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Message : la torture, plus jamais ça ! Le ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle se transforme en un musée subversif et une prison d'antan
Musique de fond, décor carcéral et des scènes de torture bien jouées par les acteurs du Théâtre national, de quoi mettre en larmes le chef du gouvernement et d'autres personnes présentes C'est une grande mise en scène qu'a connue, hier, le ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle : salles, couloirs et halls ont été, en effet, transformés en un musée subversif et réactif aux environnements artistiques les plus audacieux, notamment le théâtre et le cinéma. Le tout puisé dans les archives personnelles de personnes emprisonnées et torturées sous l'ancien régime durant de longues périodes à cause de leurs idées et orientations politiques. Initiative dudit ministère et idée personnelle du ministre, Samir Dilou, inspirée des musées d'art moderne qu'il a visités, la transformation du ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle en une prison a été réalisée avec la collaboration du Théâtre national et du Centre national des arts de la marionnette. Quelque soixante-dix acteurs ont participé à ce travail incarnant des personnages de prisonniers, d'agents et médecins pénitentiaires, et autres acteurs dans les prisons. Plusieurs associations et organisations ont participé à ce travail qui se veut un message de sensibilisation contre la torture et l'emprisonnement à cause des idées et orientations politiques ou idéologiques. Ont assisté à cette mise en scène, des ambassadeurs comme ceux de Suisse, d'Egypte, du Yémen et de Mauritanie, ainsi que des ministres comme Mehdi Mabrouk, ministre de la Culture, Mongi Marzouk, ministre des Technologies de l'information et de la communication, Mamia Elbanna, ministre de l'Environnement, ainsi que des chefs de cabinet. De même, parmi les assistants on a vu l'ancien ministre de Bourguiba et syndicaliste, Mustapha Filali, l'ex-super ministre de Bourguiba et fondateur du Mouvement de l'unité populaire, Ahmed Ben Salah, président de la section de Tunis de l'Ordre des avocats. L'ouverture de la visite de cette mise en scène a été effectuée par le chef du gouvernement Hamadi Jebali. Exposition photo et témoignages Le hall principal du ministère a été transformé en une salle d'exposition où l'on a présenté de grandes affiches comportant des photos illustrant les agressions perpétrées contre les militants des droits de l'Homme, à l'instar de Radhia Nasraoui et Khaled Krichi. Aussi, y ont été exposés des témoignages de militants torturés comme Ahmed Ben Othman ou Adnène Hajji. «...Ils m'emmenèrent jusqu'à une ferme à 12 km de Tunis, une ancienne ferme de colons français complètement isolée et équipée par la DST pour les séances de torture. Là, on m'arracha les loques qui me restaient sur le coup, on me lia les poignets à une barre de fer, et me voilà de nouveau nu, suspendu entre deux tables, la tête en bas. Et de nouveau, les coups avec le tuyau d'arrosage qui laissent moins de traces que les autres instruments, le goutte-à-goutte de l'eau puante sur les paupières et le nez, pendant que le “tabka" introduisait dans les orifices de mes oreilles des cure-dents et d'autres morceaux de bois qu'il faisait tourner et gratter, et le sang s'égouttait de mes deux oreilles...», c'était un extrait du témoignage de Ahmed Ben Othman, détenu politique à la prison du Nador, publié en avril 1979 dans la revue LesTemps modernes, exposé au hall du ministère. D'autres affiches ont mis en exergue plusieurs victimes mortes sous la torture ainsi que la grève de la faim du 18 octobre 2005 à laquelle ont participé des militants d'Ennahdha, du Congrès pour la République, du Parti démocrate progressiste et du Parti communiste des ouvriers de Tunisie, à savoir Hamadi Jebali, Samir Dilou, Abderraouf Ayadi, Hamma Hammami, etc. Des organisations comme le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme, Amnesty International Tunisie, l'Association de lutte contre la torture, l'Organisation mondiale contre la torture, sont venues assister à cette journée. Pour sa part, l'Association internationale pour le soutien des prisonniers politiques a exposé des statistiques sur les victimes de la loi antiterrorisme, et ce, selon une étude qu'elle a effectuée en 2008 sur un échantillon de 1.208 prisonniers. La majorité d'entre eux étaient des ouvriers, plus de 35%, des étudiants et élèves, plus de 33%, alors que 81,42% ont une moyenne d'âge de 22,48 ans. Pour Khaled Founi, membre de l'Association justice et réhabilitation, le processus de la justice transitionnelle doit décomposer le système de la dictature et non pas effectuer des arrangements au gré des uns et des autres. «Je pense, a-t-il souligné, qu'il y a des défaillances dans ce processus de justice transitionnelle qui connaît une déviation avec, en outre, la liste noire des médias et des magistrats qui ont été dispensés et dans quel cadre» ! Selon lui, lors d'une phase transitionnelle, il y a une obligation de cohabitation entre toutes les orientations politiques pour avoir un processus national loin des calculs partisans. «Les requis de la révolution n'ont jamais été des requis partisans. Le système de dictature de Ben Ali avait un reflet sur l'opposition dont les leaders n'ont pas changé jusque-là ce qui affecte actuellement les orientations politiques et le processus transitionnel en dysfonctionnement», a-t-il ajouté. Dans les couloirs du ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle l'atmosphère était carcérale, engloutie dans le noir des cris de souffrance jaillissent des salles transformées en chambres de prison à barreaux. Des agents penitenciaires bougent dans tous les sens ouvrant et fermant les portes des chambres d'isolement. Dans le grand hall dans la bâtisse, une scène d'agents obligeant une dizaine de prisonniers à se dénuder pour la fouille a été au centre de la visite. Les prisonniers sont violentés à coups de matraques et brodequins... Pour Lamine Nahdi, qui a rejoint l'équipe des acteurs de la dernière minute, c'est une belle expériencequi lui rapplelle sa pièce «Pavillon D» qui a été refusé sous l'ancien régime. Pour sa part, le ministre de la Culture, Mehdi Mabrouk, a estimé que la scène a bien illustré une partie de la vérité et a voulu passer un message contre la torture et pour la culture de la justice et de la miséricorde. Aussi, il a affirmé que les tensions sont inhérentes à toute étape transitoire. Après la mise en scène théâtrale de la prison et avant la diffusion du film Les disparus de Imène Ben Hassène, Samir Dilou, ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, a rappelé les étapes du processus de la justice transitionnelle insistant sur la complexité de ce processus. Selon lui, le passé doit être fouillé pour pouvoir avancer et passer à autre chose avec un esprit clair et sans rancune.