UGTT, Abir Moussi, Chaima Issa…Les 5 infos de la journée    Une municipalité espagnole interdit Ramadan, l'Aïd et les célébrations musulmanes des espaces publics    La France condamne fermement la nouvelle extension militaire israélienne à Gaza    Violente agression d'un chien à Sousse : l'auteur placé en détention provisoire    Deux poèmes de Hédi Bouraoui    La VAR bientôt de retour : la FTF dévoile ses réformes majeures    Sébastien Delogu : reconnaître l'Etat de Palestine, un impératif politique et moral    Aucun cas de Chikungunya détecté en Tunisie, selon un expert en virologie    Entrée en vigueur des droits de douane US : l'huile d'olive tunisienne cherche de nouveaux débouchés    Zied El Heni appelle à un front national pour sauver la Tunisie    Le militantisme silencieux ne protège pas    Afflux massif au poste frontalier de Ras Jedir : plus de 4 000 entrées en 24 heures    La Palestine rejette le plan sioniste visant l'occupation totale de Ghaza    Ahmed Jaouadi : Un accueil présidentiel qui propulse vers l'excellence    Décès du comédien égyptien Sayed Sadek    Noureddine Taboubi reçoit Zied Dabbar après l'attaque contre l'UGTT    Investissements en forte hausse en Tunisie grâce au projet touristique de Jendouba    Citoyenneté mondiale selon le « WCR 2025 » : La Tunisie parmi les pays intermédiaires    GPT-5 d'OpenAI lancé : la nouvelle révolution de l'intelligence artificielle est là    Lente reprise, inflation tenace : les prévisions du Fonds monétaire arabe pour la Tunisie en 2025 et 2026    L'inscription en ligne est ouverte pour les élèves, collégiens et lycéens tunisiens au titre de l'année scolaire 2025-2026    Brahim Nefzaoui : pas de crise de viandes de volailles cette année    Météo en Tunisie : températures entre 30 et 34 au niveau des côtes et des hauteurs    Pénurie, hausses des prix et retards de paiement : les pharmacies tunisiennes en difficulté    Tunisie : un juge révoqué placé en détention pour corruption présumée    Tunisie : libération du directeur régional de la Sûreté nationale de Nabeul    Chkoundali : malgré une baisse de l'inflation, les prix de plusieurs produits de première nécessité ont augmenté    Tremblement de terre de magnitude 6,2 au large de Taïwan    Nomination d'un troisième mandataire judiciaire à la tête de Sanimed    CSS : Ali Maâloul et 7 nouvelles recrues débarquent !    Passeports diplomatiques : l'Algérie impose des visas aux Français    Tunisie Telecom rend hommage au champion du monde Ahmed Jaouadi    Le ministre de la Jeunesse et des Sports reçoit Ahmed Jaouadi    « Arboune » d'Imed Jemâa à la 59e édition du Festival International de Hammamet    JCC 2025-courts-métrages : l'appel aux candidatures est lancé !    Ahmed Jaouadi décoré du premier grade de l'Ordre national du mérite dans le domaine du sport    Faux Infos et Manipulations : Le Ministère de l'Intérieur Riposte Fortement !    Tensions franco-algériennes : Macron annule l'accord sur les visas diplomatiques    Sous les Voûtes Sacrées de Faouzi Mahfoudh    30ème anniversaire du Prix national Zoubeida Bchir : le CREDIF honore les femmes créatrices    Ahmed Jaouadi décoré de l'Ordre du Mérite sportif après son doublé mondial    La Galerie Alain Nadaud abrite l'exposition "Tunisie Vietnam"    Alerte en Tunisie : Gafsa en tête des coupures d'eau    Consulat tunisien à Benghazi : ouverture officielle !    La mosquée Zitouna inscrite au registre Alecso du patrimoine architectural arabe    Orchestre du Bal de l'Opéra de Vienne au Festival d'El Jem 2025 : hommage magique pour les 200 ans de Strauss    Le Théâtre National Tunisien ouvre un appel à candidatures pour la 12e promotion de l'Ecole de l'Acteur    Le Quai d'Orsay parle enfin de «terrorisme israélien»    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Monia Kallel: Lettre à M. Le Président de La République
Publié dans Leaders le 05 - 12 - 2019

Je n'avais nullement l'intention de m'adresser à vous qui recevez, j'imagine, des centaines de correspondances par jour. Que ferait, me dis-je, une lettre de plus ou de moins. Mais, le drame de Amdoun m'y a décidé. Parmi les 29 morts (chiffre provisoire) figure Sabrine, La jeune étudiante, inscrite en troisième année de Licence, qui est partie en "randonnée" pour ne plus revenir. Lundi, 2 décembre 2019, elle a manqué à l'appel au grand désarroi de ses camarades et ses enseignants. Je vous épargne les détails de la scène.
Mais, laissez-moi d'abord, Monsieur le Président, placer la catastrophe dans le contexte. Cette catastrophe qui, du temps de la dictature, aurait été présentée dans la rubrique des « faits divers » et reçue comme un accident quasi-naturel voire anodin ou l'œuvre du puissant Destin, provoque chez les tunisiens une onde de choc sans précédent, une forte émotion, une irrépressible colère doublées d'un débat national en vue de « délimiter les responsabilités ». Certains expliquent cedrame par ce « qui s'est passé en 2011 ». La « Thaoura »qu'ils ont pourtant applaudie ou du moins perçue comme la promesse d'une ère nouvelle, la naissance d'un Etat de droit régi par les valeurs républicaines, se nomme désormais « Ladite thaoura », le mal premier dont découlent tous les autres, et le mot devient synonyme de décadence, de désordre, et objet de moqueries, d'insultes. A l'autre extrémité du paysage politique, les islamistes exaltent la Révolution. Ils s'affichent comme ses dépositaires et ses défenseurs légitimes, reléguant leurs adversaires dans la catégorie des anti ou contre- révolutionnaires. Ce qui ne les empêche pas de proférer des propos ultraconservateurs et dedénigrer la modernité, fondatrice du mot-concept Révolution.
