La Tunisie compte environ 250 zones humides à typologies multiples dont seulement 37 sites sont inscrits sur la liste de Ramsar, une convention à laquelle adhère notre pays depuis 1980. Et pourtant, certaines de ces zones reconnues d'importance internationale ne sont malheureusement pas à la hauteur de cet honneur écologique. Répondant à tous les critères de classement spécifiques, elles continuent à présenter des spectacles désolants. Elles sont totalement abandonnées, pour ainsi dire. Leur écosystème, si fragile, risque de disparaître à jamais. La situation de ces milieux aquatiques n'est guère enviable. Et le Fonds mondial de la nature (WWF), à travers son bureau à Tunis, n'a pas manqué, à chaque fois, de tirer la sonnette d'alarme pour mettre fin à l'état des lieux critique dans lequel demeurent ces zones humides. Les visites d'inspection qu'il ne cesse d'effectuer sur le terrain le prouvent encore. Et pas plus tard que dimanche dernier, le constat a fait état d'abus et de dégradation, à n'en plus finir. Le premier à avoir figuré sur la liste de Ramsar en 1981, le lac d'Ichkeul, donne le mauvais exemple, de par le phénomène de sécheresse et la construction des barrages sur les cours d'eau qui l'alimentent. Zone humide aux caractéristiques biologique et environnementale de mise, la Sebkha de Séjoumi, à quelques encablures de la capitale, du côté ouest, est sur le point de perdre ses qualités naturelles et paysagères. Au bord de la ceinture ouest reliant l'axe routier qui mène à la banlieue sud via les quartiers d'El Mourouj, l'on peut contempler l'amer constat. En fait, les berges du lac se sont tansformées en décharges non contrôlées d'ordures ménagères et de rejets d'eaux usées. Aussi, les odeurs fétides gagnent-elles les foyers anarchiques construits aux alentours du lac. Et bien qu'il soit considéré comme refuge des oiseaux migrateurs, le lac se voit déserté par des milliers de flamants roses et de canards souchet qui viennent chaque année y nicher. Mais, certains oiseaux d'eau se trouvent, à leur passage, obligés de s'y reposer et de se nourrir. Idem pour la lagune de Korba qui s'étend sur 307 hectares et qui fait partie des lagunes du Cap Bon oriental dont l'inscription sur la liste de Ramsar a eu lieu en octobre 2007. Milieu favorable des flores et des faunes jugées en voie d'extinction, la lagune de Korba a fait l'objet de toutes les activités abusives humaines, notamment après la révolution. Elle est devenue le réservoir des rejets d'eaux usées urbaines et industrielles, dans l'impunité totale. Sans pour autant voir intervenir aucune partie prenante. Le président de l'Association tunisienne de protection de l'environnement de Korba, Youssef Jerbi, nous a affirmé que l'état des lieux mérite davantage d'intérêt et d'engagement à conserver cette biodiversité écologique. Même la passerelle avec mirador au milieu de ce complexe lagunaire qui permet l'accès à la plage et au parcours écologique n'a pas été épargnée d'atteintes et de violations de divers ordres. Principal couloir de passage des oiseaux migrateurs vers l'Europe, El Haouaria n'est plus la destination privilégiée de certaines espèces d'oiseaux d'eau. Garâat El Haouaria, considérée comme une zone humide à protéger n'a pas trouvé l'intérêt requis. Elle ne fait pas partie de la liste de Ramsar. C'est également le cas de Sebkhat Hammam Laghzaz, à quelques kilomètres de Kélibia, longeant un long littoral forestier et côtier sur une douzaine d'hectares. Avec le temps, ce milieu aux réserves biologiques et naturelles intéressantes est devenu de plus en plus vulnérable. Mohamed Hamouda, vice-président de l'association locale de protection de l'environnement, a imputé la dégradation de son écosystème à des raisons climatiques et humaines. Ainsi, sous l'effet des changements climatiques et des interventions abusives de la population locale, autant des espèces faunistiques ont fini par migrer sans retour. Les faibles quantités de pluie enregistrées en hiver et le rejet d'ordures sur ses berges ont fait perdre au lac les spécificités d'une zone humide. C'est pourquoi, la sebkhat concernée semble loin d'être une aire d'importance mondiale. C'est plutôt un dépotoir anarchique qu'un milieu aquatique. Hantée par ce souci, l'association locale remue ciel et terre pour inscrire la zone sur la liste Ramsar. A commencer par la sensibilisation ! Car, l'écocitoyenneté est une culture permanente.