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Aziz Krichen: «Ma famille ne se réduit pas à la Troïka
Publié dans Leaders le 08 - 01 - 2014

Quel rôle l'élite doit-elle occuper dans la Tunisie d'aujourd'hui? L'élite, qu'elle soit intellectuelle ou économique, a toujours existé, sa contribution a évolué avec la situation du pays. Dans l'ancien régime, elle a eu des visages multiples.
Un projet alternatif, porté par les patriotes et les démocrates, au-delà des clivages idéologiques et de la bipolarisation, est indispensable d'urgence pour la Tunisie, estime Aziz Krichen. Premier conseiller auprès de Moncef Marzouki à la présidence de la République, fort de ses 40 ans de militantisme, homme libre dans sa pensée comme dans ses propos, il met en garde contre les tentations hégémoniques et les risques de dérives autoritaires. Appelant à une large union nationale pour construire la démocratie, il annonce dans cette interview son intention de s'impliquer totalement dans l'élaboration d'une telle alternative. Au passage, il s'explique sur les raisons de sa démission du CPR, tout en restant à Carthage ; il revient sur sa critique publique du Livre noir, évoque ce qu'il considère comme le fait le plus significatif accompli durant ses deux années à la Présidence et sa plus grande frustration, ainsi que ses relations de travail avec Marzouki. Il lève enfin le voile, ne serait-ce que partiellement, sur le complot dénoncé cet été. Interview.
Comment pouvez-vous à la fois rester premier conseiller auprès du président de la République et démissionner de son parti?
Il y a aujourd'hui beaucoup de confusion dans le pays. Les gens mélangent deux choses très différentes : l'activité partisane et le service de l'Etat. Je suis hostile à l'orientation actuelle du CPR. N'ayant pas réussi à le faire changer de position, je le quitte – pour rester en conformité avec mes propres convictions. Quand le Président m'a appelé à ses côtés, il y a deux ans, je n'étais d'ailleurs pas membre du CPR ; je retrouve par conséquent ma situation initiale. La politique de la Présidence ne se décide pas au BP du CPR.
La polarisation de la vie politique est telle que les gens sont obnubilés par les querelles partisanes, oubliant qu'il y a l'Etat, que je place au-dessus de tout, et que cet Etat doit continuer à fonctionner. Je donnerai un seul exemple : une des missions essentielles de la Présidence, à travers le Conseil de sécurité nationale, est de veiller à la sécurité du pays et des citoyens, en organisant notamment la lutte contre le terrorisme. Quand on participe à ce Conseil, on ne s'amuse pas à démissionner. On accomplit son devoir, indépendamment de ses états d'âme.
Qu'est-ce qui vous oppose au CPR?
Je me suis fait la promesse d'en informer en priorité les militants. La question essentielle, c'est le sectarisme, le refus de comprendre que le contexte actuel est plein de dangers et que le pays a besoin d'être rassemblé et non pas divisé. Je n'en dirai pas plus pour le moment.
Deux ans passés à Carthage, quel fait majeur significatif revendiqueriez-vous le plus?
Le jour où l'on dressera le bilan de cette période, on ne mentionnera pas un fait précis, mais une orientation générale. Chaque fois que le pays s'est trouvé confronté à une situation de crise – nous en avons connu cinq ou six sérieuses – je me suis efforcé, aux côtés du Président, de favoriser une solution négociée, consensuelle, rejetant le passage en force et la fuite en avant. Bref, j'ai cherché à rassembler, jamais à séparer. C'est dans cet esprit que j'ai agi pour imposer des personnalités indépendantes dans les ministères de souveraineté après la démission du gouvernement Jebali ; c'est dans cet esprit aussi que j'ai participé au dialogue entres partis au printemps dernier; c'est dans cet esprit enfin que j'ai demandé publiquement, dès le 5 août dernier, le départ du gouvernement Laarayedh et son remplacement par un gouvernement d'union nationale. Dans les situations de transition, la tentation de l'affrontement peut être suicidaire. On sait quand ça commence, on ne sait pas quand ni comment ça peut finir.
Et votre plus grande frustration?
