Par Khemais FRINI* Quand les règles du jeu démocratique sont claires, les compétitions politiques peuvent être positives et concourir au bien général de la Nation.. Les exemples de bipolarisation sont nombreux dans les vieilles démocraties...Deux grands partis dominent généralement la vie politique ; l'alternance au pouvoir étant un des fondamentaux de la démocratie. Cette bipolarisation est souhaitée car elle est d'ordre politique et concerne le modèle de développement, la répartition des richesses et la participation de la société à l'effort national de croissance ... Les divergences d'ordre politique entre les diverses composantes de la société démocratique est une donnée incontournable et sans gravité dès lors que les principes républicains régis par la Constitution sont respectés. 0n constate assez souvent que les deux grands partis finissent par faire front commun à chaque fois que la République est menacée. C'est la bipolarisation à l'endroit. Si les rapports entre les politiciens, quelles que soient leurs divergences, apparaissent empreints de bienséance et de courtoisie, il n'en est pas de même quand les antagonismes sont d'ordre idéologique ( racial, sexiste, tribal, et surtout religieux....). Dans ce cas c'est la violence, verbale et parfois physique, qui, hélas, remplace la courtoisie et la bienséance. Ces antagonismes engendrent nécessairement la haine et l'exclusion de l'Autre, notamment quand toutes les voies et issues du dialogue se referment suite à la mauvaise interprétation des références religieuses ou culturelles auxquelles on s'accroche souvent, en croyant détenir la vérité absolue. Quand on n'accepte pas l'opinion de l'Autre parce que l'on croit détenir la vérité absolue, il ne reste plus pour les antagonistes que la violence pour imposer leur opinion. Les clivages d'ordre idéologique, relayés sur nos écrans de télé, ne sont pas de nature à tranquilliser le citoyen sur son devenir... Leur impact sur la paix civile est plus grave qu'on ne le croit. Les médias devraient éviter d'engager, au nom de la liberté d'expression, des débats avec ceux-là mêmes qui s'attaquent, par leur discours codé, aux biens et à la liberté du citoyen et aux forces de la République. Une société contient toujours dans ses rangs des extrémistes et /ou des anarchistes, hooligans et autres folklores de ce type mais les démocraties se distinguent précisément par la puissance publique toujours autonome des velléités partisanes et dont la mission est de servir l'ordre public et la justice entre les citoyens... Le bras de la République doit être toujours levé sur la tête de tous les citoyens sans discrimination. Dans les démocraties, la puissance publique est au service du peuple et non des partis, fussent-ils légitimement élus. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui (article 4 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme) Donc ce qui limite la liberté c'est la liberté. C'est-à-dire la liberté de l'Autre et non les croyances de l'Autre.On saisit aisément que la liberté ne peut en aucun cas être limitée par les croyances d'autrui. Si l'on oppose ses propres croyances pour limiter la liberté de l'Autre, on exerce de facto sur l'Autre une oppression. La vraie problématique de la bipolarisation chez nous ne se situe pas dans le domaine politique mais idéologique hélas. Dès lors que le paysage politique et associatif comprend des structures idéologiques organisées, il est incontestable que la bipolarisation pose problème. Autant la bipolarisation politique peut être constructive, autant la bipolarisation idéologique est néfaste à la cohésion de la société. Tant que des partis politiques n'ont d'autre référentiel que le bien-être des citoyens d'une même Nation, nous sommes devant une bipolarisation utile à la démocratie. La question devient inquiétante lorsqu'un parti repose sur un référentiel religieux s'alliant à une confrérie étrangère sans ancrage nationaliste solide. Malgré ses déclarations par-ci par-là pour rassurer l'opinion C'est le cas des partis religieux : un parti islamiste a souvent la prétention d'être démocratique et modéré. Des prétentions souvent démenties par les actes contraires aux intérêts nationaux. A la Manouba, on