit localement. Mais là aussi, il faudra faire preuve de beaucoup de discernement, car le Tunisien est très lourdement endetté, au-delà de ce que les chiffres officiels nous disent. L'essentiel de l'endettement est informel, auprès de l'épicier du coin, du boucher, du pharmacien, du parent et du collègue au travail. Il est aussi le fait de l'achat à tempérament de biens de consommation durable (électroménager,...) et sa revente immédiate et à perte sur les multiples marchés parallèles, avec comme seul objectif de se faire de la trésorerie. Cet endettement échappe largement à l'outil statistique.
La seule action sur le taux d'intérêt est insuffisante. Ce ne sont pas quelques quarts de points de taux d'intérêt qui apaiseront les appétits des spéculateurs ou des circuits d'importation informels. Ces remèdes homéopathiques sont inopérants face à ce mal ravageur. Le rétablissement des réserves obligatoires est inadapté dans la conjoncture actuelle où les banques sont dans l'irrespect total de leurs ratios de trésorerie et de solvabilité. Les circuits parallèles et l'économie informelle et leurs acteurs puissants sont à l'affût d'éventuelles mesures de rationnement. Leur capacité à corrompre et à contourner la loi était déjà grande avant la Révolution. Depuis, elle s'est démocratisée et épanouie. Des mesures de rationnement insuffisamment accompagnées leur donneraient une occasion en or pour créer de nouvelles situations de rente. Les autorités économiques et monétaires devraient s'y préparer et adapter l'arsenal juridique et réglementaire pour contrecarrer ces velléités mafieuses. A quand l'interdiction de paiement en liquide des transactions de plus de mille dinars ? A quand l'abolition du système du FCR, devenu une véritable industrie et le principal pourvoyeur du marché en voitures de grosses cylindrées au détriment des caisses de l'Etat et du niveau des remises migratoires? A quand l'interdiction stricte et son application intransigeante du trafic transfrontalier en matière d'hydrocarbures et de produits de contrebande ?
3. Les réserves en devises s'amenuisent fortement, revenant à moins de 10 milliards de dinars et 96 jours d'importations, le 26 septembre 2012, contre respectivement 13 milliards de dinars ou 147 jours d'importations et 10.5 milliards ou 113 jours au terme des années 2010 et 2011.
«Là aussi, on est handicapé par l'exportation. Les espoirs d'augmenter nos exportations vers l'Europe sont réduits et le Tunisien n'est pas spécialement habitué à exporter vers d'autres destinations que l'Europe», constate le gouverneur de la BCT.
Climat d'instabilité
En réalité, avant que le marché européen et sa mollesse actuelle ne soient l'obstacle majeur face à nos exportations, c'est d'abord au niveau de la production que le bât blesse. A titre d'exemple, la production des phosphates et dérivés est toujours à moins de 50% de son niveau de 2010 et la Compagnie des Phosphates de Gafsa n'envisage pas un retour à plus de 75% du niveau de 2010 avant l'horizon 2016 ! Bien d'autres secteurs orientés vers l'exportation sont durement frappés par le climat d'insécurité, d'agitation sociale et d'instabilité institutionnelle qui sévit dans le pays. Le ministre du Tourisme n'a-t-il pas déclaré, cette semaine, que la saison 2013 risque d'être désastreuse si les élections législatives ne sont pas tenues d'ici là !
Dans sa même intervention le gouverneur annonce que la BCT va intervenir à deux niveaux : les crédits à la consommation et le change. Les mesures suggérées en matière de change, à savoir la suspension des paiements des importations par la trésorerie en devises des banques et l'obligation à faire aux opérateurs économiques de recourir en premier lieu à leurs propres comptes spéciaux est certes logique, mais elle risque de se révéler strictement insuffisante. Le déséquilibre de la balance commerciale atteint des niveaux tels qu'il sera difficile de s'en accommoder sans réduction drastique des importations non essentielles, des allocations annuelles de voyage et plus encore sans révision du taux de change du dinar. Ces mesures sont impopulaires. Elles risquent d'être inéluctables dans un délai très court. Elles doivent être accompagnées d'une véritable relance au niveau de l'entreprise, avec plus de souplesse en faveur des opérateurs économiques et plus particulièrement ceux dont le bilan en devises est positif. L'instauration de telles mesures doit être un signal fort non pas du rétablissement d'un quelconque autoritarisme administratif, mais celui de la rupture avec un capitalisme de rente, de privilèges et de proximité du pouvoir, et de l'encouragement de l'initiative privée créatrice de valeur et d'emplois..
Réformes structurelle
Aujourd'hui, la situation du secteur financier est plus que difficile. Ses créances irrécouvrables s'amoncellent. Ses fonds propres sont inadéquats. Sa culture de l'évaluation du risque est faible. Sa gouvernance est mauvaise. Ses systèmes d'information sont inadaptés. Ses ressources humaines sont souvent insuffisantes et la maîtrise de ses processus de production est décalée par rapport aux défis de l'heure. Nous sommes encore loin des exigences de Bâle II ou de Solvency II, quand le monde va déjà au-delà de Bâle III. Le temps des discours démagogiques balayant d'un revers de main le diagnostic cinglant des agences de notation au motif que la Tunisie ne projette pas d'émettre sur les marchés (grâce aux financements et garanties multilatérales et bilatérales notamment américaines que les événements tragiques du 14 septembre auraient pu remettre en cause) est révolu. Des réformes structurelles profondes doivent être engagées dans l'urgence, en même temps que des actions à court terme doivent continuer à être menées pour préserver le secteur, mais également l'ensemble de l'économie, de la propagation d'un éventuel risque systémique qui mettrait à mal le pays. Un traitement chirurgical de l'endettement du secteur touristique doit être engagé sans délai. Le relèvement du taux directeur est obligatoire. Il doit atteindre, non pas le taux du marché monétaire (autour de 4%), mais se situer au-delà de celui de l'inflation, plus proche de 6%. Cette inflation a été diagnostiquée comme structurelle dans une étude récente de la Banque africaine de développement. Elle risque même de s'approfondir avec les relèvements inéluctables des prix à la consommation des matières premières agricoles et des hydrocarbures, que la Caisse générale de compensation ne peut plus supporter. Faute d'un tel relèvement des taux, l'épargnant n'a aucune raison de retrouver le chemin de la confiance et l'épargne de reprendre celui des banques et de rompre avec les retraits massifs que l'on connaît depuis début 2011.
C'est donc dans une véritable vision du développement économique et social que doivent s'insérer les mesures techniques inéluctables que commande la situation. La restauration du crédit de l'entreprise, sa mise au cœur des préoccupations de nos gouvernants, mais aussi l'identification et l'adoption d'une feuille de route politique consensuelle sont les impératifs de l'heure pour que le pays, ses opérateurs et ses partenaires retrouvent le chemin de la confiance et le goût de la prise de risque. Sans un tel cadre global et inclusif, la pilule risque d'avoir un goût bien amer faisant voler en éclats la cohésion sociale et la solidarité nationale.
*(Président-fondateur de l'Association : «Action et Développement Solidaire»)


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