Le public viendra nombreux, les stars également, pour assister à une édition riche et haute en couleur. Depuis cinquante-deux ans, l'émotion est la même, côté piste, côté coulisses, côté tribunes, une émotion commune à l'homme et à sa plus belle conquête : le cheval, associés dans cette quête de la victoire et de la gloire. A l'approche du poteau, la tension sera à son paroxysme. Tout le monde a son favori et chacun a de bonnes raisons d'y croire. Tout ou presque est encore possible. A la beauté du sport s'ajoute le suspense ! Une grande clameur accompagnera la lutte finale… Mais il n'y aura qu'un seul et unique lauréat et son nom ornera la légende de ce «Grand Prix». Le Grand Prix du Président de la République est en effet une épreuve mythique, à nulle autre pareille. Selon les tablettes de la Société des Courses, cette épreuve reine qui clôture le meeting hippique est née en mai 1957, avant donc l'avènement de la République, pour marquer la tunisification du secteur hippique, fleuron de l'agriculture et qui était la chasse gardée des colons français et étrangers, avec l'appellation des deux premières éditions : «Prix du Président Bourguiba», puis à partir de 1959 : «Grand Prix du Président de la République». A ses débuts, elle s'adressait aux pur-sang anglais de 3 ans et plus, sur la distance classique de 2.400 mètres. La première édition en 1957, dotée d'un million de francs, a été remportée par l'outsider Fineo (à 173/1) aux propriétaires maltais Mazzei et Decelis, monté par Obry devant Nuccan et Honey Boy. J'étais jeune élève quand j'ai découvert en 1959 grâce à Si Béchir Ben M'rad, mon professeur de culture musulmane au Lycée Carnot, l'hippodrome de Kassar-Saïd et le Grand Prix du Président de la République qu'il devait gagner pour la seconde année consécutive avec son champion Pauvre Diable. Le spectacle était merveilleux avec du beau monde, des dames rivalisant de grâce et d'élégance, des jockeys de renom ( les Massard, Marguerite, Doyasbere, Heurteur, Thibeuf…), des chevaux de valeur, vainqueurs ou placés de semi-classiques en France. Ravivons quelques souvenirs pour les nostalgiques de cette belle époque. En 1960, Fort, monté par Colin et appartenant à M. Léon Bokobza, remporta le trophée devant le né et élevé Mon Jumelé, Senegalette et Honey Boy. Puis ce fut le tour de Bresil, appartenant à M. Béchir Ben M'rad connu pour son élégance et son raffinement vestimentaire, qui s'adjugea à deux reprises le Grand Prix en 1960 et 1961. Mais à la veille de sa troisième tentative, ce champion tant adulé par le public a été victime d'une fracture lors d'une course préparatoire. Sa disparition tragique a marqué les turfistes tunisois. C'est dans une ambiance des plus tristes que le français Wild Hun appartenant à M.E. de Vergie (entraînement Noël Pelat) remporta l'édition 1962 et récidiva l'année suivante. L'arrivée des pur-sang arabes A partir de 1966, suite à une réforme des courses et dans le but d'encourager l'élevage national, le derby des 3 ans de pur-sang arabe a été retenu comme support du Grand Prix du Président de la République, d'abord sur la distance de 1.900 m les deux premières années, puis ramené à 1.700 m pour favoriser des arrivées plus disputées. A la surprise générale, c'est une pouliche qui s'est distinguée en premier : Nouba portant les couleurs de M. Roger Pico et montée par Jean Marie Nedelec. Pourtant, les pouliches de pur-sang arabe supportent mal le stress des courses, d'autant plus que Kassar-Saïd est à la fois centre d'entraînement et champ de courses. Cinq autres «demoiselles» ont réussi à inscrire leur nom au palmarès de cette prestigieuse épreuve : Afrane (1980) à M. Charles Magnan, Ikmal (1980) à M. Rachid M'saddek, Zembra (1980) au Haras Besbassia suite au distancement de Zeidoun, Cheikha (1993) acquise aussitôt après par une écurie princière du Golfe, et Roubbama (2006), toutes deux appartenant au Haras Ahmed Essaied. On ne peut évoquer ce derby des 3 ans de pur-sang arabe sans rappeler la série impressionnante de succès de l'écurie de M. Sadok Essaied avec : Oubeid (1967), Raoui (1968), Soufyan (1969), Zaâlan (1971), Ennil (1976) comme éleveur, Fourat (1977), Ghandi (1978), Rizg Allah (1987), Cheikha (1973), Jedel (2000) et Roubbama (2006). A partir des années 1990, on