La Société tunisienne de psychiatrie a accueilli, samedi dernier, à l'hôpital psychiatrique Razi, le Pr Thierry Bottai, chef du pôle psychiatrique en France. La visite du spécialiste avait pour finalité de présenter, dans le cadre d'un échange d'expériences entre les psychiatres français et tunisiens, une thérapie préconisée pour le traitement de la bipolarité. La thérapie interpersonnelle et d'aménagement des rythmes sociaux (Tipars ) est vantée comme étant une prise en charge complémentaire et efficiente, susceptible d'améliorer le pronostic médical des patients atteints de troubles de l'humeur ou encore de troubles bipolaires. La bipolarité est définie comme une pathologie psychiatrique dont la prévalence ne dépasse pas le 1%. Elle est basée sur l'alternance d'épisodes dépressifs et autres, maniaques ou encore hypomaniaques. L'alternance des épisodes se traduit par des changements d'humeur flagrants qui altèrent le quotidien des personnes bipolaires. Selon le Dr Sébastien Seguin, un épisode dépressif est généralement caractérisé par plusieurs symptômes, dont un état de tristesse, la perte de tout intérêt, un sommeil perturbé ou de mauvaise qualité, un appétit instable, une incapacité à se mettre en action, un discours ralenti, voire pauvre, une estime de soi négative, une certaine irritabilité, des idées morbides ou suicidaires ainsi qu'un changement de poids. A ces épisodes s'opposent ceux, maniaques. Ces derniers s'étalent sur une semaine environ. Ils transforment le malade en une personne euphorique ou irritable. Les symptômes propres à cet épisode nous présentent une personne d'un tonus excessif, qui s'engage démesurément dans des activités agréables comme le shopping ou autres. La phase maniaque se caractérise, en outre, par la réduction du temps du sommeil, tout en ayant l'impression d'être en pleine forme. Le relationnel est dans ce cas placé sous le signe d'une sociabilité exagérée. Le malade n'accorde plus d'intérêt aux inhibitions et affiche même un comportement impudique. Son discours semble accéléré et fort. Son estime de soi est amplifiée. Quant aux épisodes hypomaniaques, ils sont décelés à travers la réduction du temps du sommeil, une sociabilité plus importante que d'habitude, des activités physiques ou psychiques. C'est suivant l'alternance entre ces trois pôles d'humeur que s'articulent les différents types de bipolarité. Aussi, les personnes sujettes à l'alternance entre les épisodes dépressifs et maniaques souffrent-elles de bipolarité de type 1 ; soit la plus compliquée des bipolarités. Les bipolaires de type 2 endurent l'alternance entre des épisodes dépressifs et d'autres hypomaniaques. Quant aux cyclothymies, elles résultent de la successivité de périodes d'hypomanie et de dépressions légères. Pour le Pr Bottai, la bipolarité se trouve nettement favorisée par le dysfonctionnement social et relationnel ainsi que par une instabilité rythmique qui renforce le développement et le maintien des troubles de l'humeur. Accepter sa maladie en trois temps Traiter la bipolarité implique l'admission d'un traitement médicamenteux, à base de thymo-régulateurs. Toutefois, la recherche psychothérapique a permis, depuis quelques années, de prouver l'efficacité d'une thérapie psychologique, consistant à prendre en charge le malade et à l'impliquer dans un processus interpersonnel et d'aménagement des rythmes sociaux qui lui sont propres. La Tipars s'inscrit dans cette optique. Elle est menée selon une approche tri-disciplinaire : une étape interpersonnelle, une étape d'aménagement des rythmes sociaux et une étape psycho-éducative. La phase initiale compte 3 à 4 séances hebdomadaires. Elle incite le malade à accepter le diagnostic et le statut de patient, à reconnaître les symptômes de sa maladie et à ouvrir la voie à l'exploration des dysfonctionnements interpersonnels. L'orateur recommande d'entamer cette étape durant l'un des épisodes aigus, et ce, pour garantir une meilleure intervention thérapeutique. Les premières séances sont généralement axées sur les symptômes. Le psychothérapeute s'engage dans un travail minutieux, visant à répertorier les troubles et les réponses aux traitements antérieurs ; repérer les symptômes et identifier le domaine de dysfonctionnement à traiter. Encore faut-il insister sur l'indispensable implication du malade dans cette démarche thérapeutique. En effectuant lui-même l'évaluation des routines quotidiennes, le patient finit par apprendre l'importance de ces repères dans sa vie et dans le traitement de sa maladie. «L'évaluation abrégée des rythmes sociaux hebdomadaires est l'épine dorsale de la thérapie», souligne le Pr Bottai. La phase initiale de la thérapie s'achève sur la représentation du relationnel du patient. Ce dernier, en usant d'un stylo et d'une feuille de papier, se représentera comme une croix centrée, autour de laquelle s'articulent les relations qu'il entretient avec son entourage. Lesquelles relations seront étudiées par la suite. La phase intermédiaire de la Tipars s'étale entre 7 et 9 séances durant lesquelles le thérapeute se penche sur l'un des quatre domaines de référence, notamment le deuil non résolu d'une personne chère, l'isolement ou le déficit relationnel, les conflits interpersonnels et les changements ou transitions des rôles. L'idée étant d'être prêt à renoncer aux évènements et aux facteurs susceptibles de développer et de maintenir les troubles de l'humeur et de les remplacer par une nouvelle orientation, certifiée comme étant positive. Ainsi, le malade s'engage à relever le deuxième défi, celui d'aménager ses rythmes sociaux en définissant les plus instables et en fixant des objectifs raisonnables. L'orateur en cite, à titre d'exemple, l'heure du sommeil. L'idéal est de dormir entre 7 et 9 heures, ce qui n'est pas toujours évident pour une personne bipolaire. La phase finale de la thérapie permettra de mesurer le degré de progression quant à la normalisation du rythme quotidien. Une thérapie de maintenance serait recommandée à la fin de la Tipars afin de prévenir les épisodes bipolaires et leur «cyclicité».