Les révolutions sont faites pour corriger une situation anormale, périlleuse ou menaçante et remédier aux imperfections et aux anomalies sociales, économiques, politiques et culturelles d'un peuple et non pas pour semer la pagaille dans le pays et éveiller des esprits chagrins ou malveillants et ressusciter des mentalités rétrogrades. La Révolution du 14 janvier qui a fait écho dans le monde entier et a fait sortir les peuples arabes de leur léthargie n'a pas, pour autant, suffisamment agi sur les mentalités des Tunisiens quant à leurs rapports quotidiens qui semblent depuis quelques mois se dégrader au point d'influer négativement sur les comportements individuels. Aussi a-t-on remarqué une montée vertigineuse d'actes d'incivisme perpétrés sur la voie publique, sur les lieux de travail, au transport public et même dans les écoles et au sein des familles. Des actes qui étaient reprochables et condamnables juste avant la Révolution sont devenus monnaie courante juste après et ce, devant une indifférence totale de la part des gens témoins ou victimes de tels actes. Sur le plan politique L'on remarque un absentéisme flagrant de la part des citoyens lors des meetings et des assemblées organisés par les différents partis qui vont se présenter aux prochaines élections. La plupart des citoyens qui vont voter le 23 octobre, date des élections de la Constituante, ignorent les différents programmes électoraux de ces partis en compétition et ne cherchent pas à le savoir, prétextant que ces partis aspirent au pouvoir sans aucun souci pour les problèmes réels des citoyens. Une telle mentalité témoigne d'un manque de civisme et d'un comportement passif envers l'un des grands événements politiques que la Tunisie ait jamais connus, à savoir des élections libres et démocratiques. Dans le même ordre d'idées, on peut citer le cas des partis qui se voient obligés d'interrompre leurs réunions à cause d'une menace ou d'une attaque de la part d'une horde d'individus qui ne partagent pas les mêmes idées ou les mêmes projets. Pas mal d'incidents de ce genre ont eu lieu un peu partout dans les régions du pays. De tels actes sont à déplorer car ils ne consacrent pas la bonne marche vers la démocratie ! Sur le plan économique Le refus ostensible d'un grand nombre de citoyens de payer leurs impôts ou leurs taxes, oubliant souvent que c'est grâce à cet argent payé par les contribuables que les autorités pourraient réaliser les projets de développement. Depuis la Révolution, des milliers de citoyens ont rechihné à s'acquitter de leurs dettes envers les municipalités, ce qui a provoqué un déséquilibre préjudiciable dans les budgets et un retard dans l'exécution d'un grand nombre de projets municipaux. Autre phénomène d'incivisme : les manœuvres frauduleuses exercées par des commerçants sans scrupules dans les marchés des fruits et des légumes ou dans d'autres activités commerciales où le client est souvent berné à cause d'une hausse illicite au niveau des prix, chose très fréquente depuis quelques mois en l'absence des agents de contrôle et de la police municipale. De même, l'installation des milliers de vendeurs à la sauvette partout et surtout aux environs des marchés et sur les trottoirs des grandes artères de la ville sans aucun respect des conditions de propreté et d'hygiène. Prendre le train, le bus ou le métro sans payer son billet est un autre acte d'incivisme qui prend de l'ampleur depuis quelques mois. Et dire que les sociétés de transport accusent un déficit budgétaire ! Sur le plan social Le foisonnement des constructions anarchiques à tous les coins de rue depuis le 14 janvier dénote une certaine attitude individualiste et irresponsable de la part de ces citoyens « hors la loi » qui profitent des circonstances exceptionnelles et du chaos qui a sévi dans le pays au niveau des services administratifs et sécuritaires pour assouvir leurs intérêts personnels. Les chantiers de bâtiment battent encore leur plein dans toutes les régions du pays et les constructions poussent chaque jour comme des champignons, sans aucun respect des nomes requises ni des droits du voisinage. Au niveau des administrations, le favoritisme continue à sévir dans pas mal de nos institutions publiques où bon nombre d'agents ou de responsables administratifs agissent par affinité ou selon leur humeur. C'est un vice endurci et qui semble incorrigible même après la Révolution. Sur la route, les actes incivils sont de plus en plus fréquents. Ces chauffards qui font fi des feux de signalisations et qui considèrent la route comme leur espace exclusif sans jamais se soucier des autres usagers, sans parler de ceux qui consomment de la bière au volant et jettent les cannettes vides sur les bords. Et ces citoyens, dans les cités populaires et même dans les quartiers résidentiels qui déversent leurs déchets ménagers n'importe où et n'importe quand, rétorquant à quiconque s'y oppose que la rue est un endroit public et que chacun a le droit d'en faire ce qu'il veut ! En voilà des manières ! Et pour clore la liste, citons ces grèves sauvages déclenchées dans nos entreprises et nos sociétés publiques et privées, ces sit-in qui s'organisent instantanément pour un oui ou un non, ces barrages dressés sur les routes en guise de contestation, ces braquages qui font plusieurs victimes chaque jour. Ce sont là d'autres cas d'incivilité qui se sont propagés sous nos cieux depuis quelques mois. C'est à se demander si le peuple tunisien a fait la Révolution pour se rétrograder ou pour progresser ! Disons-le haut et fort que rares sont les Tunisiens qui respectent, du moins actuellement, les vertus de la démocratie, cet acquis fondamental de la Révolution de 14 janvier ! Au rythme où vont les choses et tant que pas mal de citoyens foulent au pied les principes de la citoyenneté et les règles du civisme, il y a lieu de craindre pour l'avenir de notre Tunisie ! La Révolution n'est pas synonyme d'anarchie : le respect des lois et l'application des règles du civisme et de la citoyenneté sont les garants de la réussite de notre Révolution !