Maintenant que la loi de finances 2017 est adoptée après des polémiques interminables et des tiraillements entre les partis politiques, d'un côté et certaines corporations professionnelles et le pouvoir, de l'autre, l'actualité est, de nouveau occupée par les configurations du paysage partisan. Le premier enseignement à tirer de l'après budget et loi de finances 2017, est que le tandem Nidaa Tounès-Ennahdha a fonctionné à merveille, en dépit de quelques couacs, dans le sens où les deux plus grands partis ont toujours voté dans la même orientation démontrant une efficacité exemplaire due à la convergence de leurs intérêts. Cela a été illustré de la manière la plus parfaite lors des discussions des deux articles portant sur la fiscalité des avocats et le secret bancaire. En effet, Mongi Rahoui, président de la puissante Commission des finances au sein de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) a, accusé, expressément et nommément, Ennahdha et le chef de son bloc parlementaire Noureddine Bhiri, d'avoir donné des assurances aux avocats quant à la « chute de l'article concernant la fiscalité de la profession ». Et effectivement, ledit article a été rejeté et remplacé par de l'indication du matricule fiscal sur tout document. Une disposition qui s'appliquera d'ailleurs à toutes les professions libérales. En contrepartie, et selon des fuites, il y aurait eu une tractation consistant à faire passer l'article sur le secret bancaire auquel Ennahdha, en particulier, était opposé. Bref, le projet de loi de finances ayant été voté, dans les délais impartis, le volet et les débats d'ordre économique ont cédé la place, de nouveau, aux aspects politiques de la dynamique nationale, plus précisément le paysage partisan qui, de l'avis des observateurs, pourrait enregistrer de sérieux changements dans le sens où toutes les formations cherchent à se placer en vue des prochaines élections municipales qui, une fois organisées, donneraient le ton à ce que seront les autres échéances électorales de 2019. Mais des voix commencent déjà à s'élever pour appeler à des élections législatives et présidentielles anticipées. Et c'est Slim Riahi, président de l'Union patriotique libre (UPL), qui a lancé l'idée sur antenne, dimanche soir. A l'heure des rapprochements Or, une idée pareille, avancée en d'autres temps où l'UPL était assez esseulé, n'aurait pas suscité l'intérêt qu'elle soulève dans l'état actuel des choses, et ce pour la simple raison que ce parti est devenu, l'allié de Machrou3 Tounès dirigé par Mohsen Marzouk. Plus encore, l'alliance entre ces deux partis serait le prélude à une vaste initiative qui pourrait prendre, avec le temps, de l'ampleur, surtout si le rapprochement avec l'aile dissidente de Nidaa Tounès, conduite par le revenant Ridha Belhaj, venait à être officialisé. En tous les cas, on pourrait y voir plus clair avec la tenue, demain mercredi 14 décembre 2016, de la conférence de presse, tant attendue, par ladite aile et qui comprend des figures de proue et de poids dont notamment Faouzi Elloumi, Boujemâa Remili, Khemaïs Ksila, Moncef Sellami, etc. D'ailleurs des représentants de la triade Machrou3-UPL-Aile de Nidaa se sont déjà réunis pour discuter d'une éventuelle action commune confirmant cette hypothèse qui verse, en fait, dans le même sens que celle annoncée, à cor et à cri, comme étant venant du Palais présidentiel, mais que Béji Caïd Essebsi, en personne, avait démentie. Un démenti que certains considèrent comme étant du bout des lèvres, juste pour apaiser les inquiétudes que cela avait soulevées au sein du mouvement Ennahdha, voyant en ce projet pareil, appelé « front républicain de salut » comme un retour à l'atmosphère de l'avant-élection de 2014 et comme étant une manière d'isoler le parti islamiste face à une coalition dite démocratique progressiste et centriste. En effet, cela fait rappeler cette ambiance ayant prévalu lors de la naissance de Nidaa Tounès en 2012 avant de devenir le chef de file d'un front anti-Ennahdha avec un apogée lors du sit-in du départ ayant abouti à la démission du gouvernement d'Ali Laârayedh et son remplacement par celui transitoire de Mehdi Jomâa. Cette nouvelle configuration du paysage partisan a été marquée, surtout, par le nouveau rapprochement entre les deux frères ennemis, Mohsen Marzouk et Ridha Belhaj On citera, dans cet ordre d'idées, la réunion qui a eu lieu le 5 décembre 2016 entre le secrétaire général du Mouvement du Projet pour la Tunisie (MPT), Mohsen Marzouk, Slim Riahi, président de l'Union patriotique libre (UPL) et certains membres de Nidaa Tounes dont notamment Ridha Belhaj, Boujemâa Remili et Faouzi Elloumi. Selon les bruits fuités, cette rencontre a permis d'examiner les possibilités de rencontre entre les forces nationales centristes modernes « afin de mettre un terme à la dispersion actuelle ». A l'issue de cette rencontre, il a été convenu de contacter d'autres personnalités et d'autres courants politiques pour tenir une réunion plus large durant laquelle seraient explorés les éventuels mécanismes de coordination. Et comme sus-indiqué, un air de déjà vu souffle sur cette initiative de « rencontres des forces nationales centristes ». Toutefois, de sérieux nuages planent sur le ciel d'Al Horra où trois députés, et non des moindres, ont décidé de démissionner du bloc ainsi que du parti MPT, à l'issue de l'adoption de la Loi de finances 2017 par l'ARP, en signe de protestation contre « des changements soudains dans la direction des votes ». Il s'agit de Walid Jalled, Mustapha Ben Ahmed et Mondher Belhaj Ali. Outre cette tentative de rassemblement des forces dites démocratique et progressistes, d'autres petits partis qui se proclament, eux aussi, de la famille démocratique, à savoir Attayar de Mohamed Abbou et surtout Harak Tounes al-Irada de Moncef Marzouki, essaient de faire parler d'eux quitte à tomber dans les excès provocateurs, mais sans réel succès. Et c'est Moncef Marzouki, ancien président de la République, qui excelle dans cet art. Pour lui, le gouvernement d'union nationale de Youssef Chahed sera «balayé » aux prochaines élections sauf s'il « trafique » ce scrutin, car il a perdu son assise populaire. Pire encore, selon ses propres termes « l'explosion sociale » ne va pas manquer de survenir en raison des difficultés que traverse le pays et va balayer tout sur son passage ». Cette déclaration, faite avant l'accord conclu avec l'UGTT, M. Marzouki tablait, certainement, sur une escalade entre le gouvernement et la Centrale syndicale qui se transformerait en affrontement. Mais finalement il en a eu pour ses frais. En tout état de cause, tout laisse entrevoir des modifications notoires voire de véritables chambardements de la vie partisane où tout peut arriver surtout qu'il serait impensable que le duo actuel Ennahdha-Nidaa puisse fonctionner dans un cadre électoral, d'où l'émergence plausible, voire inéluctable, tôt ou tard, d'un front qui pourrait lancer une véritable machine électorale en vue des futures échéances politiques.