Par Taha BELKHODJA Personne n'est sans savoir que la Tunisie est en situation alarmante et que la prochaine étape risque la banqueroute. Qui est le responsable ? Incontestablement, les élus de l'ANC, oui les constituants majoritaires, puisque presque deux ans après leur élection, il n'y a toujours pas de visibilité, ceci est une trahison des électeurs ! On se rappelle tous que la petite constitution, de 26 articles, a été rédigée en 5 jours et le règlement intérieur, de 141 articles, en 21 jours seulement. Comme l'a si bien dit M. Mustapha Filali, la constitution prendra au maximum 3 mois, si les constituants oublient leur appartenance partisane, chose à laquelle beaucoup de constituants se sont accrochés ! Je veux m'adresser aujourd'hui aux vrais patriotes d'entre eux, Dieu merci il en existe encore, je ne parle pas des constituants sans scrupule qui veulent le beurre et l'argent du beurre et prolonger les détails juste pour bénéficier d'une retraite au détriment de tout un peuple et surtout des pauvres gens sans revenu, ceci est criminel ! Personne ne peut nier que tous les élus s'étaient présentés aux élections pour une noble cause : établir la Constitution tunisienne d'une façon volontaire, sans même penser à être rémunérés. Hélas, aujourd'hui l'opportunisme et le profit ont dépassé la raison et le sens du patriotisme. Le contribuable est en train d'être dérobé d'une façon «légitime» par ses concitoyens qu'il a, lui-même, élus. Il est évident, l'intérêt des électeurs et celui des élus s'opposent diamétralement et il faut arrêter immédiatement cet abus de légitimité électorale. Qui peut croire qu'un constituant, qui perçoit 11.000 dinars par mois, va fournir un effort quelconque pour terminer la Constitution et se priver de cette aubaine ? Il ne faut pas rêver ! Il y a donc un conflit d'intérêt manifeste, la plus grande erreur, dès le départ, c'était d'avoir rémunéré les élus, de quoi payer plus que 3.500 smigards mensuellement et donc faire vivre 3.500 familles. J'espère que tous les constituants seront honnêtes et renonceront à leurs rémunérations, qu'ils ne méritaient plus d'ailleurs depuis le 23/10/2012. Ces montants récupérés peuvent constituer un fonds social, le fonds du salut, pour les familles en situation précaire. J'appelle solennellement les constituants qui prétendent être de vrais patriotes, ouled el aaïlett et ceux qui ykhafou Rabbi, en commençant par les membres des partis qui appellent à la dissolution de l'ANC, de se manifester et de demander la suspension immédiate de leurs rémunérations par lettre ouverte adressée publiquement au président de l'ANC. Certes, M. Mustapha Ben Jaâfar, doit être l'initiateur de cette résolution citoyenne en considération de la situation socioéconomique très critique qui prévaut dans le pays. Quelle que soit la valeur du décret N°2011-1086 du 3/8/2011, le fait de limiter le mandat à un an dans son article 6, a produit, de fait, un contrat électoral entre constituants et électeurs qui, en se rendant aux urnes, ont voté dans l'esprit et l'idée de mandater les élus pour les représenter une année, et une année seulement, pas un jour de plus. On se rappelle tous que les 3 présidents ont promis au peuple tunisien qu'ils ne dépasseront pas 6 mois !!! On peut dire que, nonobstant la valeur dudit décret, l'ANC ne pourra plus se prévaloir de sa légitimité électorale au-delà du 22 octobre 2012 à minuit. Toutefois, ceci ne veut pas dire que l'ANC doit se dissoudre et créer ainsi un vide institutionnel, soit le mobile parfait de protestations voire des polémiques partisanes, il ne faut pas non plus démissionner et laisser le champ libre. Cette situation a tacitement donné à l'ANC une régularité pour se prévaloir d'une légitimité consensuelle conjoncturelle. Il ne faut surtout pas oublier que les membres de l'ANC, certes légitiment élus, mais ne représentent que le 1/3 de la population (2.402.627 votes retenus / 7.569.824 électeurs), donc bien loin de la majorité absolue pour être le représentant légitime du peuple tunisien, logiquement l'ANC ne peut pas bénéficier de la légitimité populaire. Il faut absolument éclairer l'opinion publique et expliquer qu'il n'y a pas lieu de parler de légitimité du gouvernement. Ce gouvernement n'a jamais été élu comme certains le prétendent, il est juste adopté par l'ANC dont la légitimité relative ne saurait être éternelle. D'ailleurs ces élus ont failli à leurs engagements contractuels, mieux encore, ils ont transformé cette assemblée en parlement, ce qui ne correspond ni à leur mandat, ni à la mission en charge par les électeurs. Ceci étant chers compatriotes, si on ne considère que l'intérêt supérieur de la Nation, notre chère Tunisie, en mettant de côté toute envie de vouloir régner, le plus judicieux pour ne pas perturber davantage cette période de transition déterminante, c'est que tous les ministres membres de parti quittent immédiatement le gouvernement, évitant ainsi tous les soupçons éventuels, et se libèrent pour