Donner des tribunes médiatiques à des terroristes ou à leurs théoriciens, mentors et parrains est inadmissible. La liberté ne saurait faire le lit du fanatisme meurtrier et de l'apologie de la haine La nouvelle donne sociopolitique est déroutante à plus d'un titre. Le pays est en proie à des convulsions préfigurant des chamboulements majeurs. N'empêche. L'Etat et les structures gouvernementales en général sont à la traîne des événements. L'enceinte des associations et la scène médiatique aussi. Ces derniers jours, la question des jihadistes tunisiens en Syrie en interpelle plus d'un. Ils sont des milliers à participer à un conflit particulièrement sanglant. La folie meurtrière y atteint des seuils démentiels. Le laxisme, voire l'appui patenté des deux gouvernements de la Troïka sortante, a contribué à en faire un phénomène massif. Le prêche pour le jihad en Syrie n'a guère été l'apanage des imams de la haine qui ont essaimé dans des centaines sinon des milliers de nos mosquées. Il a même été entonné par de hauts responsables gouvernementaux, l'ancien ministre des Affaires religieuses en prime. Les filières locales et internationales de recrutement de jihadistes tunisiens en Syrie, dont les malheureuses femmes et fillettes enrôlées dans le jihad dit du nikah, ont opéré en toute quiétude et impunité. Au vu et au su de tous. Le noyautage de la police par des séides d'Ennahdha a envenimé la situation. Du coup, des milliers de Tunisiens forment des légions entières dans les colonnes de la mort à tout vent en Syrie. Ils seraient à plus de 90 pour cent enrôlés dans les rangs d'Al Qaïda en Syrie. Leur retour au pays fait frémir. D'autant plus que le ministère de l'Intérieur n'y semble guère préparé. Des dizaines de jihadistes tunisiens de retour de Syrie se sont étrangement évanouis dans la nature. Qu'a-t-on fait pour y parer ? Strictement rien. On ose espérer que la «nouvelle stratégie pour contrer le terrorisme» annoncée par le ministre de l'Intérieur englobe cette question fondamentale. Tissu associatif noyauté Et si ça ne tenait qu'à ça ! Les évolutions inquiétantes menacent ailleurs. Le tissu associatif a été littéralement noyauté par des groupuscules prônant la guerre sainte. Ils évoluent dans certains quartiers populaires comme un poisson dans l'eau. Ils disposent de ressources financières faramineuses. Des millions de dollars et d'euros en grosses coupures circulent sous le manteau, particulièrement dans l'arrière-pays. Les techniques de recrutement, d'enrôlement et de lavage des cerveaux s'adossent à un pactole financier aux origines transnationales douteuses. Pourtant, le gouvernement laisse faire. Au nom de la liberté. Idem pour l'enceinte médiatique. Des partisans à peine déguisés de groupuscules de la haine s'y exhibent volontiers. Par moments, leurs discours deviennent codés, à l'intention de leurs parrains ou tout simplement des maîtres du jeu de la nébuleuse terroriste. Certains l'ont relevé ces dernières semaines. Le terrorisme cathodique pointe son nez. Lorsqu'untel, sur un plateau télévisé, fait l'apologie de Ben Laden, ce n'est guère fortuit. C'est un appel à Al Qaïda en bonne et due forme. Et il le fait en toute liberté. Sans que les protagonistes ne s'en rendent compte. Ailleurs, des cheikhs autoproclamés comme tels haranguent des troupes invisibles. L'enceinte médiatique est instrumentalisée à des fins sectaires et secrètes. En toute impunité. Et le plus souvent à l'insu de tous. Face à ces développements nouveaux, un code de bonne conduite est nécessaire. Donner des tribunes médiatiques à des terroristes ou à leurs théoriciens, mentors et parrains est inadmissible. La liberté ne saurait faire le lit du fanatisme meurtrier et de l'apologie de la haine. La démocratie n'est pas le tremplin du terrorisme. La Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica), ainsi que les conseils de rédaction devraient se pencher sérieusement sur ces phénomènes. Voilà, le drame est campé. L'on se retrouve avec tous les ingrédients qui ont préfiguré la décennie noire en Algérie. Ils avaient les «Afghans», nous avons les «Syriens». Ils ont dû affronter les escadrons de la mort au nom du sacré. Nous faisons face aux mêmes faisceaux islamo-fascistes. Ils étaient pris au dépourvu. Ça leur en a coûté près de deux cent mille morts. Nous sommes prévenus et nous récoltons déjà les sinistres moissons de la mort. Un homme prévenu en vaut deux, dit-on. Les consciences chloroformées redoublent le nombre des victimes.