Que l'image de la Présidence ait fini par être contaminée par les clivages idéologiques qui divisent le pays ; que l'on n'ait pas toujours su maintenir une position d'unité et de rassemblement, qui transcende la bipolarisation. Il faut dire que l'on n'a pas été beaucoup aidés par les uns et les autres. Les ministres CPR du gouvernement assument à cet égard une lourde responsabilité.
Vous avez nettement pris vos distances à l'égard du Livre noir et dénoncé sa publication
J'ai en effet critiqué cette initiative, je ne vais donc pas y revenir. J'aimerais cependant ajouter qu'elle a eu une conséquence indirecte très positive : elle a rendu nécessaire l'adoption par l'ANC du projet de loi sur la justice transitionnelle, un projet laissé dans les tiroirs depuis des mois. C'est en quelque sorte un mal pour un bien.
En fait, vous n'êtes pas dans les règlements de comptes et les clivages, mais pour une large union
J'ai œuvré ma vie durant pour la révolution et la chute de la dictature. Quarante-huit heures seulement après le 14 Janvier, j'ai évoqué dans une lettre ouverte, depuis mon exil en France, la nécessité d'un large front uni, mettant en garde contre le risque de se laisser entraîner dans les clivages identitaires. En mars 2011, j'ai rédigé un long texte programmatique intitulé précisément « Où réside le devoir: dans la division ou dans l'unité ? » Deux mois plus tard, j'allais encore plus loin. M'adressant aux dirigeants des partis ayant formé l'ossature du Collectif du 18 octobre 2005, j'ai appelé à aller ensemble aux élections, dans le cadre de listes communes, pour qu'il n'y ait ni vainqueurs ni vaincus parmi l'ancienne opposition à Ben Ali. Faute de quoi, pronostiquais-je, nous allions consacrer nos énergies à nous combattre les uns les autres,
au lieu de travailler en commun à la réalisation des objectifs de la révolution. Malheureusement, mes mises en garde n'ont pas été entendues tout de suite.
Dès le départ, j'étais convaincu que cette unité était indispensable pour maintenir le cap, démanteler le système de l'ancienne dictature mafieuse, jeter les fondements d'un Etat de droit, tout cela en apprenant à vivre ensemble, y compris en se contrôlant mutuellement. Après les élections du 23 octobre, je n'ai jamais considéré que mes amis ne pouvaient se trouver qu'à l'intérieur de la Troïka et que je n'avais que des ennemis dans l'opposition. Je n'ai jamais succombé à un tel manichéisme. Il y a une différence radicale entre les règles du jeu dans une démocratie pleinement constituée et les règles pour une démocratie à construire.
Votre position auprès de Marzouki ne doit pas être facile
Votre question n'a pas beaucoup de sens. Je suis engagé en politique depuis plus de 40 ans, depuis 1966 très exactement, année de mon premier emprisonnement. On ne peut pas dire que je suis inconnu au bataillon. Et tout le monde sait que je n'ai pas l'habitude de m'asseoir sur mes convictions. Je n'ai jamais été un béni-oui-oui, ni sous Bourguiba ni sous Ben Ali. Il n'y a pas de risque que je me mette aujourd'hui à pratiquer la langue de bois.
Je crois avoir été parmi les tout premiers, en janvier 2011, à appeler à l'élection d'une nouvelle assemblée constituante. Après le scrutin du 23 octobre, j'ai continuellement œuvré à l'élargissement de la Troïka, ce qui est en train de se réaliser aujourd'hui à travers la formule du gouvernement de compétences. Combattues ou incomprises au début, plusieurs de mes propositions ont fini par être traduites dans la réalité. La transition exige l'unité, mais elle exige aussi la critique et l'autocritique, sans quoi l'on se prive de la capacité de corriger ses propres erreurs. Il n'y a eu dans le monde arabe que deux vrais soulèvements révolutionnaires : le premier en Tunisie, le second en Egypte. Je félicite les Tunisiens d'avoir évité la catastrophe survenue en Egypte. Nous ne sommes ni meilleurs ni pires que les autres, nous avons commis de nombreuses erreurs, mais nous avons su maintenir le cap sur la démocratie. Ce n'est pas rien.
Comment voyez-vous les prochaines élections?