s'est permis d'outrager le drapeau national, de l'enlever et de le remplacer par le drapeau noir de la confrérie. Cela est en soi une véritable déclaration de guerre, venue annoncer tous les déboires que vit actuellement la Nation avec le terrorisme et suscitant un grand émoi auprès des Tunisiens. Pour toutes ces raisons et pour éviter de nouveau toute collusion et toute intelligence avec les courants extrémistes, le parti islamiste Ennahdha doit faire rapidement son autocritique et s'inscrire sans hésitation dans une logique politique et démocratique s'il veut assurer sa pérennité. Il ne peut plus persister dans le grand écart qu'il déploie entre la société tunisienne tout entière et les groupuscules idéologiques qui se réclament de sa mouvance et qui sont éparpillés de par le monde islamique. Des prémices rassurantes sont apparues à l'occasion de l'adoption de la Constitution. Pourvu que cela ne soit pas sporadique. D'autres épreuves sont à venir.. N'ayant pas réussi à prouver sa capacité à gérer les affaires publiques avec des propositions économiques et sociales cohérentes, il doit accepter l'alternance du pouvoir très probable dans la Tunisie démocratique. Cela suppose qu'au sein de ce parti, il existe des hommes parmi ses cadres et ses adhérents prêts à se recycler et à se débarrasser des caciques de leur parti, fussent-ils placés au premier rang de la hiérarchie. Ennahdha ne peut poursuivre encore longtemps son soutien sectaire à des confréries étrangères. Celles-ci étant en contradiction flagrante avec l'intérêt du pays et ne s'adaptent pas à la réalité et aux aspirations de la société. La bipolarisation est aujourd'hui claire : elle se situe entre les Tunisiens musulmans depuis leurs aïeuls et l'Islam politique; c'est-à-dire entre la majorité de la population avec sa diversité culturelle, religieuse et politique, et une minorité religieuse extrémiste et violente. L'Islam a toujours été en Tunisie un trait d'union entre les citoyens pendant 14 siècles, y compris les citoyens juifs et autres. Il prône la tolérance et la convivialité. L'Islam politique, quant à lui, prend ses sources d'un wahhabisme né en Orient qui prône la haine et la violence conjuguées avec son lot d'interprétations fallacieuses de la religion diffusées à force de pétrodollars. Il est empreint de violence, de terrorisme et de destruction... Ce que l'Islam a réalisé de positif dans nos contrées, l'Islam politique risque de le démolir méthodiquement... L'Islam politique est le vrai danger qui guette la religion musulmane.. L'Islam politique agit contre l'Islam dans l'absolu. C'est incontestablement un facteur de division et de «fitna» Les jeunes Tunisiens embrigadés par un lavage de cerveau systémique et embarqués contre leur propre vouloir par un système mafieux international de confrérie sauront-t-ils se rendre compte à temps de leurs erreurs et se rattraper ? Toute la société doit se sentir impliquée pour éradiquer cette agression internationale terroriste. L'ajustement doctrinal du parti Ennahdha sera fait en cessant toute obédience étrangère, à commencer par abandonner d'arborer des signes tels que les quatre doigts et le pouce plié qui symbolise des évènements se déroulant en terre étrangère Enfin apprendre également à se situer dans le contexte de construction. Situer la bipolarisation, comme le font certains démocrates crédules, sur le plan d'un rapport de force entre deux partis capables à eux seuls de tout accaparer est une vraie fausse idée. Le jour où tout ceci se réalise dans les faits et que le parti Ennahdha se serait parfaitement intégré dans les aspirations nationalistes de Tunisiens, la bipolarisation sera d'ordre politique et sera la bienvenue. En attendant, tous les démocrates et la société civile doivent persévérer dans leur vigilance. Car ce qui est demandé aux démocrates, pour ne pas tomber dans les revers du 23 octobre, c'est de s'unir pour des objectifs sociétaux plus qu'électoraux... Si les islamistes d'Ennahdha les rejoignent dans cette démarche, ce sera tant mieux pour le pays. Ainsi on parviendra ensemble à parachever l'élan retrouvé depuis l'adoption de la constitution, fruit d'une lutte sans répit de la société civile. *(Ingénieur ISEP-Paris)