L'histoire se répète. Le gouvernement d'Ali Laârayedh fait face à un tir croisé de critiques en raison de son immobilisme dans la gestion de l'assassinat de Chokri Belaïd. Depuis le 27 février, silence radio. Rien ne filtre. Ali Laârayedh, alors ministre de l'Intérieur, avait annoncé l'arrestation imminente du tueur présumé de Chokri Belaïd. Et puis rien. On attend toujours, ne fût-ce que la moindre information sur ce tueur dont on nous avait annoncé l'hermétique encerclement. Les gens grincent des dents. Ils ont l'impression d'être floués. Institutionnellement. Le mutisme des autorités en rajoute au ras-le-bol. Ajoutons-y la dégradation soutenue de la situation économique et sociale et l'on comprendra que tous les ingrédients du pourrissement sont là. M. Ali Laârayedh a donné quelques interviews d'apaisement. N'empêche que la situation dépasse la seule enceinte des partis. Cela déborde sur l'opinion publique dans son ensemble. Le traitement de l'affaire des commissions d'enquête sur les événements de Siliana en novembre et du 4 décembre 2012 devant le siège de l'Ugtt est symptomatique. Les rapports d'enquête sont accablants. Et pourtant, les autorités font toujours du surplace en la matière. Pis, on attend toujours les résultats de l'enquête sur les événements et heurts du 9 avril 2012 à Tunis. A près d'une année d'intervalle, on n'a toujours point de rapport. Pourtant, c'est avec les télescopages du 9 avril que la mécanique de la dégénérescence a débuté. Pour maints observateurs, il y a un avant et un après 9 avril 2012. Les considérations partisanes l'emportent. Les coteries de chapelles semblent avoir raison de l'intérêt public. En cela, le gouvernement Laârayedh semble commencer là où a failli le gouvernement Jebali. C'est-à-dire à la case échec. Et ce n'est guère pour étonner quand on sait que l'actuel chef du gouvernement a concouru aux revers cuisants du précédent gouvernement. Le gouvernement Jebali avait trop communiqué. A la gaffe le plus souvent. Et avec les effets contreproductifs que l'on sait. Le gouvernement Laârayedh, lui, se claquemure dans le mutisme. Un silence dû à l'impossibilité d'être réactif en fait. Il semble tétanisé. Tout le monde a le regard braqué sur les ministères de souveraineté. Ils ont été neutralisés, dit-on. On attend d'en attester la véracité. Les centaines de nominations partisanes à la tête de l'administration n'ont point été révisées. Les hommes-liges de certains ministres apparatchiks sont toujours aux commandes. On soupçonne même des interférences dans l'instruction judiciaire relative à l'attentat terroriste ayant abouti à la liquidation physique de Chokri Belaïd. Sur un autre versant, les nouvelles ne sont guère rassurantes. A l'Assemblée constituante, c'est le même topo ou presque. L'élaboration de la nouvelle Constitution piétine. Les pierres d'achoppement sont de taille. Rien n'indique que l'on en sortira de sitôt, malgré l'adoption d'un calendrier controversé. En même temps, les textes de loi devant présider à de nouvelles élections transparentes et crédibles sont toujours en suspens. On n'a pas encore nommé le président et les membres de la haute instance de l'audiovisuel. Idem des instances indépendantes de la magistrature, des élections ou de la loi électorale proprement dite. L'hémicycle offre le spectacle navrant de joutes inutiles ou dilatoires. L'idée même de la représentativité démocratique s'en ressent. Entre-temps, dans la Tunisie profonde, les problèmes s'amoncellent. Chômage massif, paupérisation tous azimuts, exclusion, accusation des déséquilibres régionaux, flambée des prix et insécurité se juxtaposent, s'imbriquent, n'en finissent pas de grever la vie du citoyen lambda. Le pays réel ploie sous le fardeau des vicissitudes. Le pays légal, lui, se cramponne à sa légalité formelle. Et c'est tout dire.