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Comment concilier Liberté et sécurité
Publié dans Leaders le 08 - 12 - 2015

Un sondage récent de Sigma Conseil (dont le résultat est disponible à la page 5 de ce lien : http://www.sigma.tn/Fr/image.php?id=443 ) ainsi qu'une interrogation de rue de Nessma TV (disponible sur sa page Facebook ici : https://www.facebook.com/nessmatv.tv/videos/vb.88036787794/10153467685057795 ) posent une question aux tunisiens «Êtes-vous pour ou contre renoncer à un peu de liberté contre un peu plus de sécurité?»
Les réponses ont été, dans leur écrasante majorité, positives.
Comment faut-il comprendre ce signal?
La question qui a été posée est loin d'être innocente ; elle semble être un clin d'œil à une très célèbre citation attribuée à Benjamin Franklin: «Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre». Tous les étudiants d'histoire et de philosophie connaissent cette citation, sous une forme ou une autre. Presque tous l'interprètent comme une grande vérité sur la nature de la relation entre le citoyen et son gouvernement : un contrat insensé où le citoyen délègue de plus en plus de pouvoir à l'Etat et finit par tout y perdre.
Ces personnes qui ont donc répondu à ces sondages ; ont-elles eu tort d'accepter de sacrifier un peu de liberté au profit de plus de sécurité ? Les tunisiens ne méritent-ils donc ni liberté ni sécurité ?
Au contraire. Cette réponse est la seule réponse possible, ce choix est le seul choix qui fait sens.
La base de la vie en société est d'accepter de sacrifier un peu de sa liberté contre plus de sécurité. Imaginez-vous qu'une société puisse exister si ses membres pouvaient jouir d'une liberté absolue ? La liberté de tuer quand on le désire ? La liberté de voler, de violer, de piller? La liberté de détruire? Une telle société s'effondrerait sur ses bases. La liberté absolue (ou naturelle selon Hobbs) n'est en définitive que la loi du plus fort. Le plus fort a droit à tout, le plus faible n'a droit à rien.
Non, la base du contrat social qui sous-tend une société est d'échanger une partie de sa liberté naturelle contre la sécurité, la richesse et les libertés civiles et civiques que peut offrir la vie en commun : « ce que l'homme perd par le contrat social, c'est sa liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui le tente et qu'il peut atteindre ; ce qu'il gagne, c'est la liberté civile et la propriété de tout ce qu'il possède. Pour ne pas se tromper dans ces compensations, il faut bien distinguer la liberté naturelle, qui n'a pour bornes que les forces de l'individu, de la liberté civile, qui est limitée par la volonté générale. » (Du contrat social, Jean-Jacques Rousseau).
Revenons donc à la citation attribuée à Benjamin Franklin. Comment l'un des pères fondateurs des Etats-Unis et de l'Etat fédéral eut-il pu dire une phrase qui manque tant de bon sens et qui va d'ailleurs à l'encontre de ses intérêts, lui qui a été une figure du plus grand moment centralisateur et étatisant de ce pays?
La réponse est simple : cette citation lui a été attribuée à tort. Elle est une version déformée d'une phrase qu'il a réellement écrite, et qui n'eut jamais le sens qu'on lui attribue aujourd'hui.
En 1755, en tant que représentant du parlement de Pennsylvanie, Benjamin Franklin écrit au gouverneur une lettre où apparaît la phrase suivante : « Thosewhowouldgive up essential Liberty, to purchase a little temporary Safety, deserve neither Liberty norSafety. » qui se traduit par « Ceux qui peuvent renoncer à des libertés fondamentales, pour acheter un peu de sécurité temporaire, ne méritent ni liberté ni sécurité. » Cette lettre a été écrite dans un contexte particulier . Des forces françaises et indiennes attaquaient les frontières de la Pennsylvanie. Le parlement, dans un effort pour financer la protection des frontières, a voulu lever des taxes sur les terres de la très influente famille des Penn. Le gouverneur, homme de paille des Penn, opposait systématiquement son véto à toute tentative du parlement. Ce dernier a proposé une contribution ponctuelle de la famille des Penn, suffisante pour repousser les attaques, contre son exemptions des taxes. Cette lettre de Benjamin Franklin venait en réponse à cette proposition. Il y affirmait qu'un pouvoir législatif qui renonce à son droit à s'autogouverner pour acheter une sécurité temporaire, ne mérite ni ce droit ni cette sécurité.
La citation prend donc un sens complètement opposé à celui qui lui est attribué. La liberté essentielle y est celle qu'a un gouvernement à prélever des taxes. Ainsi, prise dans son contexte, cette phrase, loin d'exhorter le citoyen à défendre ses libertés face à un gouvernement liberticide, appelle à un gouvernement plus fort qui ne plie pas sous le poids de quelques citoyens influents.
Benjamin Franklin, loin de défendre le citoyen face au gouvernement, défendait le gouvernement face au citoyen. Faut-il donc renoncer à toute liberté, déléguer au gouvernement des pouvoirs sans limites en espérant une gouvernance saine et bienveillante?
La réponse à cette question est évidente : «Renoncer à [toute] sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs. Il n'y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout. Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l'homme ; et c'est ôter toute moralité à ses actions que d'ôter toute liberté à sa volonté. Enfin c'est une convention vaine et contradictoire de stipuler d'une part une autorité absolue, et de l'autre une obéissance sans bornes. N'est-il pas clair qu'on n'est engagé à rien envers celui dont on a droit de tout exiger ? Et cette seule condition, sans équivalent, sans échange, n'entraîne-t-elle pas la nullité de l'acte ? Car, quel droit mon esclave aurait-il contre moi, puisque tout ce qu'il a m'appartient et que, son droit étant le mien, ce droit de moi contre moi-même est un mot qui n'a aucun sens ?» (Du contrat social, Jean-Jacques Rousseau)
Cette citation de Rousseau mérite de l'attention, car comme il l'avoue lui même, il «ne sait pas l'art d'être clair pour qui ne veut pas être attentif.»
Il nous place face à un paradoxe: d'un côté, la vie en société oblige à renoncer à sa liberté naturelle, de l'autre, abandonner toute sa liberté est renoncer à ce qui fait un homme et donc à ce qui fait une société. Une société se dissout donc de deux manières : quand elle se resserre, et quand elle se desserre.
Tout est alors une question d'équilibre. S'arrêter ici, c'est ne rien dire. Sans moyen de définir cet équilibre, je n'aurais écrit que deux pages de verbiage.
Heureusement, la citation de Benjamin Franklin nous donne une première réponse. Si nous la prenons hors de son contexte, comme tout visiteur de la statue de la liberté qui y verrait cette citation gravée, elle prend un sens nouveau. A la différence de sa version déformée et absolutiste, la véritable citation nous donne un moyen de trouver cet équilibre. Il réside dans les mots «essential liberty» ou en français, «libertés fondamentales».
L'équilibre est là. Une société ne doit jamais resserrer les libertés en deçà des libertés fondamentales. Réciproquement, une société ne doit jamais desserrer les libertés jusqu'à permettre à ses membres d'attenter aux libertés fondamentales des plus faibles d'entre eux.
Aujourd'hui, la corruption, le terrorisme nous forcent à resserrer les libertés. Nous concédons de plus en plus de nos libertés, et il nous faut savoir si ce que nous concédons est fondamental, nécessaire à notre essence citoyenne et humaine.
Il est de notre devoir de nous poser cette question. Nous nous devons de définir clairement nos droits et libertés fondamentaux, de séparer l'inviolable de ce que l'urgence peut nous commander d'ignorer, puis d'organiser cette inviolabilité.


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