Par M'hamed JAIBI Les jeux sont faits. Chacun va voter, dimanche, en son âme et conscience, pour la liste qu'il pense correspondre à sa vision de l'intérêt supérieur du pays. La parole est aux urnes. C'est à elles que reviendra la décision finale de ce qu'il en sera de notre Assemblée pour cinq ans. Quoi qu'il en soit, la future Assemblée sera une mosaïque fortement plurielle, dont il sera laborieux de dégager une majorité évidente. Car plusieurs outsiders semblent grignoter sur les prétentions des deux grands : Ennahdha et Nida Tounès. Ces start-up qui se nomment Courant démocratique, Wafa, Afek Tounès... ne font pas que narguer les grands, elles disputent à des forces conventionnelles comme le Front populaire, le Parti républicain ou l'Union pour la Tunisie, des suffrages qui semblaient acquis mais qui aspirent à un changement prometteur, au risque de faire un mauvais choix ou de passer à côté d'un «vote utile». Les sondages secrets sont multiples mais interdits de publication. Leurs pronostics sont contradictoires et très divers, mais ils placent invariablement les deux grands largement en tête, tantôt l'un tantôt l'autre. Suivent toutes sortes de combinaisons impossibles à déchiffrer quant aux perspectives d'une majorité claire autour de l'un ou l'autre des grands. C'est au parti qui aura le plus grand nombre de députés qu'il reviendra, en principe, de former le prochain gouvernement, à la condition qu'il puisse se dégager une majorité absolue au sein de l'Assemblée. Ennahdha affirme qu'elle optera, quel que soit son score, pour un gouvernement de large union nationale. Nida Tounès ne cesse de rappeler que deux «projets de société inconciliables» sont en concurrence, et qu'il s'alliera aux porteurs du projet moderniste : UPT, Afek Tounès, Al Moubadara... Deux importantes forces modernistes peuvent, à ce niveau, peser dans la balance, par-delà leurs options économiques opposées : le Front populaire et Afek Tounès. Le choix d'alliance de ces deux partis pourrait conditionner la configuration de la nouvelle Assemblée du peuple. Ennahdha a, dans ce sens, lancé des fleurs, ces derniers temps, au Front populaire, allant jusqu'à parrainer son candidat à la présidentielle par le biais de deux de ses députés, ce alors que le CPR rappelle à corps et à cri que le FP était partie prenante du «mouvement du 18 octobre» 2005, ainsi d'ailleurs que le Parti républicain qui affiche parfois des velléités de rapprochement avec Ennahdha, comme ce fut le cas lors des débats en vue du choix du Premier ministre consensuel. Quant à Afek Tounès, certains observateurs estiment qu'il pourrait bien être charmé par un programme d'inspiration libérale proche des recommandations de la Banque mondiale et du FMI, quel qu'en soit le porteur. Restent deux inconnues, Ettakatol et le CPR. Ce dernier, dont se démarque même son fondateur, Moncef Marzouki, a choisi la radicalisation, rejoignant son enfant naturel Wafa. Par contre, Ettakatol aborde, bien que collant dans les esprits à son alliance historique avec Ennahdha, un tournant mettant en exergue ses références modernistes et ses valeurs démocratiques d'inspiration universelle. Serait-ce suffisant pour renouer avec ses scores de 2011 ?