s'occuper de leur programme économique et bien préparer leur campagne électorale en laissant la place à un gouvernement restreint de compétences, indépendant pour expédition des affaires courantes et préparation des élections. Je saisis cette occasion pour rappeler les constituants un détail très important qui a été mentionné à la Constitution de 1959, l'article 57, à savoir : le président de la République par intérim, donc provisoire, est privé de présenter sa candidature à la présidence, chose qui n'existe pas au projet de Constitution actuel. Lors du dernier remaniement ministériel, on avait parlé d'indépendance de certains ministères, une légère amélioration a été constatée mais loin du résultat escompté, comment voulez-vous qu'un ministre puisse agir librement alors que son chef hiérarchique direct, le chef de gouvernement est partisan ? Ceci n'a aucun sens ! Le plus urgent maintenant, c'est de fixer une date irrévocable pour les prochaines élections, faire promulguer la loi électorale, élire les membres de l'Isie et adopter la Constitution. Vu la discorde existante à l'ANC, le mieux pour ne pas laisser trainer davantage l'adoption de la Constitution, article par article, ou éventuellement aller au référendum, c'est de charger le comité des sages, désigné par le gouvernement Jebali, en vue d'apporter les touches de professionnels indépendants audit projet, l'enjeu est crucial et une Constitution doit être valable pour tous les Tunisiens, toute tendance confondue. Une Assemblée constituante a l'obligation d'intégrer le maximum de gens possible et de ne laisser personne à l'écart. Exclure arbitrairement des milliers de personnes et les exempter de leurs droits de citoyenneté les plus élémentaires, sous prétexte qu'elles ont travaillé sous l'ancien régime, ne fait qu'alimenter l'injustice, le mobile principal de notre révolution. Ceci est absurde, on ne peut pas condamner tout un staff d'employés d'une entreprise parce que le gérant est un corrompu, il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac ! Tout citoyen sincère ne peut que reconnaître que si la Tunisie a accédé au rang de pays en voie de développement, ce que reconnaissent toutes les instances internationales, ce n'est pas grâce à Ben Ali, mais au labeur des Tunisiens dont 70 à 80% portent la casquette du RCD, c'était tout un système, mais l'essentiel c'est que ces citoyens portent un bleu de travail et ils ont le mérite d'être là quand leur pays a eu besoin d'eux. Il n'y a aucune commune mesure pour un jugement collectif, sachant que les 3 vice-présidents successifs du RCD, donc les plus proches collaborateurs de Ben Ali, sont des gens intègres qui ont servi honorablement leur pays, comme tant d'autres Rcdistes d'ailleurs. Contrairement à l'article 15 du décret-loi N°2011-35, portant exclusion des adhérents du RCD en début de révolution ; aujourd'hui, soit 20 mois après, la donne a changé, la loi sur l'immunisation de la révolution est irrecevable du moment que le ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle n'a présenté aucune liste nominative, même pas de cas isolés, dument justifiés, sans oublier qu'il y a eu déjà l'acquittement de certains symboles du régime de Ben Ali. L'exclusion c'est l'affaire de la justice, messieurs, soyez à la hauteur de la confiance du peuple, évitez les règlements de comptes et de vous opposer aux objectifs de la révolution, la Liberté et la Démocratie. La Tunisie a bien inauguré ce qui fut appelé «le printemps arabe», un événement salué par le monde entier. Hélas, par l'incompétence et parce qu'on s'accroche au pouvoir, malgré tous les échecs, au nom d'une légitimité électorale devenue caduque, on a réussi l'exploit d'enfermer la population tunisienne dans l'anarchie et la violence. Notre révolution est victime de la légitimité électorale, en l'absence de toute discipline, sachant que la discipline est la base du succès et le manque de discipline mène tout droit à l'échec. Ce qu'il ne faut jamais ignorer, messieurs les dirigeants, c'est que ni les bailleurs de fonds, ni les investisseurs étrangers ne peuvent traiter avec un gouvernement provisoire, ce sont les règles d'usage, une banque ne donne jamais de crédit à un dirigeant de société par intérim. Comme il est clair que notre crédibilité est en péril auprès des institutions financières étrangères à cause du provisoire qui dure ! J'invite tout le monde à la paix et la concorde, soyez-en la clé. Ne vous exposez pas à une épreuve qui pourrait être fatale pour nous tous et surtout nos enfants. Evitez tout paradoxe stérile et appliquez l'article 3 du projet de Constitution : le peuple est titulaire de la souveraineté.... SVP, cessez de parler au nom de «echaâb», le peuple tunisien est assez mûr pour décider seul de son destin, respectez-le et laissez-lui l'occasion de s'exprimer en faisant appel à la parole des urnes, si vous croyez à la Démocratie, les Droits de l'Homme et l'Egalité des chances, l'exclusion est le pire ennemi de la Liberté.