Par Azza FILALI Qu'arrive-t-il à la Constituante ? La séance du lundi 4 novembre ne s'est pas limitée à l'amendement de l'article 106, mais a surpris par l'adjonction de deux autres articles qui ont également fait l'objet d'amendements : l'article 79 selon lequel la moitié des élus plus un pouvaient convoquer une séance plénière, et cela même en l'absence (voire le désaccord) du président... A cela s'ajoutait l'article 36, également amendé, et permettant désormais aux commissions de se réunir lorsque seuls cinq (et non plus sept) membres étaient présents et de prendre une décision lorsque trois des cinq étaient d'accord. Sans compter le secrétariat de l'Assemblée où les présents, quel que soit leur nombre, suffisaient à permettre une réunion... Ces dispositions ont été présentées par leurs défenseurs comme le moyen d'éviter d'autres retards dans la rédaction de la Constitution et la préparation de l'Isie. D'autres explications à ces mesures ont été avancées : le désir des députés, demeurés à l'Assemblée, de «punir» leurs collègues dissidents, tout comme de pénaliser le président de l'Assemblée lui-même pour les trois mois d'interruption des travaux qu'il a décidé face à la situation politique et à l'absence d'une frange importante des élus. Plus question, selon certains députés particulièrement «consciencieux», d'accepter d'autres retards à leur tâche sacrée. Pourtant, certains mauvais esprits ont prétendu que cette course contre la montre (notamment pour la Constitution et l'Isie) ne servait qu'à permettre aux deux textes d'être signés par l'actuel Premier ministre, de façon à éviter qu'un nouveau regard, posé sur ces documents, n'y découvre des anomalies flagrantes et antidémocratiques. Ces amendements imprévus ont provoqué la colère et la désertion des élus qui avaient réintégré l'Assemblée après la signature du démarrage du pacte national. Mais, dans le cas présent, la désertion est-elle la meilleure solution ? Des aberrations aussi flagrantes transforment l'Assemblée constituante en un organe de décision livré à lui-même, susceptible de voter les lois qu'il juge utiles, un groupe désormais monochrome au sein duquel les 90 élus d'Ennahdha, auxquels s'ajoutent 20 autres «fidèles», pourront faire passer des textes essentiels pour notre avenir. Il est temps que les députés absents réintègrent leurs postes et fassent barrage à de telles ignominies. Leur départ, après l'assassinat du martyr Mohamed Brahmi, exprimait une protestation légitime, tant vis-à vis de leur collègue lâchement exécuté que par rapport aux multiples anomalies des prestations de l'ANC et du gouvernement. Mais, aujourd'hui, la donne a changé : ces députés révoltés par des amendements d'une profonde vergogne ne doivent pas jouer la politique des chaises vides ; leurs collègues (vissés sur leurs sièges) n'attendent que cela. Il leur faut au contraire réintégrer l'Assemblée et s'opposer ouvertement à toute tentative de mainmise de la Troïka et de ses amis sur les décisions. Que les augustes députés, toujours fidèles au poste, aient décidé de recourir à ces amendements, voilà qui fait planer sur l'ANC le spectre d'une couleur unique ; ils pourront, dès lors, avec leur habituelle discipline, voter tout texte qu'on leur proposera, à main levée et sans l'avoir même étudié...Nous sommes au seuil d'une dictature parlementaire à laquelle il est urgent de s'opposer, Non par l'absentéisme mais par une présence revendicative, s'opposant ouvertement à de telles dérives... De grâce, messieurs les députés, retournez sous la coupole de l'ANC, ne laissez pas l'avenir de la Tunisie entre des mains imprudentes ! A vos postes et faites barrage à cette mainmise sur l'Assemblée constituante, organe suprême, censé servir notre pays tout entier !