Un taux de parité conforme aux standards du Moyen-Orient, car ne dépassant pas les 16%. Dans le monde, ce taux est de 24%, et donc, bien en-deçà des principes d'égalité entre les genres Le groupe arabe d'observation des médias a tenu, hier à Tunis, un point de presse au cours duquel il a été procédé à la présentation des résultats du projet d'observation des questions de genre dans les médias tunisiens; un projet concocté en collaboration avec le Conseil national des libertés en Tunisie et la Coalition pour les femmes de Tunisie. L'idée étant d'apporter un éclairage sur la place qu'occupe la femme dans le paysage médiatique post-révolutionnaire de par les thèmes la concernant mais aussi de par sa contribution dans la production médiatique. Prenant la parole, Amirouch Naja, directeur exécutif du projet, a donné, d'emblée, un aperçu sur la méthodologie choisie pour l'élaboration de ce projet. Il a indiqué que l'objectif est doublement intéressant dans la mesure où l'on vise, dans un premier lieu, à cerner l'image de la femme dans les médias et d'appeler et les communicateurs et l'opinion publique à améliorer cette image afin qu'elle soit plus réaliste et plus équitable. Il faut dire que mettre l'accent sur l'image de la femme dans les médias s'impose plus que jamais notamment dans un contexte national peu prometteur pour la promotion de la contribution féminine au projet sociétal. Les évènements du 14 janvier ont en effet préparé le terrain à la reprise de l'esprit conservateur, et donc masculin. La place qu'occupe, désormais, la femme au sein du gouvernement provisoire en dit long sur les limites tracées, voire infligées au genre. Dans les médias, l'image de la femme demeure bien en-deçà des objectifs escomptés par les féministes, à savoir l'équité entre les genres et la reconnaissance quant aux compétences féminines. Observation de 15 organes médiatiques Le présent projet repose essentiellement sur la méthode d'observation. Quelque 12 observateurs formés en la matière se sont penchés sur l'observation de la production de 15 organes médiatiques tunisiens dont six journaux (Al Maghreb, Al Chourouk, Al Tounsiya, Al Sarih, La Presse et le Temps), quatre chaînes télévisées (Al Wataniya 1, Hannibal, Nessma et Al Tounsiya) et cinq radios (Radio Tunis, Radio Mosaïque, radio Express, Radio 6 et Radio Kalima). L'observation repose sur deux aspects: un aspect quantitatif qui vise à cerner le taux de la présence féminine en comparaison de celle masculine et un aspect qualitatif qui permet d'examiner les produits médiatiques traitant du genre et de dénoncer ceux véhiculant des stéréotypes sexistes. «Les pages masculines par excellence comme les pages sportives et celles axées sur la politique internationale n'ont pas été prises en considération», souligne Amirouch Naja. Les résultats préliminaires de l'étude d'observation montrent une nette disparité entres les médias en matière de traitement de la question du genre. Cette disparité varie selon le genre médiatique (audiovisuel ou presse écrite), selon la nature de la place qu'on accorde aux figures féminines en tant que source de l'information ou en tant que médiatrice de l'information. En effet, l'apparition de la femme dans les médias audiovisuels est de 34,5%. Dans la presse écrite, en revanche, elle ne dépasse pas les 18,5%. Seules les radios privées se rapprochent du principe de la parité entre les genres avec 45,6% pour Radio 6, un taux de 43,3% pour Express FM et 40,1% pour Radio Kalima. Il reste à savoir si ces taux relèvent du souci des producteurs quant à l'équité entre les genres ou tout bonnement de l'attirance des femmes pour ce genre médiatique en particulier. Pour ce qui est de l'image de la femme telle qu'elle est véhiculée par les médias, elle s'avère être quelque peu figée dans des stéréotypes classiques, qui limitent les compétences féminines et vouent les femmes à des rôles peu prestigieux. Si les journaux ont tendance à axer plus l'intérêt sur des thèmes qui concernent la femme avec notamment un taux de 7,3% contre seulement 3,9% pour les chaînes télévisées et 2,5% pour les radios, ces thèmes s'articulent le plus souvent autour de domaines bien définis, voire limités, comme la santé, la famille et la culture. En examinant les articles de presse, l'on remarque que la gent féminine n'est interpellée par les journalistes que dans 15,3% des cas. De même pour les médias audiovisuels où elle se situe à 18,6% contre 81,4% de visibilité masculine. Aussi, la Tunisie demeure-t-elle dans les standards de la région du Moyen-Orient, soit aux alentours d'un taux de parité du genre ne dépassant pas les 16%. Il est intéressant à noter que le défi de la parité entre les genres est loin d'être relevé à l'échelle mondiale puisqu'il ne dépasse pas les 24%. Divertissement, culture, santé: le cercle vicieux La présente étude décortique la question du genre dans les médias à travers une observation pointue des différentes manifestations féminines dans ce domaine. Elle permet en outre de savoir que la contribution de la femme en tant que source d'information dans la production audiovisuelle demeure faible puisqu'elle se situe entre 10% et 20%. Dans les débats, elle ne dépasse pas les 14,8%. Pis encore: malgré les recommandations des féministes et la sensibilisation sur l'impératif de lutter contre les stéréotypes dégradant l'image de la femme, cette dernière continue à être exploitée en tant qu'objet. Dans la presse écrite, les photos de figures féminines sert toujours à embellir les pages, tel un accessoire incontournable. Cette vision portée sur la femme est appuyée par la faible contribution féminine dans les prises de position. Et pour preuve, les domaines de prise de décision et ceux de pointe sont généralement réservés à la gent masculine. D'ailleurs, les figures féminines ne brillent dans les médias que dans des domaines bien déterminés, à savoir les domaines social, juridique, culturel ainsi que dans le domaine de la santé. Dans les programmes télévisés ainsi que sur les ondes des radios, la femme continue de se spécialiser dans le domaine de divertissement, ce qui est loin d'être prestigieux. Par ailleurs, les femmes journalistes et productrices de programmes audiovisuels s'activent plus pour des domaines liés à l'instinct maternel et aux penchants artistiques. L'étude montre la prédominance des programmes axés sur l'enfance, la famille, la culture et la santé. Toutefois, ce qui peut constituer un point positif dans la question du genre, c'est que la participation de la femme en tant que professionnelle du secteur médiatique est estimée à 60,5%. Les reporters femmes constituent 58,1%. En revanche, les femmes d'un certain âge et œuvrant dans le domaine médiatique souffrent d'une double discrimination. Au sexisme s'ajoute l'âgisme. D'ailleurs, l'apparition des femmes âgées entre 50 et 64 ans sur le petit écran se fait rare, soit un taux minime de 0,4%.