Cet abus de langage n'est pas nouveau. Ce détournement-retournement non plus. Je vous rappelle, Monsieur le Président, que le grand mouvement protestataire (du 17 décembre 2010-14 janvier 2011), surnommée après coup, la Révolution de la "karama", a été récupérée, volée, dit-on, par les révolutionnaires de la 25eme heure.
A propos de l'entrée tardive de certains politiques, Abdelwaheb Meddebse réfère, dans Le Printemps de Tunis, au diplomate français, Talleyrand: « je ne me suis jamais pressé et pourtant je suis toujours arrivé à temps ». La phrase semble écrite pour RG, qui, au lendemain de son retour de Londres, a condamné l'acte premier, jugé le suicide de Mohamed Bouazizi "Haram", contraire aux préceptes de l'Islam, avant de se positionner en guide suprême de la Révolution, et de se faire le protecteur semi-déclaré de « la ligue de protection de la Révolution ». Violences, affrontements, campagnes de sabotage (contre les médias, les journalistes, Nida Tounes, l'UGTT), assassinats qui ont débouché sur la dissolution de la « ligue ».
Par une des plus étranges ironies de l'Histoire, le chef du parti islamiste est aujourd'hui à la tête de l'ARP. Il y est arrivé après une campagne électorale qu'il a centrée sur le "souffle révolutionnaire" des nahdaouis. Les candidats de la liste "El Karama" empruntent la même voie/voix et récoltent les mêmes bénéfices. Le nom qu'ils se sont attribué, leur posture, leur discours, attestent et reflètent l'ampleur de cette opération de détournement. Et les désastres qu'elle a générés et qu'elle continuera à générer.
Il est clair, Monsieur le Président, que pour ces jeunes parvenus au parlement (qui ne manquent aucune occasion pour s'auto-proclamer révolutionnaires), la situation socio-économique des tunisiens, la santé, l'éducation, le transport… sont des questions périphériques par rapport à leur objectif premier: réislamiser le peuple, changer le modèle sociétal et réécrire l'Histoire en déboulonnant le fondateur de la République et les défenseurs de l'Etat moderne. Ce travail de sape que le chef du parti islamiste a entamé en grande pompe, (au lendemain de son accès au pouvoir en 2012), avant d'être contraint de baisser le ton, (re) trouve sa ferveur et son aigreur dans la bouche du chef de "El karama", son alter ego, et son fidèle héritier.
Les jeunes qui n'ont pas vu leurs conditions s'améliorer, qui ont senti l'arnaque et vomi les arnaqueurs ont décidé de prendre leur destin en main, et tenté de réinventer leur « Révolution kidnappée » (titre de l'historien Mustapha Kraiem). Ce sont ces jeunes, le « chabab », pour reprendre votre mot favori, Monsieur le Président, qui vous a soutenu et a assuré votre accès à Carthage. Il a cru en votre droiture, votre parcours d'enseignant, votre éloquent et rassurant discours. Certes, à la différence des autres candidats, vous avez évité de lui promettre monts et merveilles, mais la prise de contact et la parole sont déjà une promesse ; "dire c'est faire" selon la formule bien connue. Cette jeunesse qui ne demande qu'à vivre dans la dignité, à gouter à la "karama", ce mot resté sans contenu, a compté sur votre expérience, votre savoir, et savoir-faire pour que ses vœux soient exaucés, que les idées que vous lui avez insufflées se transforment en acte.
Six semaines environ après votre investiture, ce même « chabab » commence à douter de son devenir. Sa situation va de mal en pire. Loin de le tranquilliser, les propos consolateurs, fatalistes ou accusateurs des autres que vous tenez chaque fois que vous êtes confronté à la sordide réalité, accroissent ses doutes, et ses angoisses. La tragédie du 1er décembre 2019, cristallise la tension, et latransmue en colère, en peur panique bien visibles dans les yeux vides des amis de Sabrine, porteurs de l'absence et de la désespérance…
Permettez-moi, pour finir, Monsieur le Président, de vous formuler mes inquiétudes et mes questionnements. Êtes-vous sûr d'avoir réellement écouté le « chabab » qui vous a bien écouté? Avez-vous réglé votre montre sur la sienne? Mesuré son élan au vôtre ? Le temps des "enfants du Net" (comme ils aiment se surnommer) est autrement plus rapide que le temps des échafaudages théorico-idéologiques. Leurs ambitions, et leurs espaces sont à fortiori bien plus étendus. Comment concorder les deux chronotopes? Quel tracé et quelles stratégies comptez-vous suivre pour répondre aux énormes attentes de ce « chabab »connecté au monde, nourri d'une culture plurielle et des acquis de la modernité ? Cette modernité que les pseudo-révolutionnaires et faux-démocrates dénigrent au nom de la reconquête d'une identité perdue et la protection de l'Islam menacé, créant chez les plus vulnérables le complexe du "sur musulman" dont le psychanalyste tunisien, Fethi Ben Slama, a analysé les motivations, les symptômes et les implications.
Ce « chabab » fragilisé, perdu, déboussolé par tant de slogans trompeurs et de discours creux, a besoin d'actions concrètes et de décisions rapides.
Alors, de grâce Monsieur le Président, décidez et agissez.
Monia Kallel


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.