Par Nadia CHAABANE* En colère contre un certain discours qui sort des méandres de la terre et de ses ténèbres, et qui tente de leur édicter leur conduite, de façonner leur vie selon des rites qui n'ont jamais existé dans notre société et qui sortent tout droit de leurs fantasmes de malades et de celui de leurs commanditaires qui rêvent d'imposer à notre société leur modèle pervers et obscur... En colère contre les autorités du pays qui tentent de les «invisibiliser», de les écarter des responsabilités, de les marginaliser et de priver le pays de leurs compétences, En colère contre des médias qui font la une avec les plus rétrogrades parmi les Tunisiens et les plus misogynes dans la société, et qui n'hésitent pas à exhumer du tréfonds de l'ignorance des momies dont les seuls qualificatifs qui me viennent à l'esprit pour les désigner sont : obscènes et frustrés, et mettre en débat des sujets hors du temps et du siècle, dans des émissions qui font parfois l'apologie de la violence, oubliant que l'exercice de la liberté d'expression n'autorise nullement à prôner l'usage de la violence. En colère de voir permettre et/ou se permettre, comme c'est parfois le cas, qu'une émission de télévision mette les téléspectateurs face à un discours incitant directement à commettre des violences ? A qui profite la liberté d'expression dans ce cas de figure : aux agresseurs, aux criminels... Ceci ne peut être perçu que comme de l'indulgence, voire de la complaisance, avec les crimes sexistes et les violences faites aux femmes. Les médias se doivent d'assumer leurs responsabilités au même titre que n'importe quel service public. En colère contre certains débats stériles de l'ANC qui, au lieu de promouvoir de nouveaux droits pour les femmes, s'est engouffrée dans des débats moyenâgeux sans rapport aucun avec les aspirations et les attentes des femmes tunisiennes au risque même de menacer leurs acquis, En colère aussi en raison du discours sexiste et misogyne qui se propage et qui est une des conséquences immédiates du discours populiste qui submerge la place publique aujourd'hui. En colère, car les vrais problèmes que rencontrent les femmes tunisiennes sont loin d'être la priorité des partis au pouvoir aujourd'hui et que la révolution de la dignité n'a rien changé dans le quotidien de centaines de milliers de femmes tunisiennes : inégalité salariale, chômage, précarité, harcèlement, violence, discrimination... La Journée internationale des femmes reste en Tunisie, comme partout ailleurs, d'une brûlante actualité, car tant que l'égalité effective entre les femmes et les hommes ne sera pas atteinte, nous aurons besoin de la célébrer pour rappeler les priorités pour bâtir une société juste et démocratique. Nulle démocratie ne peut voir le jour sans l'égalité en droit et dans les faits entre les hommes et les femmes. Ceux qui pensent que les femmes tunisiennes vont baisser les bras se leurrent , les femmes tunisiennes sont résolues à combattre le linceul dans lequel les obscurantistes aimeraient les voir disparaître, elles sont résolues à résister à cette déferlante de haine, elles n'ont que faire des menaces et intimidations des intégristes et autres salafistes. Elles veulent une société aux couleurs de l'arc-en-ciel, joyeuse et plurielle et n'ont que faire de votre noirceur despotique. Elles sont nées libres et libres elles resteront, n'en déplaise à ces semeurs de haine et de discorde. *(Elue Al Massar — «La voie démocratique et sociale»)