assista à la montée en puissance des «sudistes» et à leur tête «cheikh Regueb» Béchir Kammoun propriétaire et éleveur du crack Akermi (1991), Ghandi Regueb (1997), Kammoun (2001) et Lathleth (2002), suivi par les succès de Mygyess (2003), Nahr El Khaled (2004), Ourabi (2005) et Samouel (2007) appartenant à d'autres propriétaires (Sassi, Ghobber, El Ouni). Parmi les grands champions qui figurent au palmarès de ce monument des courses, certains ont marqué de leur empreinte la race, tel que Tayssir, tout particulièrement Dynamite III, Lanouar, Samir, auteur également de plusieurs sujets de valeur, Akermi et Halim, disparu précocement à sa troisième année de monte. Le derby des 4 ans Suite à une nouvelle réforme et à l'ouverture du stud-book tunisien aux étalons étrangers (avec l'autorisation de l'insémination artificielle) et l'engouement des éleveurs pour ces nouvelles souches, le Grand Prix du Président de la République est devenu en 2009 le derby des 4 ans de pur-sang arabe, nés et élevés en Tunisie, toutes origines confondues. Cette décision a été également prise dans le but de préserver poulains et pouliches d'une course dure et pénible au printemps de leurs 3 ans, alors qu'ils sont encore «verts» et en pleine croissance. La distance a été portée à 2.000 m pour permettre aux bons chevaux d'évoluer à leur aise et favoriser une course plus tactique et plus spectaculaire. La première édition de cette nouvelle formule a été remportée par Tyn appartenant à M. Abdelkrim Ben Jerad et monté par Cyrille Stephan. Côté professionnels et chez les entraîneurs, le record est de quatre victoires, détenu conjointement par Sadok Essaied en tant que propriétaire-entraîneur avec Oubeid, Raoui, Soufyan et Zaalan, Mohamed Ben Ali avec Jedel, Lathleth, Migyess et Ourabi et Ahmed Charni avec Tayssir, Heil, Nadhem et Okba. Chez les jockeys, la palme revient à Mohamed Khazmi avec six victoires : Afrane (1972), Ennil (1976), Ghandi (1978), Kinz (1982) Okba (1986), Samir (1988), suivi de Fethi Maghraoui avec trois succès : Mahraja (1984), Zembra (1980) et Akermi (1991), tout comme Philippe Bruneau, Jedel (2000), Lathleth (2002) et Ourabi (2005). Côté allocations, en 1957 le Grand Prix eut un retentissement considérable, sa dotation de un million de francs (avant l'avènement du dinar) en faisait l'épreuve la plus riche au Maghreb ! Dans les années soixante, le vainqueur recevait la coquette somme de 6.000 dinars, une somme conséquente pour l'époque. De nos jours l'allocation globale est de 100.000 dinars, dont 55.000 D au premier avec une prime au naisseur à l'éleveur du lauréat de 27.500 D. Des chiffres qui paraissent importants, mais c'est un seul cheval qui bénéficie de cette manne…qui doit souvent servir à entretenir ses compagnons d'écurie ! Les allocations de courses sont ailleurs (Europe, Etats-Unis, pays asiatiques ou du Golfe) beaucoup plus élevées grâce aux sponsors avec «cerise sur le gâteau» une plus-value importante que prennent les chevaux (des millions de dollars !) et qui constitue le véritable gain des propriétaires. Certes, nos éleveurs sont parvenus à vendre à l'exportation quelques bons chevaux à plus de 100.000 D le sujet, mais ce marché à l'exportation des chevaux tunisiens reste limité et aléatoire. Le pur-sang arabe tunisien est pourtant apprécié et recherché à l'étranger et sa vocation exportatrice mérite d'être sérieusement encouragée. Les partants ont souvent été légion dans cette épreuve. Cette édition 2010 réunira 18 partants et s'annonce ouverte (voir ci-joint l'analyse de la course). Que les amateurs se réjouissent, c'est souvent un cheval courageux et doué qui s'impose. A l'affiche également le Grand Prix du 7-Novembre, derby des 3 ans de pur-sang anglais nés et élevés localement (Gr I – 40.000 D – 2.000 m) qui réunira 8 partants. La réunion qui compte 11 épreuves (une première du genre) débutera à midi avec la Finale des gouvernorats qui réunira les meilleurs cavaliers amateurs du pays. Parmi les belles épreuves, à suivre également deux courses internationales: le Prix de Cagnes-sur-Mer (2.200 m) qui réunira 20 pur-sang anglais «importés» et le Prix de Tripoli (1.700 m) pour pur-sang arabes (14 partants), avec une forte représentation libyenne. Du beau spectacle garanti. Soyez au rendez-vous !