Par Abdeljelil KAROUI Je ne suis ni un journaliste qui aurait mené une enquête minutieuse sur la question ni un économiste capable de faire une évaluation objective avec toutes ses implications dans plus d'un secteur. Je prétends tout simplement livrer quelques observations de bon sens. D'abord un constat qui est un véritable paradoxe : un Etat en passe de faire banqueroute et l'argent qui coule à flots. Voilà qui ne mérite même pas de démonstration. Il suffit de songer aux chantiers qui poussent partout : villas agrandies ou remplacées par des immeubles en dépit des cahiers des charges, appartements qui se vendent parfois pour un million de dinars et qui trouvent preneur, un parc automobile qui se développe sans répit et une consommation effrénée avec une importation sans restriction, y compris des produits superflus. Pour remédier à cet état de chose, une réforme de la fiscalité s'impose comme une urgence. En attendant, voyons ce qu'il est possible d'entreprendre au niveau des municipalités, à un moment où le pays est littéralement envahi par les immondices. Il semble que les caisses des municipalités soient vides et le peu de moyens dont elles disposent leur vient des subventions accordées par l'Etat. Comment s'explique cette carence dans la collecte des taxes ? D'abord par un manque de communication, certains jeunes couples ne soupçonnent même pas l'existence de cette taxe, d'autres sous prétexte de n'avoir pas reçu un avis de paiement ne s'en acquitteront pas, d'autres enfin, plus scrupuleux, se présenteront dès le mois février et ne pourront payer, parce que, leur dit-on, les dossiers ne sont pas encore prêts. Ils reviendront au mois de mars, mais certains peut-être ne reviendront plus. Le manque d'information est patent. Pourquoi ne pas faire comme Tunisie Télécom : rappeler l'échéance de paiement par téléphone après avoir envoyé un avis. Faute de résultat, le recours au porte à porte pourrait être envisagé. Pour ce surplus de vigilance, le personnel ne manque pas. En effet, chaque recette municipale comporte un caissier ainsi que deux ou trois fonctionnaires qui travaillent au ralenti faute de citoyens qui se présentent. Mais si le travail venait à augmenter, suite à ces dispositions nouvelles, il serait sans doute possible et souhaitable de détacher autant de fonctionnaires qu'il faut parmi les milliers recrutés en surplus dans l'administration publique, pour aider à la perception de la taxe municipale. Au problème du manque de communication, s'ajoute un autre celui du taux de la taxe. Le calcul se fait en fonction de la superficie du logement quel qu'en soit le quartier pourvu que soient remplies certaines conditions : éclairage public, rue macadamisée, trottoir, égouts. Mais selon toute évidence, pareilles conditions ne suffisent pas pour établir une parité entre différentes résidences : il y a une différence entre la cité Ibn Khaldoun ou Ettadhamen et les résidences de Gammarth, du lac, d'Ennasr, etc. Voilà donc une révision à faire concernant les quartiers chics ou cossus. Une autre révision serait la bienvenue. Elle consiste à rétablir ce qui a existé dans les années 80 : une taxe plus substantielle pour tout ce qui touche les appartements ou villas à louer. Il fut un temps où la municipalité percevait l'équivalent du loyer d'un trimestre, ce qui est excessif, injuste et à la limite peu productif, car les gens, par toutes sortes de subterfuges, trouvaient le moyen d'y échapper et finalement une minorité payait pour tous ceux qui s'y dérobaient. Ce qui conviendrait, à mon gré, de proposer serait non point une taxe de 3 mois de loyer, mais seulement de 15 jours, c'est-à-dire le 1/6e. Pour être plus concrets, prenons quelques exemples. Un studio de 40 m2 à El Menzah qui serait loué à 350 D par mois paierait une taxe annuelle de la moitié de cette somme 175 dt, alors que dans le système actuel, il ne paye que 15 D par référence à sa superficie. Si l'on prenait l'exemple d'une villa à Gammarth ou à la Marsa qui serait loué à 5.000 D mensuellement, la taxe serait de la moitié de cette somme. On voit bien par là, que cette manière de calculer la taxe ne gêne en rien le propriétaire qu'il soit possesseur d'un appartement cossu ou d'une bicoque, tout en dotant la municipalité de fonds substantiels qu'elle pourrait consacrer non seulement aux tâches qui relèvent directement de sa vocation : propreté, voirie... mais aussi à des œuvres sociales telles que des crèches, jardins d'enfants, piscines, parcs, maisons des jeunes, etc. Du reste, chaque municipalité comporte souvent des quartiers aisés et des zones moins favorisées. Ainsi une péréquation pourrait se faire aisément par un transfert de services vers ceux qui en ont un urgent besoin. D'ailleurs, un rectificatif du découpage municipal pourrait être envisagé de manière à ce que deux entités différentes cohabitent dans une même unité, pour que l'une puisse accélérer le développement de l'autre. Par ailleurs, aucune dispense ou exception ne doit être accordée, car les villas louées aux ambassades seraient dispensées de taxes. C'est inadmissible, puisque c'est le propriétaire tunisien qui paye la taxe et les ambassadeurs étrangers ne sont en rien concernés. Pour récapituler, il faut énergiquement engager les citoyens à s'acquitter des taxes municipales en les sollicitant par voie personnalisée (courrier, téléphone) et d'une manière collective par les médias (journaux, radios, télévisions). En plus, il conviendrait de réévaluer, à la hausse, le taux de la taxe pour les quartiers non populaires, car il est injuste que tout le monde paye pratiquement la même redevance. Enfin, il faudrait rétablir une taxe spéciale plus substantielle, mais cette fois tout à fait raisonnable, pour tout ce qui est logement destiné à la location. Ainsi quand tout aura été fait par une communication élargie et une sensibilisation à la cause citoyenne en exigeant seulement un minimum à la portée de tous, chacun selon ses moyens, le laxisme ne serait plus de mise face aux récalcitrants et la loi doit être appliquée avec la plus grande fermeté. En effet, l'exemple de la Steg et de la Sonede est assez édifiant, puisque face à l'impunité, même les plus nantis voudraient se faire offrir des services gratis.