J'ai une inquiétude et une espérance. L'inquiétude, c'est la bipolarisation. Elle a eu tendance, ces trois dernières années, à s'aggraver, au lieu de s'atténuer. Nous subissons l'affrontement de deux frères ennemis, dont les querelles font obstacle au progrès politique et économique du pays depuis des décennies. Naguère, le RCD au pouvoir désignait les islamistes comme son ennemi n°1. Cette désignation faisait de ces derniers la seule alternative crédible au régime et orientait vers eux un grand nombre de ceux qu'il mécontentait, marginalisant ainsi les autres forces d'opposition.
Depuis deux ans qu'il est au pouvoir, le parti Ennahdha emploie la même technique. Il désigne Nida Tounes — où ont trouvé refuge beaucoup d'hommes et de réseaux de l'ancien régime — comme son adversaire principal. Cette légitimation officielle a produit des résultats semblables : elle a poussé vers le parti de BCE un grand nombre des mécontents actuels et réduit à peu de chose le reste de l'opposition.
Dans les deux cas de figure, les forces intermédiaires —composées pour l'essentiel de courants démocratiques et progressistes— se retrouvent laissées pour compte. Les destouriens forment une famille politique légitime. Tout comme la famille islamiste. Je n'éprouve à leur égard aucun sentiment de rejet ni d'exclusion. Bien au contraire. Mais je ne veux pas que la famille dont je suis moi-même issu – la famille des démocrates et des progressistes – continue à se placer à leur remorque. Je ne veux pas pour elle un rôle d'auxiliaire ni un statut de supplétif. Je le veux d'autant moins que je ne vois pas comment la transition démocratique peut s'accomplir et devenir irréversible sans une contribution décisive de sa part.
C'est à ce niveau que se situe mon espérance. Le camp démocratique est aujourd'hui fragmenté, sans programme distinctif, sans leadership incontesté. Je veux travailler à faire changer cet état de choses. Lors des prochaines élections, sans remettre en question la légitimité des uns et des autres ni la nécessité d'alliances de gouvernement les plus larges possibles, je souhaite que nous allions à la bataille sous notre propre drapeau, que nous ne soyons pas noyés dans des fronts électoraux dirigés par d'autres que nous. Je veux que nous puissions, demain, compter et peser. Cet espoir est-il réalisable? Je n'ignore pas les difficultés de la tâche. Mais je sais aussi que nous nous trouvons à un moment de notre histoire où tout s'est accéléré et où la scène politique est en pleine effervescence. Je sais également que l'alternative démocratique est attendue par de très nombreux citoyens, hors des partis et dans les partis. Je veux en tout cas consacrer à ce projet l'essentiel de mes efforts dans la période qui s'ouvre.
Dans différentes interviews à la presse étrangère, Marzouki a parlé d'un complot, mais nous n'avons entendu parler d'aucune enquête ouverte
Qui vous dit qu'il n'y a pas d'enquête ? Ces questions sont trop sensibles pour être dévoilées dans les médias. On n'en parle pas publiquement, mais on agit.
Soyez plus précis
Pour donner un éclairage indirect à cette affaire, on peut rappeler qu'au lendemain même du coup d'Etat en Egypte, certains gouvernements se sont empressés d'injecter des sommes considérables dans ce pays. Il y a des régimes, notamment au Golfe, qui ne supportent pas beaucoup nos expériences de démocratisation. Et ces régimes ont des réseaux, des clients et des moyens financiers, beaucoup de moyens. La réalité de leurs tentatives de déstabilisation chez nous est avérée.
Est-ce facile de travailler avec Marzouki?
En ce qui me concerne, oui. Et c'est même stimulant. Le Président est un homme d'une grande culture et d'une grande intelligence. Il y a entre nous une vraie relation de confiance, même si nous ne sommes pas toujours d'accord. Cela étant, je suis peut-être son premier conseiller, mais je ne suis pas plus que cela. Je le conseille, mais je ne décide pas à sa place. Je donne des avis, propose des analyses mais, en définitive, il est seul maître de ses décisions. C'est cela la règle du jeu. Et il est normal qu'il en soit ainsi. On n'a pas à le juger sur ce que je pense ; on n'a pas à me juger sur ce qu'il fait.
Tags : Aziz Krichen Moncef Marzouki CPR Ennahdha Nida Tounes


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