Les autorités publiques ont promis, après la révolution, de traiter le dossier du travail précaire en vue de trouver des solutions appropriées au profit des jeunes diplômés, mais la situation demeure encore peu reluisante... De nombreux jeunes Tunisiens diplômés de l'enseignement supérieur sont prêts, aujourd'hui, à faire n'importe quel travail pour gagner leur vie, même s'ils sont appelés à se rendre à l'intérieur du pays et à vivre dans des conditions difficiles. L'emploi précaire est encore d'actualité, aujourd'hui, même si les différents gouvernements, qui se sont succédé après la révolution, ont promis d'étudier cette question et de proposer aux jeunes des postes d'emploi durables et bien rémunérés. Plusieurs entreprises privées préfèrent faire travailler des jeunes durant une période donnée — dans le cadre des stages d'initiation à la vie professionnelle ou des contrats à durée déterminée (CDD) — avant de renouveler une partie de leur effectif en engageant de nouveaux demandeurs d'emploi. Les stages d'initiation ont donc été détournés de leur objectif initial qui consiste à familiariser les nouvelles recrues avec le milieu professionnel pour un éventuel recrutement au sein de l'entreprise. Cette situation arrange de nombreux chefs d'entreprise car ils ne sont pas tenus de payer le salaire que mérite un employé intégré qui a le droit à tous les avantages sociaux comme la couverture sociale, le congé payé et les primes. Certes, certains managers qui passent par des difficultés financières sont obligés d'opter pour le recrutement des travailleurs temporaires pour effectuer des tâches déterminées. Ce genre de recrutement permet d'alléger un tant soit peu les charges salariales. Une situation financière contraignante Pourtant, on exige souvent un certain niveau d'études — comme la maîtrise, le brevet de technicien supérieur voire le diplôme d'ingénieur — pour effectuer des travaux pénibles au sein de l'entreprise ou à l'intérieur du pays avec des déplacements fréquents. Dévoués, les jeunes diplômés ne trouvent pas d'inconvénient à exercer un emploi provisoire dans l'attente de dénicher un poste stable et garantissant les droits sociaux. Cette attente peut durer des années sans que le jeune ne trouve l'offre qui lui convient. Dans nombre d'entreprises relevant du secteur public et des communes, les travailleurs contractuels et de sous-traitance ont été intégrés et bénéficient de tous les avantages. Dans d'autres entreprises publiques — comme c'était le cas à Tunisair — des plans sociaux ont été appliqués après études des différents cas en vue de licencier certains employés, ce qui a permis d'alléger la masse salariale. Les emplois précaires touchent donc tous les secteurs et sont dus notamment à une situation financière contraignante de l'entreprise. Pour subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles, les jeunes sont donc obligés d'exercer n'importe quel travail même si la rémunération est modique. Plusieurs entreprises souhaitent d'ailleurs continuer à faire appel à des emplois sous forme de sous-traitance ou travail temporaire pour un salaire moindre. Malgré les programmes proposés aux jeunes — par les différents organismes de financement — afin qu'ils prennent l'initiative et s'installent à leur propre compte, de nombreux diplômés préfèrent travailler dans une entreprise de la place car ils ne disposent pas du fonds de roulement ou des garanties à présenter aux banques pour bénéficier d'un crédit. Tous les abus sont permis En outre, ces jeunes ne sont pas bien informés des programmes avantageux proposés par les mécanismes et instruments disponibles destinés à stimuler la création de micro-entreprises sans demander des garanties. Ils exigent seulement une compétence dans la spécialité à exercer et un engagement à se consacrer entièrement au projet. La Banque tunisienne de solidarité et la Banque de financement des petites et moyennes entreprises, à titre d'exemple, sont parmi les bailleurs de fonds qui offrent des avantages aux jeunes, désireux de s'installer à leur propre compte. Ces promoteurs ont droit à des crédits bonifiés. Une étude a été élaborée récemment en collaboration avec des organismes internationaux de travail relative à l'emploi précaire en Tunisie. Elle a relevé plusieurs défaillances au niveau des entreprises dont plusieurs ne respectent pas la législation en vigueur en matière de droit au travail. Ainsi, certains employés sont chargés par leurs supérieurs d'accomplir des tâches qui ne correspondent pas à la spécialité apprise au sein de l'université ou du centre de formation professionnelle. On a compté aussi des travailleurs qui ne bénéficient pas de leur droit au repos annuel et n'ont pas droit à toutes les primes dues. Le salaire est parfois fixé par l'employeur sans tenir compte de la réglementation en vigueur. Les femmes sont aussi lésées et travaillent pendant des années sans obtenir leurs droits. Les travailleurs sont obligés d'accepter une telle situation car ils n'ont pas le choix ou ne sont pas bien informés des avantages auxquels ils ont droit selon le Code du travail. Sous prétexte que la situation financière de nombreuses entreprises — dont certaines ne disposent même pas d'un syndicat ou d'une commission paritaire vu leur taille — n'est pas équilibrée, tous les abus sont permis. Il n'est pas toujours aisé d'inciter celles-ci à titulariser un employé qui a effectué un stage de quelques mois ou d'effectuer de nouveaux recrutements. D'ailleurs, le taux d'encadrement dans certaines entreprises ne dépasse pas les 7%! Pour lutter contre le travail précaire, des recommandations ont été formulées par des organisations internationales spécialisées comme le Bureau international du travail. Ainsi, les entreprises sont appelées à déployer plus d'effort pour valoriser leurs produits en prospectant de nouveaux marchés locaux et extérieurs. Les produits doivent respecter les normes en vigueur relatives à la qualité, au respect de l'environnement, à la sécurité des consommateurs et au bien-être des travailleurs. La responsabilité sociétale comporte, d'ailleurs, ces différentes normes qui ne sont pas toutes appliquées.